« Le mystère de Lucy Lost » de Michael Morpurgo

Quatrième de couverture

Sur une île de l’archipel des Scilly, un pêcheur et son fils découvrent une jeune fille blessée et hagarde, à moitié morte de faim et de soif. Elle ne parvient à prononcer qu’un seul mot : Lucy. D’où vient-elle ? Est-elle une sirène ou plutôt, comme le laisse entendre la rumeur, une espionne au service des Allemands ? De l’autre côté de l’Atlantique, le Lusitania, l’un des plus rapides et splendides paquebots de son temps, quitte le port de New York.
A son bord, la jeune Merry, accompagnée de sa mère, s’apprête à rejoindre son père blessé sur le front et hospitalisé en Angleterre… L’histoire du Lusitania, torpillé pendant la Première Guerre mondiale et dont le destin tragique fait écho à celui du Titanic, a inspiré l’auteur de Cheval de guerre et du Royaume de Kensuké.
  • Mon opinion

★★☆☆☆

Michael Morpurgo

___Michael Morpurgo est un auteur jeunesse prolifique qui s’était déjà fait remarqué avec quelques-uns de ses précédents ouvrages parmi lesquels Cheval de guerre (adapté au cinéma par Steven Spielberg en 2011) ou encore Soldat Peaceful (récompensé par le prix Ado-Lisant en 2006 et presque considéré aujourd’hui comme un classique de la littérature jeunesse). Plébiscités par le public, ses livres sont régulièrement salués par la critique. En France, il est aussi l’un des rares auteurs anglophones à avoir été fait chevalier des Arts et des Lettres.

Né en 1943, Michael Morpurgo a été profondément marqué par les ravages humains et sociaux consécutifs au conflit de 39-45. La guerre est d’ailleurs un de ses thèmes de prédilection et figure comme l’un des sujets récurrents de ses histoires. « Le mystère de Lucy Lost », son dernier roman paru en France, ne fait pas exception, s’inscrivant dans la lignée de ses précédents ouvrages.

___C’est à partir d’une médaille détenue par sa famille et commémorant le naufrage du Lusitania que l’idée de ce roman a commencé à germer dans l’esprit de l’auteur. Désireux d’en apprendre plus sur les circonstances de ce drame, le romancier se lance dans un important travail de documentation, engrangeant de précieuses informations pour l’élaboration de son récit. Au cours de ses investigations, Michael Morpurgo tombe ainsi sur un article de presse relatant le sort à peine croyable d’une fillette découverte saine et sauve, juchée sur un piano flottant parmi les débris. Le récit extraordinaire de cet enfant miraculeusement rescapée du naufrage et s’accrochant à ce piano comme à la vie a inspiré à l’auteur l’histoire de Lucy Lost.

Médaille ayant inspiré l’histoire de Lucy Lost à Michael Morpurgo (photo de Michael Morpurgo)

___Difficile de percer le mystère de l’engouement général suscité par ce roman tant ma lecture fut laborieuse et ma déception de taille! Aborder la première guerre mondiale – un thème usé jusqu’à la corde – par le biais d’un épisode finalement peu connu semblait pourtant un parti-pris intéressant au premier abord. Le torpillage du Lusitania le 7 mai 1915 est en effet un bouleversement majeur qui contribua alors à faire basculer l’opinion américaine en faveur de la guerre. A l’occasion du centenaire de ce tragique évènement, l’hommage ainsi rendu par Michael Morpurgo et le devoir de mémoire dans lequel s’inscrit sa démarche est de fait éminemment louable. Pourtant, la noblesse des intentions ne parvient pas à occulter les nombreux défauts du roman…

___« Le mystère de Lucy Lost » suit la lente reconstruction d’une jeune fille fauchée par le destin qui voit le cours de sa vie heurter de plein fouet celui (ô combien tragique !) de l’Histoire. Rattrapée par la cruauté d’un monde en proie au chaos, où les adultes se déchirent et s’entretuent, Lucy devient la victime collatérale d’un conflit qui sévit jusque dans les océans. Se trouvant malgré elle projetée au coeur de la bataille, son innocence se trouve brutalement sacrifiée sur l’autel de la folie meurtrière et des haines versatiles.

Suite au naufrage du navire qui devait la conduire auprès de son père, Lucy est miraculeusement secourue avant de se retrouver livrée à elle-même, échouée dans l’archipel des îles Scilly. Recueillie quelques jours plus tard par une famille de pêcheurs, elle se lie bientôt d’amitié avec le garçon de la famille. Mais le violent traumatisme qu’elle vient de vivre semble avoir entraîné une amnésie chez la fillette qui s’est soudainement emmurée dans le silence. En dépit des multiples tentatives d’Alfie et de ses parents pour briser le mur de son silence, Lucy persiste dans son mutisme. Son comportement ne tarde pas à éveiller les soupçons les plus vifs chez les habitants de l’île qui commencent à suspecter la jeune fille d’être une espionne au service de l’ennemi. L’intense paranoïa qui sévit en ces temps de guerre combinée à l’inévitable promiscuité de cette petite communauté insulaire rend rapidement la vie difficile pour Lucy et sa famille d’adoption.

Esquisse du naufrage du Lusitania

___Dès les premières lignes, Michael Morpurgo ne fait aucun mystère quant au dénouement de son récit. Le romancier britannique ne déploie d’ailleurs pas des trésors d’imagination pour tenter de maintenir un semblant de suspense. L’histoire des origines de Lucy ainsi contée à rebours laisse en définitive peu de place aux effets de surprise. Souffrant de nombreuses longueurs, le récit se traîne et peine à tenir le lecteur en haleine, faute de rebondissements dignes de ce nom. L’intrigue, peu palpitante, tourne ainsi longtemps inutilement en rond, pâtissant d’un sérieux manque d’action.

___Déjà lourdement plombé par ce manque de rythme, le récit ne tarde pas à sombrer de surcroît dans tous les écueils du roman jeunesse : personnages manichéens, enfants adoptant des propos d’adulte, discours mélodramatiques empreints d’un idéalisme exacerbé… S’étirant sur plus de 400 pages, le récit s’essouffle rapidement et sombre dans les redondances et les discours bien-pensants. Une lourdeur et un étalage de détails inutiles qui paraissent d’ailleurs bien démesurés au regard de la teneur du message sous-jacent. Car force est de constater que cette lenteur dans l’enchaînement des évènements ne profite pas pour autant au fond de l’intrigue qui pâtit en outre d’un traitement relativement superficiel quant aux faits historiques évoqués. Ainsi, le naufrage du Lusitania ne sert en définitive que de prétexte à l’intrigue, sans que les circonstances entourant le drame ne soient réellement approfondies. Globalement, c’est d’ailleurs tout l’aspect historique du récit qui se trouve sous-exploité, faisant prendre l’eau à une histoire qui a déjà du sérieux plomb dans l’aile. Il faut dire que soucieux de se montrer pédagogue et de mettre son sujet à la portée de tous, Michael Morpurgo cède parfois à l’excès de zèle dans son désir de vulgarisation. L’auteur se livre à quelques reprises à des tentatives d’explications maladroites quant aux évènements historiques abordés au cours de son récit, et dont la tonalité du propos dénote franchement avec le fil habituel de la narration. Ces moments donnent ainsi lieu à des scènes peu crédibles et des dialogues surréalistes, dégoulinants de bons sentiments.

___Très convenue et sommairement exploitée, « Le mystère de Lucy Lost » offre en définitive aussi peu de divertissement que de matière à réflexion. Une vraie déception!

A l’occasion du centenaire du naufrage du Lusitania, torpillé par un sous-marin allemand lors de la première guerre mondiale, Michael Morpurgo se réapproprie cet évènement tragique pour livrer un roman sous la forme d’hommage. Malgré des intentions louables, le romancier britannique semble cependant avoir échoué à mettre le fruit de ses heures de recherches au service de son histoire. Son récit, avare en descriptions, manque en effet cruellement d’éléments permettant de l’ancrer efficacement dans le contexte historique de l’époque, rendant d’autant plus difficile l’exercice d’immersion pour le lecteur.

Cédant à toutes les facilités du roman jeunesse, le récit sombre en permanence dans l’écueil du manichéisme et de l’effusion de bons sentiments. Plombé par des longueurs à répétition et des dialogues mélodramatiques empreints d’idéalisme, l’intrigue traîne en longueur et s’enfonce peu à peu dans les redondances et les discours bien-pensants.

Avec ce roman, Michael Morpurgo n’éblouit donc ni par l’éclat de son style, ni par celui de son propos. Si les jeunes lecteurs se laisseront peut-être convaincre par cette histoire finalement très convenue, il sera en revanche plus difficile pour un adulte d’occulter les grosses ficelles du scénario. Peu de chance également que les curieux et ceux désireux d’en apprendre davantage sur le naufrage du Lusitania voient leurs attentes comblées par ce roman n’abordant en définitive que de façon sommaire ce tragique évènement.

Je remercie Babelio et les éditions Gallimard Jeunesse pour ce partenariat.

« La Splendeur de Cavendon Hall » de Barbara Taylor Bradford

 

 

 

 

 

 

Résumé

Au château de Cavendon, si l’été 1913 s’annonce merveilleux pour les familles Ingham et Swann, tout est sur le point de changer.

La magnifique propriété du Yorkshire abrite depuis des générations la famille de Charles Ingham, comte de Mowbray, et celle de leurs fidèles serviteurs depuis près de deux cents ans, les Swann. Entre elles règnent une entière confiance et une parfaite entente. Parmi les six enfants du comte et de la comtesse, Daphné, à tout juste dix-sept ans, est une véritable beauté. Promise à un beau mariage, elle sera bientôt présentée à la Cour et tous les espoirs de son père reposent sur elle.

Mais un évènement tragique va bouleverser sa vie et menacer de salir le nom des Ingham. Plus grave encore, la menace de la Première Guerre Mondiale pèse sur les deux familles. Trahisons, crime, disputes : les heures paisibles sont comptées à Cavendon Hall.

Mon opinion

★★☆☆☆

Les préjugés que je nourrissais face à la bibliographie impressionnante de Barbara Taylor Bradford ajoutés à certains avis plutôt acerbes sur quelques-uns de ses titres n’ont finalement pas eu raison de mon enthousiasme. En dépit des réserves que je viens d’évoquer, je fondais ainsi beaucoup d’espoir sur cette écrivain mondialement connue dont je n’avais encore rien lu.

La parution de son dernier roman en France, intitulé « La splendeur de Cavendon Hall » et dont le résumé laissait présager une saga familiale dans l’esprit de Downton Abbey, me semblait être l’occasion parfaite de découvrir l’auteure.

_Bien que Barbara Taylor Bradford se défende de s’être inspirée de la série à succès Downton Abbey pour écrire son histoire, difficile de ne pas relever les nombreux points communs entre les deux oeuvres. Outre le contexte historique parfaitement identique, certains personnages du roman de Barbara Taylor Bradford partagent de troublantes similitudes avec ceux de la série de Julian Fellowes. Parmi les exemples les plus frappants, notons une matriarche charismatique « qui aime tout régenter », une cuisinière passant son temps à aboyer sur la fille de cuisine tout en sachant faire preuve, sous ses airs bourrus, d’une tendresse maternelle ou encore une membre de la famille dévouée à la cause des suffragettes.

___Si on retrouve donc bien les ingrédients de la série, force est de constater que le roman de Barbara Taylor Bradford ne tient définitivement pas la comparaison. Car malgré la tentative louable de l’auteure d’inscrire son oeuvre dans la lignée de Downton Abbey, le résultat tient incontestablement davantage de la caricature que d’un tour de force littéraire.

___Alors que la quatrième de couverture laissait présager un récit historique plein de potentiel, « La splendeur de Cavendon Hall » s’apparente en réalité plus à une succession de clichés servie par des personnages sans profondeur et des dialogues parfois affligeants qu’à une intrigue historique un minimum plausible à défaut d’être de qualité.

___D’entrée de jeu, il est ainsi clair que le souci de rigueur et de cohérence historique ne constitue pas la préoccupation principale de l’auteure qui, afin de servir son histoire, n’hésite pas à bafouer les codes de la hiérarchie sociale à travers les relations qu’entretiennent ses personnages. Si je ne mets pas en doute l’esprit de dévouement et le sincère attachement des Swann pour leurs maîtres, une telle proximité et familiarité entre les nobles et leurs domestiques semble en revanche peu crédible pour l’époque où est censée se dérouler l’histoire.

___Par ailleurs, l’auteure qui ne s’embarrasse d’aucune description, occulte en conséquence presque totalement le contexte historique de son récit. La menace et les bouleversements engendrés par la première guerre mondiale ne sont que furtivement évoqués et souvent à travers des considérations sans réelle profondeur. La dimension historique ne constituant finalement rien de plus qu’un prétexte permettant d’offrir un bel écrin à son histoire sans jamais être un tant soit peu réellement exploitée.

___Outre ces incohérences et ces maladresses sur les fondements même de l’intrigue, Barbara Taylor Bradford, en choisissant de privilégier l’action au détriment de la profondeur, peine également à convaincre quant à la solidité de son histoire et la justesse du ton employé.

___Le destin semble clairement s’acharner sur les personnages qui enchaînent les drames et les déconvenues à un rythme effréné. A défaut d’être crédible, une telle succession de catastrophes a au moins le mérite de tenir le lecteur en haleine, se demandant sans cesse quel nouveau drame l’auteure réserve encore à ses personnages.

___Mais si Barbara Taylor Bradford maîtrise incontestablement l’art des rebondissements et redouble d’inventivité dans le registre de la tragédie, elle manque en revanche de finesse dans l’appréhension de la psychologie de ses personnages.

___La crédibilité de l’intrigue pâtit ainsi lourdement d’une écriture plus scénaristique que littéraire qui privilégie les rebondissements et les coups de théâtre au détriment de la justesse des émotions et de la qualité des dialogues.

___A mesure que les évènements tragiques se succèdent, les réactions des protagonistes deviennent de moins en moins crédibles et totalement inadaptés aux situations auxquelles ils sont confrontés. Chaque épreuve est ainsi surmontée avec une facilité déconcertante quand elle ne connaît pas une issue relevant du « heureux hasard » (pour ne pas parler de miracle !).

___Face à ce défilé sans fin de protagonistes et ces rebondissements à répétition, l’auteure ne prend finalement le temps de développer que très peu de ses personnages qui apparaissent, pour la grande majorité, stéréotypés et manichéens. La petite Dulcie, benjamine de la famille, étant finalement la seule qui aura réussi à me tirer un sourire de temps en temps et à réellement égayer ma lecture. Dès lors, le lecteur a toutes les difficultés à éprouver à l’égard de ces personnages de l’empathie et à s’investir dans une intrigue qui flirte hélas souvent avec les limites du ridicule.

___L’ensemble contribue, au final, à donner au lecteur l’impression de lire le script d’une série télévisée à l’eau-de-rose ringarde reposant sur un scénario d’un dramatisme grotesque, servi par un mauvais jeu d’acteurs ainsi que des dialogues affectés. D’ailleurs, la liste figurant au début du roman et présentant les différents protagonistes de l’histoire ainsi que les relations les liant les uns aux autres, à l’image de ce que l’on peut voir dans les pièces de théâtre, renforce grandement cette impression.

___Un sentiment de gâchis, compte tenu de l’idée de départ pour le moins prometteuse, que la fin ne parvient malheureusement pas à atténuer. On assiste au contraire à un florilège de rebondissements surréalistes et une surenchère de sentimentalisme niais dans les répliques. Le roman s’achève sur une fin ouverte laissant présager une suite à l’histoire sans cependant réussir à instaurer une tension dramatique susceptible de donner envie au lecteur de lire la suite.

Un « Tome 2 » serait ainsi en cours d’écriture avec une publication prévue pour 2015 aux Etats-Unis… il va sans dire que ce sera sans moi.

Tentant de s’inscrire dans la lignée de Downton Abbey en réutilisant les ingrédients de la série à succès, « La splendeur de Cavendon Hall » tient au final malheureusement plus de la caricature que de la prouesse littéraire.

Le contexte historique, qui constitue pourtant un des principaux attraits de l’intrigue, se révèle ici purement anecdotique et ses rares tentatives d’exploitation peu convaincantes.

Dans un style relevant davantage du scénario d’un soap TV à l’eau de rose que d’un récit littéraire, Barbara Taylor Bradford peine à convaincre avec son intrigue enchaînant les clichés et sombrant constamment dans un sentimentalisme excessif.

Malgré le potentiel de l’histoire et un rythme soutenu, celle-ci est ainsi rapidement plombée par des personnages stéréotypés, aux réactions inappropriées et manquant de finesse psychologique ainsi que des dialogues aussi affectés que creux.

En dépit des nombreux rebondissements de l’intrigue, ces derniers ne parviennent malheureusement pas à faire oublier un style artificiel et peu naturel qui privilégie l’action au détriment de la justesse des émotions, empêchant le lecteur d’apprécier pleinement la tension dramatique des évènements ainsi que leurs enjeux.

Ma rencontre avec la plume de Barbara Taylor Bradford se solde donc malheureusement par une terrible déception. Néanmoins, je ne renonce pas à découvrir l’auteure avec un autre de ses romans (Ingrid avait ainsi beaucoup apprécié « Lettre d’une Etrangère ») et je remercie une nouvelle fois les éditions Presses de la Cité pour leur confiance.