« Mademoiselle dite Coco » de Madeleine Mansiet-Berthaud

 

 

 

 

 

 

Résumé

Gabrielle Bonheur Chasnel est devenue la grande prêtresse de la mode et n’a plus rien à prouver. Chacune de ses créations déclenche tout à la fois scandale et engouement.
Mais celle que l’on surnomme Coco n’en demeure pas moins femme et ne peut se consoler de la perte tragique de son amant. En cette époque de bouillonnement intellectuel, elle retrouvera à force de talent le goût de la vie pour s’imposer comme l’une des plus grandes figures du XXe siècle

Mon opinion

★★★★☆

___Après avoir eu un véritable coup de coeur pour « Scandaleuse Alexandrine », c’est avec beaucoup de plaisir (et une pointe d’appréhension) que j’ai donc renoué avec la plume de Madeleine Mansiet-Berthaud.

___Jetant une fois encore son dévolu sur une femme à la personnalité et au destin hors du commun, la romancière s’est cette fois-ci attelée à la vie d’une véritable icône de la mode : Coco Chanel. Centrant son récit sur une période de temps bien délimitée de la vie de la célèbre couturière, l’auteure nous fait pénétrer dans l’intimité de cet esprit libre et visionnaire et de ses amours tumultueuses.

___Loin de nous livrer une biographie exhaustive de Coco Chanel, Madeleine Mansiet-Berthaud préfère donc concentrer son récit sur quelques années de la vie de la couturière tout en glissant subtilement des détails pertinents permettant au lecteur de combler les zones d’ombre et de retracer ainsi les étapes clés de la vie de Chanel.

___C’est donc sur le portrait d’une femme plongée dans sa douleur que s’ouvre le roman de Madeleine Mansiet-Berthaud. Boy, l’amour de sa vie est mort et Coco semble s’enliser dans le chagrin malgré les efforts désespérés de ses proches qui développent des trésors de patience pour l’extraire de sa léthargie. Mais c’est finalement l’arrivée d’Igor Stravinsky qu’elle accueille avec femme et enfants à Bel Respiro, qui offre à la fois à la couturière l’occasion de débuter sa carrière dans le mécénat et de retrouver enfin son entrain et un désir de vivre qui l’avait abandonnée.

___Une fois encore, Madeleine Mansiet-Berthaud démontre tout son talent pour saisir la psychologie de son sujet. Avec un art consommé de la formulation, elle tisse les mots, telle une dentelière, avec délicatesse et sensibilité. Alliant à la perfection raffinement et justesse de ton, sa plume nous emporte au coeur des turpitudes et des remises en question de celle qui osait tout et qui « dominait si parfaitement ses émotions qu’elle paraissait indestructible ». De ses relations amoureuses à son rapport à la maternité ou avec l’argent, aucun sujet n’échappe à la plume avertie de la romancière.

___Un exercice d’autant plus délicat que Coco est aussi impérieuse que Gabrielle est énigmatique. Résolument tournée vers l’avenir (à l’image de ses créations), la couturière a drapé son passé d’un voile de mystère, préférant taire les drames de son enfance. Après avoir lutté des années durant pour s’extraire de la pauvreté et se forger un destin, Coco semble déterminée à rompre avec un passé qu’elle peine à assumer. Si la belle se félicite du chemin parcouru, s’enorgueillissant de ne devoir sa réussite qu’à la force de son talent et de sa détermination, elle semble aussi vouloir désespérément fuir le souvenir de ces premières années de misère comme par crainte d’y retomber. Et dans cette entreprise, son travail est sa meilleure planche de salut.

___Emportant le lecteur jusque dans les murs de l’atelier que la couturière dirige avec zèle et compétence et où s’activent les petites mains agiles de ses employés, Madeleine Mansiet-Berthaud nous livre le portrait d’une travailleuse acharnée, perfectionniste et passionnée. « J’ai une passion qui dévore mon temps et ma vie mais elle me tient vivante. C’est une grande chance, et c’est une arme efficace contre l’ennui, contre le désespoir. » p.22

___Entendant délivrer les femmes de leur carcan vestimentaire, Coco Chanel a amorcé une véritable révolution dans le monde de la mode dont elle bouscule les codes et qui doit, selon elle, allier élégance, praticité et simplicité de manière à offrir confort et liberté de mouvement. A travers ses créations, Chanel redessine ainsi la femme à son image : indépendante, dynamique et résolument libre. Jouant avec les genres, elle introduit dans ses collections la marinière, le pantalon pour les femmes ou encore la tendance des cheveux courts. Bien décidée à libérer les femmes de leurs corsets et de leurs jupons, la créatrice créé une nouvelle silhouette, raccourcit les jupes et utilise de nouvelles matières.

___Sous la plume de Madeleine Mansiet-Berthaud s’esquisse peu à peu le portrait d’une femme dont l’audace et la détermination sont à la mesure de sa force de caractère. Gabrielle apparait en effet à l’image de ses créations : visionnaire, éprise de liberté et perfectionniste. Revendiquant sa liberté et son indépendance, elle privilégie sa carrière à ses amours et est bien décidée à n’appartenir à personne. Sa seule priorité et sa raison d’être restant son métier auquel elle dévoue sa vie, son temps et toute son énergie.

___Tandis que Coco se perd ainsi dans le travail, le lecteur découvre et tente d’apprivoiser ce monde étourdissant que la couturière a conquis à la pointe de ses ciseaux et qu’elle semble désormais tenir à ses pieds. Multipliant les rencontres affectives et amoureuses, c’est un véritable défilé d’artistes et de politiques qui se joue sous nos yeux : Picasso, Diaghilev, Jean Cocteau, Proust, Churchill… l’univers dans lequel Coco gravite est aussi éclectique qu’effervescent !

___Chanel, dont le « métier la suivait partout », n’hésite d’ailleurs pas à puiser dans ces fréquentations l’inspiration de ses créations. Sa collaboration avec Maria Pavlovitch et sa rencontre avec le Duc Dimitiri Pavlovitch sont ainsi l’occasion d’intégrer la mode russe à ses collections. Un souffle créatif et un esprit novateur qui ne se limitent pas au seul domaine vestimentaire. De l’élaboration de son parfum, le célèbre « Chanel N°5 » (dont une certaine Marilyn Monroe devient l’égérie en 1954 après avoir affirmé dormir avec quelques gouttes) aux prémices des congés payés, en passant par la coiffure, l’esprit visionnaire et les idées avant-gardistes de Coco investissent de nombreux domaines.

Avec « Mademoiselle dite Coco », Madeleine Mansiet-Berthaud nous livre ainsi un portrait tout en nuances d’une femme qui par son audace, la force de son travail et une détermination inébranlable, entreprit de révolutionner la mode et conquit le monde à la pointe de ses ciseaux.

Limitant son récit à une période délimitée de la vie de la couturière, la romancière parvient néanmoins à saisir la personnalité de Chanel dans toute son essence et sa complexité. Avec une plume alliant parfaitement élégance et justesse de ton, elle esquisse peu à peu le portrait d’une femme à l’image de ses créations : un esprit bouillonnant et indépendant, épris de liberté et incroyablement visionnaire.

Une fois encore, Madeleine Mansiet-Berthaud démontre donc tout son talent pour saisir la psychologie de son sujet. De ses relations amoureuses à son rapport à la maternité ou avec l’argent, aucun sujet n’échappe à la plume avertie de l’auteure qui parvient à effeuiller un peu du mystère dont l’énigmatique Gabrielle prend soin de s’envelopper.

Restituant avec dextérité le monde en effervescence dans lequel Chanel gravite, l’auteure convie en outre le lecteur à un véritable défilé d’artistes et de politiques ainsi que jusque dans les coulisses de l’atelier dans lequel Coco s’emploie à redessiner la femme.

Je remercie une nouvelle fois les éditions De Borée pour leur confiance !

  • Extraits

    « Bien qu’entrée avec fracas dans ce monde de privilégiés, Coco ne se sentait pas complètement acceptée. Et elle se posait parfois la question : lesquels, parmi ces nantis, ces gens bien nés, pouvaient s’enorgueillir d’avoir bâti leur situation ? Héritiers d’un nom, d’une fortune, qu’avaient-ils de commun avec l’humble modiste devenue la brillante couturière qui avait révolutionné la mode ? […] Gabrielle avait osé ; elle avait bousculé les contingences en mettant dans ses créations une touche d’originalité. Sa hardiesse avait payé et l’avait encouragée à continuer dans la métamorphose. Cela faisait trop longtemps que les élégantes se paraient de plumes, de froufrous, de volants, de robes encombrantes qui les faisaient ressembler à des poupées de luxe et entravaient leurs mouvements. La mode Chanel était venue bien à point pour les délivrer de leurs harnachements. Aux orties les affûtiaux d’un autre âge, les culottes de grand-mère, les chapeaux surchargés de fleurs et de furits ! Une nouvelle créature avit vu le jour ; elle pouvait courir, s’adonner au sport, travailler, enfin vivre tout en restant élégante. Les femmes devaient à Coco de les avoir délivrées du carcan du corset. Elle avait rajeuni leur silhouette, et pour cela elles l’encensaient. Toute tournée vers sa passion dévorante, en avait-elle conscience ? » (Mademoiselle dite Coco, p.31 de Madeleine Mansiet-Berthaud, Editions De Borée)

« Il était duc soit, mais elle était Coco Chanel ; et sa supériorité sur lui, c’était justement ce nom qu’elle ne devait à personne. Avant lui, un de ses ancêtres s’était distingué et avait brillé au firmament des célébrités ; il n’en était que l’héritier alors que Gabrielle était devenue une étoile par son travail et son talent unanimement reconnu. Elle laisserait une trace de son passage en ce monde, ce que dans sa profession on appelait une griffe, reconnaissable entre toutes. Lui ne laisserait qu’une fortune immense qu’il n’aurait pas réussi à dilapider malgré ses somptueuses dépenses et ses largesses. » (Mademoiselle dite Coco, p.193 de Madeleine Mansiet-Berthaud, Editions De Borée)

Une réflexion sur “« Mademoiselle dite Coco » de Madeleine Mansiet-Berthaud

  1. Je ne me suis jamais penchée en profondeur sur la vie de Chanel (j’ai juste vu « Coco avant Chanel » que j’avais beaucoup aimé, je ne sais pas si tu l’as vu?) mais je suis plutôt emballée par ce livre (les extraits mettent vraiment l’eau à la bouche!) 🙂

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