« Les ombres de Kerohan » de N. M. Zimmermann

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Quatrième de couverture

À douze ans, Viola a déjà traversé bien des épreuves. Lorsqu’elle est envoyée chez son oncle en Bretagne, avec son frère Sebastian, on lui dit que l’air marin lui fera du bien. Il paraît que son oncle est très riche, qu’il habite un manoir, à Kerohan, et que l’on peut s’y reposer. Se reposer, vraiment ? Certes, le parc est immense, et Viola et Sebastian ont chacun une chambre, mais il n’y a pas grand monde pour prendre soin d’eux.

Et qu’est devenue la prétendue fortune de leur oncle ? Le manoir est bien vide et, à Kerohan, Viola et son frère sont des proies faciles pour l’ennui et la solitude. Encore que… Peut-on parler de solitude quand d’étranges silhouettes parcourent les couloirs à la nuit tombée ? Quand Sebastian prétend avoir vu un korrigan ? Quand la salle de musique déserte résonne de la musique d’un piano ? Et que veille sur eux tous l’inquiétant docteur Vesper…

  • Mon opinion

★★★★☆

___Suite au décès de leur mère et au départ de leur père pour Londres, Viola et son jeune frère Sebastian se retrouvent contraints d’aller temporairement vivre en Bretagne auprès de leur oncle, Monsieur Kreven. Au terme d’un long voyage, les deux enfants sont accueillis à la gare par le mystérieux Dr Vesper, dépêché par leur oncle pour les conduire au manoir.

Dans cette vaste demeure, Viola et son frère sont rapidement saisis par le silence pesant et l’atmosphère sépulcrale qui baignent le lieu. En dehors de Madame Lebrun, les domestiques semblent tous avoir déserté les lieux. Et nulle trace non plus de leur tante ni de leur cousine, Ismérie: leur « santé fragile » contraignant ces dernières à rester alitées la majeure partie du temps.

Dès la première nuit, les angoisses des deux enfants augmentent d’un cran. Leur sommeil est en effet rapidement perturbé par la survenue de plusieurs évènements étranges qui ne tardent pas à se multiplier à mesure que les jours passent. Quels secrets peuvent donc bien dissimuler les murs de la vieille bâtisse et ses habitants, tous plus inquiétants et étranges les uns que les autres ?

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Le roman gothique anglais est aujourd’hui encore une source d’inspiration féconde pour de nombreux auteurs, y compris pour ceux qui s’inscrivent dans le registre de la littérature jeunesse. Avec son dernier roman, N. M. Zimmermann livre à ses lecteurs une décoction qui évoque des relents des plus grands classiques de la littérature anglaise du genre. Une jolie réussite !

___Après la série Alice Crane, Sous l’eau qui dort, Dream Box (entre autres), c’est dans la Bretagne du XIXème siècle, que N. M. Zimmerman plante le décor de son nouveau roman. Dans « Les ombres de Kerohan », l’auteure joue habilement avec les codes du roman gothique ici repris au service d’un récit qui, bien que destiné à un jeune public, saura également séduire les lecteurs plus âgés. Difficile en effet de ne pas se laisser happer par l’atmosphère délicieusement ensorcelante et les ambiances crépusculaires de ce récit qui mêle avec brio atmosphère gothique et éléments du folklore breton.

___Le décès de la mère des deux enfants à la suite d’une longue maladie sert ici de point de départ à une aventure entraînante où le mystère flirte en permanence avec le fantastique. Il faut dire que N. M. Zimmerman joue habilement avec les nerfs du lecteur qui, longtemps, évolue à tâtons au coeur d’une intrigue mystérieuse qui semble à tout moment sur le point de basculer vers le fantastique. Page après page, la frontière entre monde réel et surnaturel se brouille et notre bon sens se trouve bientôt mis à rude épreuve.

___Dans cet univers brumeux et inquiétant, Viola, adolescente perspicace et pleine de ressources, s’attire très vite la sympathie du lecteur qui décèle en elle une alliée à la fois précieuse et rassurante. La jeune fille dont les doutes et les questionnements font directement échos à ceux du lecteur incarne en effet pour lui un point de repère essentiel dans cette histoire qui le charrie en permanence entre réel et fantastique,

___A un âge charnière entre enfance et monde des adultes, Viola, du haut de ses douze ans, est aussi une jeune fille tiraillée entre son rôle d’aînée et ses angoisses d’enfant. Veiller sur son frère, prendre les bonnes décisions et se montrer responsable se révèle cependant un fardeau bien lourd pour de si frêles épaules ! Cet antagonisme se retrouve d’ailleurs parfaitement illustré à travers la façon dont chacun des deux enfants appréhende les évènements auxquels ils se trouvent confrontés. Ainsi, alors que son petit frère ne semble pas douter (ni s’étonner) un instant du caractère surnaturel des évènements se déroulant à Kerohan, Viola – telle une adulte – s’efforce quant à elle de trouver une explication rationnelle aux phénomènes étranges qui se succèdent.

___Mais à mesure que les évènements inexplicables se succèdent, le doute s’immisce dans l’esprit de Viola et du lecteur. Ces phénomènes troublants ont-ils une explication rationnelle ? Viola et son frère, dévorés par le chagrin et bouleversés par ce « déménagement » forcé, ne sont-ils pas simplement victimes de leur imagination fertile, nourrie par le souvenir des histoires que leur racontait leur mère et le folklore local qui pare le lieu d’une aura chargée de magie ? A l’instar du « Tour d’écrou » d’Henry James, le récit de N. M. Zimmermann semble ainsi pouvoir s’appréhender au travers de deux voies : un angle fantastique d’abord (une histoire de fantômes) ou un angle « psychologique » et interprétatif. Selon cette dernière grille de lecture, les évènements décrits pourraient ainsi s’interpréter comme la simple résultante de la folie du narrateur (pouvant s’expliquer ici comme la conséquence du profond chagrin des enfants… combiné aux effets du vin chaud que leur administre assidument Madame Lebrun chaque soir !). Une théorie d’autant plus plausible que longtemps, l’auteure distille les indices pouvant l’accréditer. De fait, on est bientôt tenté de mettre en doute l’authenticité des phénomènes observés par les deux enfants, et l’on s’interroge sur leurs interprétations.

___Au-delà de la réussite esthétique (efficacité des atmosphères mises en place, maîtrise impeccable du rythme), le récit vaut surtout pour le formidable message qu’il sous-tend. Car sous couvert d’une intrigue accrocheuse et délicieusement angoissante, N. M. Zimmerman propose en effet une véritable réflexion sur le délicat travail de deuil qui suit la perte d’un être cher. Mettant en perspective les trajectoires de ses personnages, l’auteure place aussi au coeur de son roman la question de la résilience et de la reconstruction de l’individu après un drame. Surmonter sa douleur, réussir à aller de l’avant en dépit des épreuves qui jalonnent nos vies, ne pas se laisser dévorer par le passé et le chagrin… tels sont quelques-uns des messages clés sous-tendus par ce récit aux multiples grilles de lecture et qui cultive de bout en bout avec brio l’art de l’ambiguïté.

Manoir isolé, portes qui claquent, personnages inquiétants,… avec « Les ombres de Kerohan », N. M. Zimmerman reprend tous les ingrédients du roman gothique pour en livrer une variation aussi plaisante que réussie. Véritable hommage au genre, ce pastiche respectueux multiplie les références et assume pleinement ses influences. Certes, l’intrigue, délibérément orientée jeunesse, n’atteint évidemment ni la complexité ni la noirceur des classiques du genre dont elle s’inspire. Pour autant, on ne saurait tenir rigueur à l’auteure de ce détail, tant le message sous-jacent le récit se révèle au final aussi percutant qu’habilement amené.

Si à première vue, le dénouement semble donner au lecteur, sinon toutes, au moins une grande partie des clés du mystère, le récit se clôture néanmoins de manière suffisamment ouverte pour laisser au lecteur une confortable marge d’interprétation. De fait, libre à ce dernier de croire sur parole ou non à l’authenticité de ce récit qui, à l’instar des classiques du genre, cultive de bout en bout l’art de l’ambiguïté.

Je remercie une fois encore les éditions L’Ecole des Loisirs pour cette belle lecture!

« La fille qui navigua autour de Féerie dans un bâteau construit de ses propres mains » de Catherynne M. Valente

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Quatrième de couverture

Septembre est une jeune fille qui aspire à l’aventure. Quand elle est invitée en Féérie par le Vent Vert et le Léopard des Petites Brises, bien sûr, elle accepte. Qui ne le ferait pas à douze ans ? Mais Féérie est dans la tourmente, sous le règne écrasant d’une Marquise maléfique.

Cheminant en compagnie d’un vouivre amoureux des livres et d’un étrange garçon bleu, presque humain nommé Samedi, elle perdra : son ombre, sa chaussure, son cœur et bien sûr son chemin. Mais dans l’aventure, elle trouvera le courage, l’amitié, une cuillère un peu spéciale et bien plus encore. Elle seule détient la clef qui rétablira l’ordre et le bonheur en Féérie…

Il n’y avait pas eu de monde si envoûtant, de personnages si originaux depuis Alice au pays des Merveilles ou le pays d’Oz. L’héroïne grandit au cours de cette aventure. Septembre est intelligente et très logique avec pourtant une forme de naïveté que nous voudrions garder toute notre vie, dans un monde plus complexe qu’il n’y paraît où tout n’est pas que soleil et magie.

  • Mon opinion

★★★★★

___Alors que son père est parti à la guerre et que sa mère se rend tous les jours à l’usine travailler sur des moteurs d’avion, la jeune Septembre, douze ans, aspire à s’extraire de sa solitude et de la monotonie de son triste quotidien. Aux côtés du Vent Vert et à dos du Léopard de Petites Brises, la fillette en soif d’aventure embarque donc pour le mystérieux monde de Féerie.

___Dans un décor résolument tourné vers l’imaginaire et la fantaisie, Catherynne M. Valente bâtit un récit aussi improbable qu’envoûteur et entraîne le lecteur au coeur d’une expérience unique, entre poésie, aventure et onirisme.

___Avec ses personnages aussi loufoques que truculents et son histoire inventive à souhait, Catherynne M. Valente s’inscrit indéniablement comme la digne héritière de Lewis Carroll et de son Alice au pays des merveilles! Nul doute que la romancière a en effet puisé dans ce classique de la littérature pour forger son propre univers. Mais loin de se casser les dents sur cet exercice ou de livrer une pâle imitation de l’oeuvre originale, Catherynne M. Valente donne vie à un monde coloré, délicieusement absurde et plein de charme.

A côté de l’inévitable comparaison avec Alice au pays des merveilles, d’autres influences se devinent au cours de la lecture. Impossible de ne pas noter les innombrables références à de grands classiques de la littérature jeunesse (parmi lesquels Peter Pan, Narnia ou le Magicien d’Oz) auxquels se mêlent en outre de nombreux éléments issus du folklore du monde entier. L’auteure joue ainsi en permanence avec les références les plus éclectiques glissant de la théorie de l’évolution de Darwin à l’expérience du chat de Schrödinger!

___A l’instar de Septembre, le lecteur se retrouve propulsé dans un monde étrange et insaisissable, peuplé de créatures féériques et de personnages extraordinaires. Dans un grand élan de poésie, l’auteure fait ainsi surgir une constellation de personnages secondaires tous plus originaux et étranges les uns que les autres. Au cours de cette expérience singulière, notre jeune aventurière croisera tour à tour une gnome, des sorcières, un Lou-garou, un vouivriothèque, une golem… Mais passée la découverte majestueuse des lieux, Septembre ne tarde pas à découvrir que Féérie se révèle en réalité aussi terriblement cruel qu’enchanteur. Soumis à la tyrannie d’une odieuse marquise, les habitants de Féerie se rappellent avec nostalgie l’époque heureuse du règne doré de la regrettée reine Mauve. A l’instar du monde réel qu’elle désirait si ardemment quitter, Septembre découvre ainsi que tout n’est pas parfait à Féérie et que ce monde peut lui aussi parfois se révéler impitoyable…

Dans cet univers incroyable qui fonctionne selon ses propres lois, Septembre enchaîne les péripéties et fait bientôt le douloureux apprentissage de la vie. Confrontée à une succession d’épreuves, la fillette devra faire des choix et en assumer les conséquences. Au cours de cette expérience, elle découvrira la valeur du courage, de l’amitié et devra redoubler d’effort pour venir en aide à es nouveaux amis et sauver Féérie du chaos.

___Dans ce premier tome, Catherynne M. Valente prend le contre-pied des contes traditionnels avec ce récit où se mêle avec brio poésie et aventure. Car la force première de ce roman réside assurément dans sa capacité à savoir déjouer les attentes et les clichés pour offrir un récit haletant et immersif à souhait ! Perspicace et pleine de ressources, Septembre s’impose comme une jeune héroïne terriblement attachante dont on suit les péripéties avec plaisir et que l’on quitte à regret. Grâce à des personnages hauts en couleurs, un decorum enchanteur et une intrigue aussi riche en rebondissements que bien menée, Catherynne M. Valente prend le lecteur dans ses filets le temps d’une aventure unique et imprévisible.

Si la grande poésie et la dimension symbolique du récit rendent parfois le propos sibyllin et l’interprétation délicate, les derniers chapitres permettent finalement de lever le voile sur une part importante du mystère entourant le fil des évènements, permettant au lecteur de les appréhender sous un jour nouveau. Ainsi, bien qu’il ne soit pas toujours évident de saisir où l’auteure veut nous emmener, on se laisse néanmoins rapidement porter par la féérie de ce monde étonnant et imprévisible qui dévoile de nouvelles surprises page après page.

___Servi par une écriture envoûtante et luxuriante, « La Fille qui navigua autour de Féérie dans un bateau construit de ses propres mains » est un roman jeunesse aux multiples niveaux de lecture. Catherynne M. Valente livre une oeuvre poétique et mélodieuse à travers un texte qui file les métaphores et saisit par la force de ses symbolismes. A cet égard, il convient de saluer la traduction remarquable de Laurent Philibert Caillat qui a réalisé une véritable prouesse en adaptant magistralement le texte original tout en conservant sa musicalité, sa poésie et ses jeux de mots florissants!

___Au-delà de la performance stylistique, c’est avant tout un magnifique roman d’apprentissage que nous offre Catherynne M. Valente. Dosage calibré entre tendresse et émotions, ce bijou de poésie est en outre une véritable invitation à l’imagination qui séduira les lecteurs de tous âges !

Je remercie infiniment les éditions Balivernes pour cette fantastique découverte !

  • Extraits

« Quand tu nais […] ton courage est neuf et propre. Tu es assez brave pour affronter n’importe quoi : descendre un escalier en rampant, prononcer tes premiers mots sans craindre que quelqu’un te trouve stupide, fourrer des choses bizarres dans ta bouche. Mais en vieillissant, ton courage attire des saletés, des sortes de croûtes, de la terre, la peur, la conscience que de mauvaises choses peuvent survenir et la connaissance de la douleur. Le temps que tu sois à moitié adulte, ton courage remue à peine tant la vie l’a encrassé. Alors, de temps en temps, il faut le nettoyer et le remettre au travail, sinon tu ne seras plus jamais brave. »

« Personne n’est choisi. Jamais. Pas dans le monde réel. Tu as choisi de sortir par la fenêtre pour monter sur un Léopard. Tu as choisi de récupérer une Cuiller de sorcière et de devenir amie avec un Vouivre. Tu as choisi d’échanger ton ombre contre la vie d’une enfant. Tu as choisi de ne pas laisser la Marquise s’en prendre à tes amis – tu as aussi choisi de briser ses cages ! Tu as choisi d’affronter ta propre mort, de ne pas reculer devant l’immense mer que tu devais traverser sans même un bateau sous la main. Et par deux fois, tu as choisi de ne pas rentrer chez toi alors que tu le pouvais, pour peu que tu abandonnes tes amis. Tu n’as pas été choisie, Septembre. Féérie n’est t’a pas choisie – tu as choisi toi-même. »

« Le jardin de minuit » de Edith

Quatrième de couverture

Été. Angleterre, XXe siècle. Tom Long est contraint de passer ses vacances chez son oncle et sa tante, car son frère a la rougeole. Ils habitent un appartement, situé dans un immeuble sur cour. L’ennui s’installe… Quand soudain, une nuit, un événement étrange se produit : l’horloge du hall sonne treize coups ! La cour a laissé place à un immense jardin… Tom s’y risque, il y devient invisible sauf aux yeux d’une petite fille de son âge, Hatty, vêtue d’une tenue du siècle dernier. Elle semble vivre dans un temps qui n’obéit pas aux lois chronologiques… Quel mystère se dissimule derrière ce bouleversement temporel ?
  • Mon résumé

_Après que son petit frère ait attrapé la rougeole, Tom se voit imposer une mise en quarantaine afin d’écarter tout risque de contagion. C’est donc à contre-coeur que le jeune garçon pose ses valises le temps d’un été dans la maison de son oncle et sa tante. Ici, les fenêtres bardées de barreaux donnent à sa chambre des allures de cellule de prison, renforçant un peu plus encore son sentiment de malaise. Dans ce décor étriqué et morose, son imagination se cogne aux murs de sa chambre et son horizon se limite au béton de la petite cour grise et sinistre du bâtiment.

___Le petit garçon ne se doute alors pas que cet exil forcé va portant bientôt se transformer en une aventure extraordinaire, qui va le tirer de son ennui et le marquer à jamais. Alors qu’il écoute les heures lentement s’égrener, Tom décèle une anomalie dans le fonctionnement de l’horloge de la maison. La pendule, qui semble comme ensorcelée, sonne chaque nuit treize coups, faisant dans un même temps apparaître derrière la porte du fond un magnifique jardin qui disparaît aussitôt le jour venu. Un étrange phénomène qui se répète tous les soirs, propulsant ainsi chaque nuit le jeune garçon dans cet univers étonnant surgissant de nulle part comme par enchantement. La beauté enchanteresse de ces grands espaces de verdure exerce un incroyable pouvoir d’attraction sur le garçon qui ne dispose cependant chaque nuit que d’un cours intervalle de temps pour explorer le jardin. Irrésistiblement attiré par ce jardin aux couleurs chatoyantes et le sentiment de liberté que lui procurent ces escapades sauvages au coeur de la nature, le garçon guette la tombée du jour, impatient de réitérer cette singulière expérience.

___Au cours de ses incursions dans cette bulle hors du temps, le garçonnet fait la connaissance d’une jeune fille nommée Hatty. Chose étrange, au milieu de cet écrin de verdure où Tom semble être invisible aux yeux de tous les gens qu’il croise, la fillette est la seule personne capable à le voir et à lui parler. Entre les deux enfants né bientôt une belle histoire d’amitié.

___Mais alors qu’il ne s’écoule qu’une poignée d’heures entre les visites successives de Tom, ce sont des mois voire des années dans la vie de Hatty qui défilent. De voyage en voyage, le garçon voit ainsi son amie grandir et se transformer peu à peu en une véritable jeune femme.

___Troublé par cet étrange phénomène et devant la fin imminente de son séjour chez son oncle et sa tante, Tom est bien décidé de percer le mystère de cet écrin de verdure…

  • Mon opinion

★★★★★

___Avec « Le jardin de minuit », Edith Grattery se plie pour la première fois à l’exercice de l’adaptation en solo et signe une fable originale et de toute beauté sur le thème de l’amitié et du temps qui passe.

___Philippa Pearce compte parmi les auteurs jeunesse les plus respectés en Grande-Bretagne. Parmi ses thèmes de prédilection, celui récurrent de l’enfance imprègne une grande part de son oeuvre. Relativement méconnu en France, « Tom et le jardin de minuit », écrit dans les années 50, est pourtant considéré outre-Manche comme un classique de la littérature enfantine. S’appuyant sur la trame narrative du roman, Edith se réapproprie ce classique de la littérature anglaise qu’elle met en images avec le plus grand talent.

___L’auteure a expliqué avoir épuré certaines références religieuses de la version d’origine et adapté les dialogues afin de dépoussiérer la trame du récit. Quel que soit le degré de fidélité de la BD à l’oeuvre d’origine, on ne peut que succomber au charme onirique de cet univers un brin suranné et à la magie de cette histoire illustrée avec sensibilité et poésie.

___Pour ces décors, l’illustratrice a puisé son inspiration dans ses ballades, au coeur de magnifiques jardins anglais ainsi qu’à partir des photos de la maison d’enfance de Philippa Pearce, l’auteure du roman d’origine.

___Dans ce récit qui oscille entre réalité et fantastique, le lecteur perd peu à peu lui aussi toute emprise sur le tissu du temps. Tel un funambule, il traverse cette histoire suspendu sur le fil fragile tendu entre deux époques, tenu en haleine par la crainte de voir à tout instant le lien se briser, scellant ainsi la fin irrévocable de cette expérience aussi improbable que féérique et d’une amitié qui défie les lois du temps.

___Avec ce récit aussi dépaysant qu’enchanteur, Edith nous livre une réflexion poétique sur l’inexorable fuite du temps ainsi que sur le pouvoir des souvenirs capables de lui résister et de lui survivre. C’est également une belle ôde à l’enfance, à l’amitié, à l’imaginaire et à la nature.

___Coutumière des ambiances victoriennes qu’elle sait retranscrire avec une remarquable maîtrise (elle a notamment collaboré à la série « Basil & Victoria », à « La Chambre de Lautréamont » ou encore « Les Hauts de Hurlevent »), Edith démontre une fois encore son habileté à distiller des atmosphères inquiétantes et mystérieuses. Elle traduit avec délicatesse l’improbable de cette expérience, et sa dimension féérique. Dans cette bulle qui s’affranchit des lois du temps, elle cristallise toutes les joies de l’enfance, et nous fait renouer avec cette période d’insouciance.

___Avec son dessin soigné et stylisé, Edith donne corps à cette histoire pleine de fantaisie, qui fait la part belle à l’imaginaire et nous immerge instantanément au coeur de ce jardin baigné de lumière comme en plein jour. Accordant un grand soin aux ambiances et aux décors, la dessinatrice stimule puissamment notre imaginaire et met tous nos sens en éveil. Herbe tendre, panorama féérique et explosion de couleurs se mêlent harmonieusement dans une ambiance surannée exquise. On rêverait de se fondre dans ce décor végétal à couper le souffle, où l’on sent presque les bouquets de parfums qui embaument l’air.

___D’une précision métronomique, le rythme du découpage bat harmonieusement le va-et-vient entre les époques. A l’instar du jeune héros, le lecteur est curieux de percer le mystère qui se cache derrière ces phénomènes étranges. Les questions fusent et se bousculent dans sa tête… avant de se laisser finalement emporter par cette histoire originale et envoûtante où le balancier du temps semble avoir perdu la boussole.

___Bien que ne disposant pas du recul nécessaire pour évaluer la qualité de l’adaptation d’Edith au regard de l’oeuvre dont elle s’inspire, j’ai été littéralement enchantée par le rendu visuel et l’atmosphère saisissante de cette bande dessinée. Véritable invitation au rêve, porté par une narration aussi limpide que parfaitement maîtrisée, Edith signe une oeuvre sensible et lumineuse doublée d’un hommage remarquable au roman de Philippa Pearce. Un album somptueux, aux accents de récit d’apprentissage, qui trouvera assurément un écho, aussi bien chez les adultes que parmi les plus jeunes lecteurs.

Je remercie chaleureusement les éditions Soleil pour cette très belle découverte!

  • Extrait

Extrait du « Jardin de Minuit » de Edith (Editions Soleil, 2015)

« Les enfants d’Evernight, tome 1: De l’autre côté de la nuit » de Mel Andoryss

 

 

 

 

 

 

Résumé

___Pour échapper à la pension, Camille fait un voeu à la veille de son treizième anniversaire, avant de s’endormir : ne plus jamais se réveiller. Lorsqu’elle rouvre les yeux, elle découvre que son souhait s’est réalisé. La voici à Evernight, le monde des rêves. Perdue dans cet univers étrange, elle rencontre le Marchand de sable. Malgré le soutien que lui apporte le jeune homme, Camille comprend qu’elle n’est pas la bienvenue : aucun humain n’est toléré à Evernight !

A l’image de Camille qui semble totalement perdue dans ce monde inconnu, Ne reste plus qu’à prendre notre mal en patience

Mon opinion

★★

___Premier tome d’une série de roman adaptée de la bande-dessinée éponyme, « Les enfants d’Evernight » nous propulse dans un univers foisonnant et pétri d’originalité qu’il est difficile de ne pas rapprocher de celui de « Alice au Pays des Merveilles » tant les références à l’oeuvre de Lewis Carroll émaillent le récit. Du prénom de l’héroïne, Camille (presque un anagramme d’Alice) au pays de Riorim (lisez « miroir » à l’envers), sans oublier les « montres du sommeil », objets clés du monde d’Evernight (et que l’on peut rapprocher de la montre à gousset du lapin de « Alice… »), autant de clins d’oeil plus ou moins dissimulées que l’on prend un malin plaisir à dénicher (et j’ai dû passer à côté de pas mal d’autres références !).

___A ceci s’ajoutent des personnages secondaires faisant plus ou moins directement écho aux protagonistes loufoques de Lewis Carroll, et qui viennent ainsi compléter un hommage aussi réussi qu’intelligent.

___Pourtant, loin de faire des « Enfants d’Evernight » une pâle réécriture d’ « Alice au Pays des Merveilles », Mel Andoryss a réussi la tâche délicate et périlleuse de s’inspirer librement du roman de Lewis Carroll afin de servir de terreau à un récit inédit et dont l’univers fantaisiste n’a rien à envier à celui de l’oeuvre originale.

___N’ayant a priori rien en commun avec le monde réel, Evernight apparaît comme un univers singulier dans lequel les humains ne sont guère les bienvenus. Seuls trois enfants sont ainsi autorisés à y séjourner ; et pour cause, ils ont chacun un rôle primordial dans le fonctionnement de la cité Evernightienne.

___Parmi eux, il y a d’abord Mathias, surveillant des montres du sommeil dans le Palais du Temps dont il a la responsabilité. Bien que se faisant relativement discret dans ce premier tome, on comprend dès le début du roman qu’il tient un rôle capital dans toute l’intrigue. A ses côtés, évoluent deux fortes têtes aux caractères diamétralement opposés, donnant naissance à un duo explosif dès lors qu’ils sont mis en présence l’un de l’autre. D’un côté, on trouve ainsi l’obscure North, créatrice et maîtresse de l’usine d’Aguarian (qui exploite l’eau des cauchemars pour en tirer de l’énergie). Accompagnée de son Tulpa (une sorte de tatouage mobile, de la même nature que les cauchemars (encore appelés Egrygors dans le monde d’Evernight) qui se déplace sur sa peau et dont le contrôle lui confère un grand pouvoir), c’est une jeune fille travailleuse et disciplinée (tout le contraire de Maximilien avec lequel elle entretient des rapports pour le moins conflictuels). Le dernier membre venant compléter ce trio est en effet un jeune garçon aussi insolent que provocant, occupant la fonction de Marchand de Sable à Evernight et chargé quant à lui d’exploiter l’énergie des rêves. Cet électron libre, hostile à toute forme d’autorité, donne en permanence du fil à retordre à Mac Claw, un tigre à la carrure imposante, responsable de l’Ordre d’Evernight.

___En effet, la société d’Evernight est régie par des codes, une hiérarchie ainsi que des règles de fonctionnement bien précises que le lecteur appréhende progressivement au fil de sa lecture.

___L’arrivée de Camille va ainsi bouleverser l’équilibre d’Evernight, d’autant plus des évènements potentiellement désastreux pour la cité ne vont pas tarder à s’enchaîner en sa présence.

___Mais outre l’univers riche et formidablement exploité, j’ai également été charmée par l’écriture de Mel Andoryss à la plume alerte et très imagée. Le style, relativement bien travaillé pour un roman jeunesse, se révèle d’une fluidité parfaite, enchaînant sans accroche dialogues et parties narratives.

___Le récit ne manque pas de dynamisme, notamment grâce aux interventions de Max, toutes plus désopilantes les unes que les autres. Impossible de ne pas céder au charme de ce jeune garçon provocant à l’humour grinçant et aux réparties bourrées de sarcasme. Et si ses commentaires cyniques auraient facilement pu devenir agaçant sur la longueur, force est de constater que l’auteure a réussi à trouver le dosage parfait. En sa présence, les dialogues sont décapants (ses prises de bec systématiques avec North et Mac Claw sont tout simplement jubilatoires), insufflant un dynamisme nouveau à une intrigue parfois opaque pour le lecteur.

___Car si on se laisse sans difficulté porté par l’univers onirique et la plume enchanteresse de Mel Andoryss, il est incontestable que ce premier tome fait davantage figure de tome d’introduction, permettant tout juste au lecteur de se familiariser avec le monde d’Evernight et à l’auteure de mettre en place les bases d’une intrigue plus complexe dont il est pour l’heure difficile de saisir tous les tenants et les aboutissants.

___On peut ainsi regretter que Mel Andoryss n’ait pas poussé les fils de son intrigue plus loin dans ce premier opus. Si elle parvient sans mal à capter l’intérêt de son lecteur, de nombreuses questions restent cependant en suspens. Néanmoins, la richesse de l’univers proposé et la galerie de personnages haute en couleur qui l’accompagne laissent présager une suite très prometteuse… que je me ferai une joie de découvrir si j’en ai l’occasion !

Je remercie Livraddict et les éditions Castelmore pour ce partenariat 🙂

En Bref

___On aime : Un univers foisonnant, à la frontière entre « Alice au pays des merveilles » et « Peter Pan », formidablement exploité et remarquablement mis en valeur par une galerie de personnages hauts en couleurs. La plume de l’auteure, très imagée permet au lecteur d’imaginer sans peine le monde d’Evernight. La narration est dynamique, notamment grâce au personnage de Max dont l’insolence et sa tendance à rejeter toute forme d’autorité donnent lieu à des scènes et à des dialogues d’anthologie.

___On regrette : Un premier tome qui fait figure d’introduction et dans lequel Mel Andoryss met en place les bases de son intrigue sans que le lecteur ne puisse encore en saisir véritablement tous les enjeux. Si l’auteure distille bien quelques indices et quelques explications, de nombreuses questions restent néanmoins en suspens au terme de ce premier opus et c’est tout juste si le lecteur a eu suffisamment d’éléments pour se familiariser avec le monde d’Evernight et en comprendre la mécanique générale. Le personnage de Camille manque pour l’heure d’envergure, éclipsée par les autres protagonistes, plus charismatiques.

« Catacomb City, tome 1 » de Hilary Wagner

 

 

 

 

 

 

Résumé

Juste sous nos pieds, enfouie dans les Catacombes, se trouve une mégapole moderne, où existe un royaume de rats remarquablement intelligents. Hélas, après un Coup d’État sanguinaire, la démocratie a été remplacée par une dictature dirigée d’une main de fer par un rat, le commandant Killdeer. Ce dernier exécute sans pitié les ordres de celui qui a instauré la terreur : Billycan, le cruel et pervers rat blanc. Poursuivis par les soldats de Killdeer, trois jeunes orphelins, les frères Vincent et Victor Nightshade et une jeune rate nommée Clever fuient les Catacombes. Alors que la situation est désespérée, les trois héros trouvent refuge dans le dernier bastion de la Résistance organisée autour de Juniper, le plus farouche ennemi de Billycan. En effet, le grand soldat n’est pas mort ainsi que la rumeur le prétend et il a même un projet fou. Restaurer la démocratie et battre le tyran avec son armée de rebelles à laquelle se joignent Vincent, Victor et Clever…

Mon opinion

★★

___Les habitants des Catacombes vivent sous la croupe d’un tyran, le Haut Ministre Killdeer, qui s’est auto-nommé il y a onze ans. Ce rat dirige d’une main de fer la ville souterraine, secondé dans sa tâche par un dénommé Billycan (un ancien rat de laboratoire qui parle de lui à la troisième personne) et occupant le double poste de Grand collecteur et Commandant de l’armée de la mort. Depuis l’arrivée de Killdeer au pouvoir, les habitants de la cité vivent dans la terreur et sont obligés de verser hebdomadairement la dîme sous peine de lourde sanction. Les orphelins mâles sont enrôlés de force dans l’armée, tandis que les femelles qui n’ont pas droit à l’éducation, deviennent esclaves, travaillent comme cuisinières et finissent souvent pas mourir de faim.

___Dans ce climat de terreur, une lutte clandestine contre Killdeer s’est progressivement organisée, avec à sa tête, Juniper, le plus farouche ennemi de Billycan. Cette faction de rebelles aspirent à bâtir secrètement une nouvelle cité afin de ressusciter l’époque regrettée de Trilok (qui fut le premier haut ministre des Catacombes). Mais le chemin de la reconquête de la liberté s’annonce long et difficile…

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___Dès les premières pages de Catacomb city, nous voilà propulsés au coeur d’une course-poursuite effrénée entre les frères Nightshade et les soldats de l’Armée de la Mort. Une entrée en matière pour le moins efficace, et habilement menée par l’auteure qui parvient ainsi à happer le lecteur en quelques lignes sans pour autant que ce dernier se sente totalement perdu au coeur de ce monde nébuleux. En effet, Hilary Wagner démontre rapidement son aptitude à concilier efficacement récit d’aventure bourré d’action avec des passages plus descriptifs permettant ainsi au lecteur de cerner rapidement l’univers dans lequel il évolue sans pour autant que la narration s’en trouve ralentie. Car loin de nous noyer dans un flot d’informations susceptibles de casser le rythme de l’intrigue, Hilary Wagner en dévoile les détails avec parcimonie et pertinence, distillant les éléments clés uniquement au moment opportun.

___A mesure que le fil de l’intrigue se délie, le lecteur se familiarise avec les codes de cette société anthropomorphique plus vraie que nature. Peu à peu, on en apprend également davantage sur le passé de la cité et les circonstances ayant conduit à la dictature. Si les révélations et le schéma proposé par l’auteure restent foncièrement assez attendus, leur exploration à travers le prisme d’une société de rongeurs font de Catacomb city un petit bijou d’intelligence et d’originalité.

___Non content de conférer tout son charme à l’intrigue, ce procédé permet en outre à Hilary Wagner d’aborder des thèmes graves avec une certaine distance et un ton approprié au public visé. En utilisant les animaux pour créer une société fictive, Hilary Wagner tente d’insuffler à son histoire des allures d’apologue. Derrière le masque du récit plaisant et dynamique qui tempère le fond du propos, elle s’applique à démontrer (de façon simplifiée), la mise en place et les mécanismes d’une dictature.

___Si pour le lecteur averti, la démonstration reste somme toute assez sommaire, le procédé employé et la société ainsi que l’univers sous-terrain imaginés par l’auteure ne manquent ni de charme ni de créativité. Si de fait, l’intrigue en elle-même reste très convenue et réunit tous les ingrédients attendus dans un roman jeunesse, (à savoir un scénario rythmé, sur fond de lutte du bien contre le mal, porté par des personnages stéréotypés et agrémentée d’une histoire d’amour des plus prévisible), elle ne souffre cependant d’aucune incohérence ou d’erreurs de construction majeure. Qui plus est, rondement menée de bout en bout, et portée par un style fluide et efficace, l’intrigue servie par Hilary Wagner regorge de surprisessous la forme de petites révélations intelligemment pensées et parfaitement amenées. Je pense par exemple aux détails relatifs au passé de Billycan ou aux motifs imaginés par l’auteure pour justifier l’origine de sa cruauté. Autant de détails et de trouvailles ingénieuses venant ajouter encore une touche de charme à un livre qui n’en manque décidément pas ! Une série que je ne vais pas manquer de surveiller. 😉

Sous la forme d’un récit anthropomorphique, Hilary Wagner s’attèle à créer une histoire à la fois plaisante et didactique visant à expliquer les mécanismes de la dictature. L’univers fantaisiste (et très réussi !) ainsi que la narration dynamique viennent tempérer la gravité du propos au décours d’une intrigue solidement construite et rondement menée. Si on peut regretter la simplicité de l’intrigue sur le fond, le manque d’évolution des protagonistes ou la facilité déconcertante avec laquelle ils surmontent les différents obstacles sur leur route, Catacomb city n’en demeure pas moins un récit d’aventure entraînant et bourré de charme qui séduire les jeunes lecteurs… comme les plus grands !