« Une saison à Longbourn » de Jo Baker

 

 

 

 

 

 

Résumé

Sur le domaine de Longbourn, vivent Mr et Mrs Bennet et leurs vénérables filles, en âge de se marier.
À l’étage inférieur veillent les domestiques. Personnages fantomatiques dans le célèbre roman de Jane Austen, Orgueil et préjugés, ils deviennent ici des êtres de chair et de sang qui, du matin au soir, astiquent, frottent, pétrissent et vivent au rythme des exigences et des aventures de leurs bien-aimés patrons. Mais ce que les domestiques font dans la cuisine, sans être observés, pendant qu’Elizabeth et Darcy tombent amoureux à l’étage, relève d’eux seuls… Une histoire d’amour peut en cacher une autre, et qui sait quel secret enfoui risque de ressurgir.

Mon opinion

★★

___Décédée prématurément après avoir écrit « seulement » 6 romans, Jane Austen a laissé derrière elle de nombreux lecteurs orphelins et le coeur lourd de regrets que son oeuvre n’ait pas été plus prolifique encore. Près de 200 ans après sa mort, afin de combler ce manque ou bien simplement de rendre hommage à cette auteure au succès universel, de nombreux écrivains se sont essayés (avec plus ou moins de talent et de réussite) à redonner vie à ses personnages. Ainsi, on ne compte plus les réécritures d’Orgueil et Préjugés, revisité sous tous les points de vue possibles ou imaginant la vie du couple Lizzie/Darcy après leur mariage. Autant de variations éclectiques et plus ou moins fidèles à l’esprit de l’oeuvre originale qui, lorsqu’elles ne frôlent pas le ridicule, se révèlent au mieux être un sympathique pastiche rapidement oublié.

___C’était sans compter sur la récente traduction aux éditions Stock du roman de Jo Baker « Une saison à Longbourn », dans lequel l’auteure anglaise propose une réécriture saisissante du célèbre roman de Jane Austen, sous la forme d’un récit propulsant le lecteur dans les coulisses de la résidence des Bennet, à la découverte de leurs domestiques et de leur quotidien éreintant.

___Une idée originale mais qui ne sort pourtant pas de nulle part. En effet, si on décortique scrupuleusement le roman d’origine, on peut distinguer la présence de ces personnages qui cultivent l’art de la discrétion. Au détour d’une phrase, leurs noms se glissent furtivement dans un dialogue ou une interjection, avant de retourner aussitôt dans l’ombre, sans même que le lecteur ne s’en aperçoive. Pourtant ils sont bien là : deux femmes de chambre dont une dénommée Sarah ainsi qu’une certaine gouvernante prénommée Mrs Hill. Mais qui sont-ils vraiment? Comment sont-ils entrés au service des Bennet ? Quelles sont leurs aspirations, leurs ambitions ? C’est à toutes ces questions que tente de répondre Jo Baker…

___Car dans « Une saison à Longbourn », Jo Baker ne se contente pas d’offrir au lecteur une énième variation sur le thème d’ « Orgueil et préjugés » en adoptant simplement un point de vue différent de celui de l’oeuvre sur laquelle elle s’appuie. Au-delà d’un simple changement de narrateur, l’auteure vient habilement greffer à l’histoire de nouveaux personnages et de nouvelles intrigues, offrant au roman de Jane Austen une perspective et une profondeur inédites.

___« Une saison à Longbourn » débute ainsi avec l’arrivée à Netherfield de Mr Bingley et Mr Darcy qui coïncide avec celle de deux autres hommes lorsqu’on se place du point de vue des domestiques : un nouveau palefrenier chez les Bennet (qui assure également la fonction de valet) nommé James Smith, et un certain Ptolemy, au service de la famille Bingley.

L’apparition de ces deux jeunes hommes aux caractères bien différents, va venir troubler le quotidien monotone de Sarah, la jeune femme de chambre. Alors que cette dernière se lie rapidement d’amitié avec le séduisant et ambitieux Ptolemy, elle est en revanche vexée par l’indifférence et l’arrogance que semble témoigner James à son égard. Taciturne et mystérieux, Sarah est rapidement convaincue que le jeune homme dissimule bien des secrets qu’elle est déterminée à percer.

___Si la trame de l’oeuvre originelle est respectée, elle apparait cependant ici en filigrane et ne constitue en rien l’essence même du récit qui se concentre essentiellement sur la vie du personnel de la maison. Jo Baker construit autour de ces nouveaux personnages et ceux de Jane Austen une intrigue sombre, passionnante et rondement menée, où se confondent secrets enfouis, non-dits et révélations.

___Si l’auteure a su me séduire et m’emporter dans son récit qui mêle habilement tous les ingrédients que j’apprécie dans un roman, nul doute que ses parti-pris, que ce soit dans sa façon d’appréhender les personnages de l’oeuvre d’Austen ou dans la conception même de l’intrigue, déstabiliseront assurément certains fans de d’ « Orgueil et préjugés ».

___Sans dénaturer les personnages de Jane Austen, Jo Baker nous les présente sous une nouvelle perspective, vu à travers le prisme de leurs domestiques. Un renversement des rôles qui, outre le fait de mettre au premier plan les serviteurs de la famille Bennet, permet également de d’accorder davantage d’importance et de profondeur à d’autres personnages secondaires, eux aussi négligés dans l’histoire originale.

___Par ailleurs, en donnant ainsi la parole à ces domestiques qui s’échinent quotidiennement à servir les Bennet, cette famille issue de la gentry de la campagne anglaise du début XIXième siècle, Jo Baker nous ouvre les portes d’un monde fascinant, et à peine évoqué par l’auteure d’ « Orgueil et préjugés ».

___S’appuyant sur un solide travail de documentation, elle nous entraîne dans l’envers du décor, loin de l’ambiance ouatée du salon des Bennet er de l’effervescence des salles de bals, à la rencontre de ces gens de l’ombre chargés de satisfaire le moindre désir de leurs maîtres sans toutefois que jamais personne ne se préoccupent des leurs. Du blanchiment du linge au nettoyage des pots de chambre, autant de tâches ingrates et rébarbatives qui constituent le lot quotidien du personnel de la maison.

___Avec un souci du détail permanent, Jo Baker nous livre ainsi une description de la domesticité saisissante et attire l’attention du lecteur sur les inégalités sociales à l’époque de la Régence anglaise. Plus remarquable encore, elle intègre véritablement l’Histoire au roman de Jane Austen, resituant l’action de « Orgueil et préjugés » dans un contexte historique plus étoffé et introduisant certaines thématiques essentielles de l’époque georgienne (mais néanmoins absentes dans le roman de Jane Austen).

___Ainsi, si l’oeuvre de Jane Austen dénonce avec beaucoup d’ironie les difficultés auxquelles doivent faire face les femmes de la petite gentry campagnarde pour s’assurer statut social et sécurité économique ; le roman de Jo Baker aborde quant à lui, dans un style empreint de davantage de gravité, un plus large éventail de thématiques, allant de l’esclavage aux guerres napoléoniennes, en passant par la révolte des luddites.

___Alors que la vision de l’Angleterre présentée par le roman de Jane Austen est celle d’une femme issue de la gentry, la perspective adoptée par Jo Baker permet d’apporter un éclairage nouveau et une meilleure compréhension du monde et de l’époque dans lesquels évoluent nos personnages préférés. « Une saison à Longbourn » offre ainsi une remarquable peinture de la société georgienne, en continuité de celle d’Austen, tout en étirant les limites du monde étriqué de « Orgueil et préjugés ».

Deux oeuvres foncièrement différentes donc, mais finalement parfaitement complémentaires…

Les fans de Lizzie et Darcy qui aspirent à (re)découvrir la rencontre des deux personnages et l’éclosion de leur amour seront sans nul désappointés par cette oeuvre para-austenienne aussi brillante qu’audacieuse. Si l’on retrouve bien en filigrane la trame intacte et les personnages du roman de Jane Austen, l’ensemble nous est présenté avec beaucoup de distance, par le prisme des domestiques. Les personnages d’ « Orgueil et préjugés » quoique parfaitement reconnaissables et non dénaturés, apparaissent sous cette perspective plus sombres et nuancés.

De la même manière, alors que l’intrigue du roman de Jane Austen, servie par un style alerte et plein d’ironie, se concentre sur la romance entre Lizzie et Darcy ; la réécriture de Jo Baker, plus grave sur le fond comme sur la forme, tient davantage du roman historique à proprement parler.

S’appuyant sur un solide travail de documentation, Jo Baker entraîne le lecteur dans les coulisses de la maison des Benett et étire les frontières du monde d’ « Orgueil et préjugés » au-delà de celles établies par Jane Austen (autrement dit, du cadre de la gentry). Indéniablement plus sombre que l’oeuvre dont il est tiré, « Une saison à Longbourn » offre ainsi une perspective totalement inédite, permettant au lecteur d’approfondir ses connaissances et sa découverte du monde dans lequel évoluent les personnages de Jane Austen.

Je remercie sincèrement les éditions Stock pour cette merveilleuse lecture ! 🙂

« Cotillon » de Georgette Heyer

 

 

 

 

 

 

Résumé

La jeune Catherine Charing, devenue orpheline alors qu’elle savait tout juste marcher, a été adopté et élevée par le riche et acariâtre Matthew Penicuik qu’elle appelle Oncle Matthew. Ce dernier, sentant que son heure approche, a décidé de faire de Kitty son héritière, mais ceci à l’unique condition que la jeune fille épouse l’un des neveux du vieil homme. Penicuik s’attend à ce que le choix de Kitty se porte sur Jack Westruther, qui n’est autre que son petit-neveu favori. Une telle union ravirait d’ailleurs la jeune fille qui est éperdument amoureuse de Jack depuis de nombreuses années. Mais Jack est un débauché invétéré, épris de liberté et peu disposé au mariage. Convaincu que Kitty l’épousera de toute façon tôt ou tard et qu’elle déclinera en attendant toutes les propositions de ses autres cousins, Jack ne prend pas la peine de venir à la réception organisé par son oncle et au cours de laquelle Kitty est sensée choisir lequel de ses cousins elle épousera. Terriblement vexée par cette absence et bien décidée à ne pas rester chez son oncle, Kitty élabore un plan afin de séduire Jack en le rendant jaloux et de partir à Londres par la même occasion. Pour ce faire, elle convainc Freddy, un autre cousin, de faire croire qu’ils se sont fiancés…

L’auteure

__Georgette Heyer, (1902-1974) est un écrivain anglais de romances historiques et de romans policiers ainsi que l’une des romancières les plus réputées et adulées de son temps.

___Sa carrière de romancière débute en 1921 lorsqu’elle imagine une histoire pour son jeune frère, dans le roman The Black Moth. Elle crée un nouveau genre de la romance : la romance historique et particulièrement son sous-genre « Régence ». Elle s’inspire de l’œuvre de Jane Austen et se documente sur cette période pour que ses lecteurs puissent visualiser les scènes et l’époque. Pour s’assurer de l’exactitude des détails contenus dans ses romans, elle consulte tous les travaux de référence et conserve toutes les informations précises sur les aspects de la vie sous la Régence.

___Au début de 1932, Heyer rédige un roman d’amour et un roman policier chaque année. Elle continue d’écrire jusqu’à sa mort en juillet 1974 alors que 48 de ses romans sont encore régulièrement imprimés. Son dernier livre My Lord John (1975) paraît à titre posthume.

Mon opinion

★★

___Le terme « cotillon » a de multiples sens et peut notamment désigner une danse crée au XVIIIème siècle par Louis Pécour et s’inspirant des figures anglaises. A l’origine, cette chorégraphie était exécutée par deux couples (plus tard, certaines variantes se danseront à 3 voire 4 couples). Les quatre danseurs, disposés en vis-à-vis enchaînent différentes figures en changeant de partenaire. Le choix d’un tel titre par l’auteure laisse ainsi présager une intrigue sentimentale toute en légèreté et se révèle par ailleurs source de maintes interprétations une fois la lecture achevée. Quoi qu’il en soit, la définition précédemment donnée du terme « Cotillon » et tout ce qu’elle peut évoquer en conséquence, incarne parfaitement l’esprit du livre.

___Dès les premières pages, Georgette Heyer donne le ton et déploie une farandole de personnages sous nos yeux. Un certain effort d’attention est alors nécessaire pour intégrer tous ces protagonistes ainsi que les liens de parenté qui les relient les uns aux autres. Mais passée cette étape d’assimilation, la représentation peut commencer. Car comme au théâtre, « Cotillon » m’a donné l’impression de me retrouver spectatrice d’une véritable comédie, mettant en scène des personnages aussi excentriques qu’atypiques, au service d’une farce où s’entremêlent différentes intrigues amoureuses. Et je pense que c’est d’ailleurs avec un peu de recul et de dérision qu’il convient d’appréhender le récit pour l’apprécier à sa juste valeur.

___Portée par des personnages burlesques et débridés, l’intrigue de « Cotillon », de prime abord assez convenue, se révèle être en effet un vrai bijou d’ironie. Elle est en outre, remarquablement mise en valeur par la plume de Georgette Heyer qui parvient à concilier élégance du style et humour, n’hésitant pas à user de tous les codes du genre comique. Quant aux dialogues, où chaque réplique est minutieusement travaillée, ils sont aussi drôles que savoureux. J’ai ainsi ri à de multiples reprises, amusée tant par le génie des réparties que par le caractère des protagonistes qui constituent l’essence même de ce récit. En effet, il serait réducteur de se contenter d’évoquer l’aspect léger et distrayant de l’intrigue. Car derrière les tribulations sentimentales (et vestimentaires) des différents personnages, Georgette Heyer se moque des codes de la romance et des archétypes du genre. L’auteure est ainsi parvenue à peindre des personnages en exagérant suffisamment le trait pour les rendre irrésistibles tout en faisant preuve d’assez de subtilité pour ne pas les rendre antipathiques.

  • Dans « Cotillon », Freddy Standen, personnages masculin principal de cette intrigue, est ainsi aux antipodes du héros romantique que l’on connaît. Loin du coureur de jupon ou du héros cultivant le mystère, Freddy se révèle davantage préoccupé par son apparence et les fautes de goût vestimentaire de sa soeur que par sa vie sentimentale. Véritable dandy, un brin efféminé, et multipliant traits d’humour et taquineries à longueur de journée, il tient incontestablement plus du parfait « meilleur ami » que du prétendant idéal.  D’ailleurs, sa loyauté infaillible le conduit immanquablement à se mettre dans des situations pour le moins inconfortables.  Ce qui fait finalement le charme de Freddy, ce sont ses répliques hilarantes et surtout, son infinie bienveillance envers sa très chère cousine, Kitty, pour laquelle il est prêt à de nombreux sacrifices. Au fil du récit, mon attachement à ce personnage n’a ainsi cessé de croître. J’ai été séduite par ses excentricités, ses réparties exquises et caustiques à souhait.
  • A l’inverse de Freddy, il y a son cousin, Jack, pourvu de tous les attributs du héros de ce genre de récit. En dépit de ses rares apparitions, il est au centre de toutes les conversations. Charmeur, mystérieux, sûr de lui, il fait battre le coeur de nombreuses demoiselles, et fait figure de favori dans la liste des prétendants de Kitty (il est d’ailleurs le neveu préféré de oncle Matthew). Une situation d’élu qui ne lui convient pas. Car Jack ne veut pas être désigné, il veut choisir ! Et afin de rappeler à tout le monde qui tire les ficelles du jeu, il décide de ne pas se présenter le jour où Kitty doit faire part de son choix. Tout au long du récit, Jack se fait ainsi attendre et désirer. Une absence récurrente qui titille notre curiosité et entretient encore davantage le mystère autour de sa personnalité.
  • Pour clore ce tour d’horizon des protagonistes masculins, impossible de ne pas évoquer l’unique et ô combien hilarant Dolphinton. Un peu « lent » intellectuellement et sous la coupe d’une mère tyrannique qui le terrorise, chacune de ses apparitions donne lieu à des situations exquises et des dialogues d’anthologie ! Si je peux aisément concevoir que le caractère poltron et pleurnichard de Dolphinton puisse en agacer plus d’un (à juste titre), il a, pour ma part, réussi à attiser toute ma sympathie. Voilà un personnage que je n’oublierai pas !
  • Dernier personnage incontournable (et non des moindres!), la jeune Kitty, personnage central du récit. Incapable de contrôler ses sentiments, impatiente et égoïste, son comportement m’a souvent agacée. En effet, dans l’unique dessein de conquérir Jack, elle n’hésite pas à se servir des gens qui l’entourent pour parvenir à ses fins et ce, sans se préoccuper des conséquences. Elle ne peut pas non plus s’empêcher de mettre son nez dans les histoires sentimentales des autres. Et même si ça part toujours de bonnes intentions, cela aboutit souvent (involontairement, reconnaissons-le) à des situations inextricables. Mais en dépit de ses nombreux défauts, Kitty n’en reste pas moins une jeune fille pétrie de bonnes intentions et dont les maladresses répétées suscitent la compassion du lecteur. Qui plus est, sa personnalité va beaucoup évoluer au cours du récit.

___Car dans l’esprit de « La passe dangereuse » de Maugham, « Cotillon » décrit finalement la prise de conscience progressive d’une jeune héroïne aux idéaux préconçus quant à ses sentiments.Si sur le fond, le message est on ne peut plus limpide, sur la forme, l’analyse de l’évolution des sentiments de Kitty aurait gagné à être davantage développée. En effet, l’écriture très théâtrale adoptée par l’auteure ne permet malheureusement pas de saisir les états d’âme des personnages. A défaut de monologues, je regrette ainsi que l’auteure n’ait pas intégré dans ses passages narratifs davantage de détails relatifs aux sentiments des protagonistes permettant ainsi d’en saisir l’évolution. Ce manque de nuance dans l’appréhension de la psychologie des personnages aboutit en effet à une fin trop précipitée sans qu’on n’ait réellement pu percevoir l’évolution des sentiments de l’héroïne. Je reconnais néanmoins que cette absence de détails ajouté au caractère imprévisible de Kitty, ont permis à l’auteure de me faire douter jusqu’aux toutes dernières pages quant au choix final de l’élu de son coeur…

En somme, un très bon moment de lecture et une auteure que j’ai hâte de redécouvrir avec « Adorable Sophy » qui a d’ores et déjà rejoint ma PAL !

Porté par des personnages aussi peu conventionnels qu’hilarants, « Cotillon » se révèle être une romance originale aux airs de comédie théâtrale. Si certaines regretteront peut-être la légèreté de l’intrigue et les personnages qui tombent parfois dans la caricature, j’ai, pour ma part, totalement succombée à la plume acérée de Georgette Heyer et à la galerie de personnages tous plus irrésistibles les uns que les autres. Derrière une intrigue apparemment lisse et prévisible, Georgette Heyer parvient néanmoins à jouer avec les codes de la romance et nous offre des dialogues d’anthologie.

Si l’histoire et la plume de l’auteure m’ont conquise, « Cotillon » n’est cependant pas dénué de quelques défauts. Ainsi, outre la difficulté d’assimiler le nombre conséquent de personnages et les liens qui les unissent, j’ai également quelques regrets sur l’intrigue qui pâtit parfois d’un manque de rythme. J’aurais apprécié que Georgette Heyer intègre à son récit davantage de rebondissements et ménage une fin moins abrupte, insistant davantage sur l’évolution des sentiments de Kitty.

Extrait

« Kitty frissonna.
– C’était la pire soirée de ma vie ! Je n’ai jamais été aussi soulagée que quand Freddy est arrivé !
– Etait-il très en colère ? s’enquit Meg. Il est parfois tellement coincé !
– Non, non, il s’est montré si gentil que j’ai failli fondre en larmes ! Et pourtant, il avait de quoi me faire des reproches ! Je pense, ajouta-t-elle avec ferveur, que Freddy est la personne la plus chevaleresque qu’on puisse imaginer !
Meg en demeura bouché bée.
– Vous êtes sérieuse ? demanda-t-elle enfin d’une voix mourante.
– Bien sûr ! Et il sait se montrer beaucoup plus utile que tous ces gens qu’on apprend à admirer, comme sir Lancelot, sir Galad, le jeune Lochinvar, ou… tous ces hommes-là ! Je doute que Freddy soit très doué pour occire des dragons, mais je parie qu’aucun de ces chevaliers errants ne serait en mesure de voler à mon secours pour m’arracher à un péril social. D’ailleurs, vous conviendrez que de nos jours, personne n’a besoin d’un homme qui sache tuer des dragons ! »

« Cotillon » de Georgette Heyer – p.356 (Editions Milady)

En Bref

___On aime : Une galerie de personnages aussi hilarants qu’attachants au service d’une véritable comédie romantique où l’auteure joue astucieusement avec les codes de la romance. L’originalité et le côté décalé des personnages m’ont totalement séduite, de même que la plume acérée de Georgette Heyer qui excelle dans les dialogues. A condition d’aborder l’histoire avec un minimum de recul et de second degré, je vous garantis de jolis rires en perspective !

___On regrette : Une romance assez simple et prévisible dans le fond (même si pour ma part, j’ai eu des doutes quant au dénouement jusqu’aux dernières pages) qui ne séduira pas tout le monde et des personnages excentriques et burlesques qui pourront en agacer plus d’un. L’écriture très théâtrale de l’auteure ne permet pas d’appréhender en profondeur les sentiments des personnages et d’en suivre véritablement l’évolution, aboutissant à une fin un peu abrupte.