[Film] Anastasia de Anatole Litvak (1956)

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  • Titre original : Anastasia
  • Année : 1956
  • Pays: Etats-Unis
  • Genre : Drame
  • Réalisation : Anatole Litvak
  • Scénario : Marcelle Maurette, Guy Bolton, Arthur Laurents
  • Producteur(s) : Buddy Adler
  • Production : Twentieth Century Fox
  • Interprétation : Ingrid Bergman (Anna Koreff /La grande-duchesse Anastasia Nikolaevna), Yul Brynner (général Sergueï Pavlovitch Bounine), Helen Hayes (impératrice douairière Maria Fedorovna), Martita Hunt (Baronne Elena von Livenbaum), Akim Tamiroff (Boris Adreivitch Chernov)…
  • Durée : 1h45

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Avis

★★★★★

L’histoire de la destinée tragique des derniers Romanov est connue. L’énigme qui forgea la légende d’Anastasia aussi. Selon celle-ci, la plus jeune des filles du Tsar Nicolas II, la grande-duchesse Anastasia, aurait rescapé au massacre de sa famille organisé par les Bolcheviks en 1918. Elle aurait ensuite vécu sous une identité d’emprunt, amnésique.

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A gauche, la grande duchesse Anastasia Nikolaevna; A droite: Anna Anderson

___Dans les faits, il y eut bien le cas d’Anna Anderson, une jeune femme découverte à Berlin alors qu’elle était sur le point de se suicider. Internée dans un asile, elle prétendit être la véritable Anastasia et contribua à alimenter l’une des plus grandes énigmes (et polémique) du siècle dernier. Tour à tour reconnue et désavouée par certains anciens membres la Cour Impériale russe, la controverse entourant son identité courut de nombreuses années. Il faudra attendre les années 2000 et les résultats de nouvelles expertises ADN pour mettre un terme définitif aux spéculations et rumeurs les plus folles concernant l’hypothétique survie d’Anastasia.

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En 1994, des analyses ADN excluent tout lien de parenté entre Anna Anderson (décédée en 1984) et les Romanov.

L’histoire authentique et controversée d’Anna Anderson inspira d’abord la pièce de théâtre Anastasia écrite par Marcelle Maurette en 1955 et dont la Fox acheta par la suite les droits. Hollywood s’est ainsi emparé du sujet pour en livrer en 1956 sa version romanesque et romantique.

___Paris, 1928. Un groupe de Russes exilés et ayant jadis côtoyé les Romanov, projettent de récupérer la fortune du tsar Nicolas II, conservée en Angleterre. Pour exécuter ce projet, les trois complices, menés par Bounine (Yul Brynner), ne connaissent ni scrupules ni morale. Ils comptent ainsi tirer profit de la rumeur selon laquelle la plus jeune des filles du tsar, la grande-duchesse Anastasia, aurait réchappé au massacre avant de s’enfuir sous une fausse identité. Leur plan est simple : trouver une jeune fille ressemblant à la disparue afin de la faire passer pour cette dernière et mettre ainsi la main sur l’héritage dormant dans les banques anglaises.

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En quête de la candidate idéale pour ce rôle et après de longues recherches infructueuses, ils finissent par croiser la route d’Anna Koreff (Ingrid Bergman), une jeune femme vaguement ressemblante à la duchesse et dont le nom et le passif ne leur est pas tout à fait inconnu. Les bruits courent en effet à travers l’Europe selon lesquels la jeune émigrée amnésique qu’ils ont devant eux aurait déclaré au cours d’un séjour dans un asile être la grande-duchesse Anastasia. Après avoir empêché l’inconnue de se jeter dans la Seine, ils lui proposent donc de se glisser dans la peau de celle qu’elle prétend être.

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D’abord craintive et réticente, Anna se laisse finalement convaincre. Il faut dire que la prétendante dispose de plusieurs atouts pour le rôle ainsi que de certains éléments troublants pouvant accréditer son discours et donc servir le plan des conspirateurs. Outre sa ressemblance physique avec la disparue, son amnésie et son intelligence en font une Anastasia parfaitement crédible. Forts de leurs connaissances de la Cour Impériale qu’ils ont fréquentée de près, les trois complices entament alors une révision complète de l’éducation de leur élève afin qu’elle se fonde dans le rôle. Les séances d’apprentissage s’enchaînent à un rythme effréné : leçons de maintien et de bonnes manières, cours de musique et de danse, passage en revue de la généalogie de la famille impériale…

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Anna Koreff (Ingrid Bergman) poursuivant son apprentissage sous l’oeil attentif de Bounine (Yul Brynner)

Pour tenir le change, Anna doit s’approprier toute une histoire et une longue série d’anecdotes, de noms et de détails. Bounine se montre un professeur aussi exigent qu’intransigeant. Il sait que dans son entreprise périlleuse, il n’y a pas de place au hasard ni aux approximations. Dans ce scénario monté de toute pièce, Anna n’a pas droit au moindre faux pas. Mais le trio se trouve peu à peu pris à son propre piège. Et si Anna Koreff était réellement Anastasia ? Plusieurs évènements et éléments troublants sèment en effet bientôt le doute dans l’esprit de Bounine. L’homme calculateur et sans scrupules qui pensait exploiter la crédulité des partisans des Romanov pour mettre la main sur l’héritage tombe bientôt amoureux malgré lui de la créature qu’il a façonnée.

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___Que ce soit pour son casting impeccable (aussi bien dans le choix des têtes d’affiche que les seconds rôles), son rythme parfaitement maitrisé de bout en bout, la romance savamment dosée, ou les touches d’humour qui émaillent le film, « Anastasia » est un film qui mérite assurément d’être vu. Ceux qui ont d’abord vu le célèbre film d’animation éponyme réalisé en 1997 par Don Bluth et Gary Goldman seront à n’en pas douter surpris par les similitudes manifestes entre le dessin animé et le film de 1956.

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A gauche: la version animée « Anastasia » de 1997; à droite: celle de Litvak de 1956.

La version animée semble en effet multiplier délibérément les références et les hommages à l’oeuvre d’Anatole Litvak, produite d’ailleurs elle aussi par la Fox. Que ce soit dans la physionomie de certains personnages (en particulier le personnage excentrique de la « demie-cousine de l’Impératrice » (Sophie), qui rappelle la toute aussi sémillante Baronne von Livenbaum (Martita Hunt) pour ne citer qu’elle), les tenues ou certaines séquences toutes entières, impossible de ne pas faire le parallèle entre les deux oeuvres tant les similitudes sautent aux yeux du spectateur.

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Extrait du dessin animé « Anastasia » (1997). On aperçoit à gauche le personnage de Sophie, demi-cousine de l’impératrice, elle-même représentée à droite de l’écran.

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Anastasia aux côtés de l’impératrice dans la version animée de 1997.

A l’exception notable de Raspoutine, figure absente du film de 1956 (et pour cause, le prédicateur à la réputation sulfureuse a été assassiné en 1916), il est aisé de redistribuer les rôles et de repérer dans quelles mesures Bluth et Goldman ont puisé dans le film de Litvak l’essentiel de leur matière.

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Bounine (Yul Brynner) en compagnie de la baronne von Livenbaum (Martita Hunt)

Dans ce dernier, Yul Brynner campe un escroc débordant de charisme et de charme, qui derrière une placidité apparente, se laisse finalement malgré lui attendrir par la jeune femme perdue qu’il a prise sous son aile. En dépit de ce qu’il veut laisser paraître et sans se départir de son flegme, la carapace de froideur dans laquelle il s’enferme finit par se fissurer. Et on comprend bientôt que ce n’est plus l’appât du gain qui motive ses actes mais des sentiments plus chevaleresques et un coeur plus noble. Impossible de rester insensible à son interprétation sans fausse note et toute en prestance, où ses talents d’acteur (de danseur et de musicien !) rivalisent avec sa séduction naturelle.

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Bounine (Yul Brynner)

Jusqu’au bout, l’oeuvre de Litvak parait s’employer à entretenir le doute sur l’identité d’Anastasia, aussi bien dans l’esprit de l’entourage de la duchesse que dans celui du public. Si chaque personnage semble avoir son avis sur la question, il demeure impossible au spectateur d’affirmer avec certitude s’il est face à la vraie princesse miraculeusement rescapée ou à une usurpatrice, qui a force de se raconter des histoires a fini par croire en ses mensonges.

___L’autre intérêt majeur du film de Litvak, et à juste titre souvent mis en avant par la critique, repose sur sa valeur symbolique et la place qu’il occupe dans la carrière d’Ingrid Bergman. A l’époque, l’actrice est empêtrée dans un scandale retentissant. Tombée amoureuse quelques années plus tôt de Roberto Rossellini au cours de la préparation du film Stromboli (1950), elle quitte mari et enfant pour l’épouser alors qu’elle est déjà enceinte de lui. L’Amérique ne lui pardonnera pas sa conduite. La ligue pour la vertu appelle au boycott de ses films. Contrainte à l’exil en Europe, la star déchue est proscrite d’Hollywood et ralentit le nombre de ses apparitions. Le film « Anastasia » marquera son grand retour à Hollywood. L’oeuvre peut d’ailleurs être intégralement analysée sous le prisme de la renaissance : celle de l’actrice comme du personnage qu’elle interprète. Véritable métaphore du passage de l’ombre à la lumière, Anastasia peut être vu comme la fable narrant le retour en grâce et sous les projecteurs de l’actrice et de son personnage.

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L’histoire d’Anna, jeune femme perdue qui tente de recouvrer son identité trouve dès lors une résonnance toute particulière chez l’actrice, tant elle semble faire directement écho à sa situation personnelle. Impossible en effet pour le spectateur de ne pas voir dans le parcours d’Anna un parallèle direct avec la vie d’Ingrid Bergman. Le récit de la quête d’identité de son personnage pouvant être appréhendé comme celui de la reconquête de son statut et d’Hollywood par l’actrice. Sous cet angle, la méfiance de la noblesse russe envers Anna fait écho à celle d’Hollywood envers Bergman. Et l’impitoyable Impératrice douairière (Helen Hayes) dont le jugement conditionne le devenir d’Anna devient le miroir de la férocité de l’usine à rêves qui fait et brise les carrières.

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L’impératrice douairière (Helen Hayes) observant depuis sa loge celle qui prétend être Anastasia.

A l’instar de son personnage qui doit convaincre ses interlocuteurs de sa sincérité, l’actrice doit faire ses preuves auprès des spectateurs. La détresse et la détermination du personnage se confondent avec celles de l’actrice. Les rôles se fondent et se répondent en continu, portés à chaque instant par la beauté aristocratique d’Ingrid Bergman et la qualité de son jeu. Anastasia sera un succès commercial. Et l’Oscar décroché par Ingrid Bergman pour son interprétation deviendra le symbole du pardon qui lui accorde l’industrie du cinéma.

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« Nous, Anastasia R. » de Patrick Cothias et Patrice Ordas

 

 

 

 

 

 

Mon résumé

___Suite à son abdication le 22 mars 1917, le tsar Nicolas II, est placé en résidence surveillée avec sa famille au Palais Alexandre situé à Tsarskoïe Selo près de Saint-Pétersbourg. Quelques mois plus tard, le gouvernement provisoire d’Alexandre Kerenski les évacue à Tobolsk en Sibérie, une ville préservée des agitations que connaît la Russie depuis février 1917. Ils mènent alors une vie plutôt confortable dans l’ancien hôtel particulier du gouverneur. C’est après la prise du pouvoir des bolcheviks en octobre 1917, que les conditions de leur détention deviennent plus strictes. La lutte entre l’Armée rouge et les Armées blanches s’intensifiant, la famille est finalement rapatriée vers Moscou avant de bifurquer vers l’Oural et d’être enfermée dans la villa Ipatiev à Iekaterinbourg.

___C’est là, dans cette maison dite « À destination spéciale » que débute l’histoire de « Nous, Anastasia R. ». Sous la forme d’un journal qu’elle dissimule sous une planche, Anastasiaraconte le quotidien de sa famille, assignée à résidence, bien loin de la vie de princesse qu’elle menait au palais. Elle fait également part de ses espoirs d’être prochainement libérés par l’armée blanche. Une espérance d’autant plus forte, que Félix Volodine, jeune officier loyaliste se faisant passer pour un menuisier au sein de la villa, affirme qu’on viendra bientôt les sauver.

___C’est pourtant un tout autre destin, bien plus tragique, qui attend la famille Romanov. Durant la nuit du 16 au 17 juillet 1918, la famille et les serviteurs du dernier tsar de Russie seront sauvagement assassinés dans une pièce exiguë de la villa Ipatiev. Les balles et les coups de baïonnette n’épargneront personne… ou presque. Grièvement blessée, mais encore vivante, Anastasia sera finalement secourue par Félix Volodine, amoureux de la jeune duchesse. Dès lors, ce dernier risquera sa vie et fera tout son possible pour protéger Anastasia.

Les auteurs

Patrick Cothias

__Patrick Cothias,après avoir débuté comme illustrateur et reçu le prix « Nicolas Goujon » du dessin réaliste, s’oriente finalement vers l’écriture. Il fait ses premières armes dans Pilote en 1971 avec Loisel pour L ‘Empreinte, puis dans Pif gadget en 1975 pour lequel il réalise sa première série : Sandberg.

___Mais l’année 1980 marque le vrai départ de Cothias puisqu’il scénarise Masquerouge avec Juillard aux dessins. A partir de cette date, Cothias va connaître un franc succès auprès des amateurs de BD en créant Les 7 vies de l’épervier, qui va devenir son « œuvre ».

___En effet, au fil des ans, de nouvelles intrigues vont naître autour des différents personnages principaux ou secondaires qui animent Les 7 vies de l’épervier; ainsi, par exemple, Cœur brûlé, Ninon secrète, ou Plume aux vents verront le jour.

___Mais Cothias a également créé des séries différentes telles que Le Vent des dieux, Les Eaux de Mortelune, Au Nom de tous les miens, ou encore, mais plus proche de nous, Thanatha, Le Lièvre de Mars, ou La Mémoire des ogres.

Patrice Ordas

__Patrice Ordas: directeur de l’école de joaillerie de Paris pendant 25 ans, c’est un spécialiste du roman historique, obtenant le Prix Beauchamp pour son premier volume : Les Griffes de l’Hermine.

___De sa précédente collaboration avec Patrick Cothias nait Monsieur Nemo et l’éternité aux éditions Passavent. Leurs récentes collaborations littéraires, L’Ambulance 13 et L’Oeil des Dobermans, sont adaptées en bandes dessinées chez Grand Angle.

___Ordas a également signé chez Anne Carrère l’adaptation en roman des Eaux de Mortelune et plus récemment chez Grand Angle romans Hindenburg, les cendres du ciel et Le Fils de l’officier, à quatre mains avec Cothias.

+

Mon opinion

★★

___Aujourd’hui, il est scientifiquement avéré qu’aucun membre de la famille Romanov n’a survécu au massacre. Les hypothèses d’une éventuelle rescapée ayant été balayées il y a quelques années par les preuves génétiques. Avec « Nous, Anastasia R. », Cothias et Ordas réécrivent donc l’Histoire à travers un récit mêlant habilement fiction et faits véridiques. Et pour parvenir à réaliser ce numéro d’équilibriste, les auteurs se basent sur deux thèses un temps évoquées : la survie de la duchesse Anastasia qui aurait miraculeusement réchappé au massacre et le cas Anna Anderson (de son véritable nom : Franziska Schanzkowska), qui prétendit jusqu’à sa mort être Anastasia. C’est donc à partir de ces deux théories (que l’on sait aujourd’hui fausses) que Cothias et Ordas construisent leur intrigue. Car comme les deux auteurs le soulignent, leur objectif n’est pas de prétendre à la vérité historique, mais d’imaginer quel aurait pu être le scénario et les conséquences de la survie d’Anastasia, si la duchesse avait bel et bien réchappé au massacre.

D’ailleurs, une annexe à la fin du roman, rétablit la véritable histoire d’Anastasia ou fait en tout cas la lumière sur le mystère entourant son éventuelle survie (ou celle d’un membre de la famille). Les auteurs reviennent ainsi sur la vie d’Anna Anderson, ainsi que sur les recherches et les tentatives d’identification des corps de la famille Romanov, évoquant jusqu’aux derniers rebondissements apportés par les analyses génétiques. Un supplément très appréciable puisqu’il permet aux lecteurs qui ne connaîtraient pas les détails de l’affaire de démêler la part de fiction et de réalité du roman.

___Pour parler du récit en lui-même, j’ai trouvé l’idée de départ prometteuse, et au terme de ma lecture, j’ai le sentiment d’avoir lu une intrigue qui se révèle être tout à fait à la hauteur de mes attentes : intense, captivante et parfaitement plausible. Et pourtant, en choisissant d’intégrer et de faire se rejoindre dans leur scénario l’hypothèse de la survie d’Anastasia avec le cas Anna D., les auteurs n’ont pas choisi la solution de facilité, prenant le risque de perdre le lecteur dans une intrigue trop alambiquée. Mais en dépit de la complexité de l’exercice, où il convient d’imaginer une intrigue convaincante tout en l’ancrant dans un contexte historique mouvementé qu’il faut restituer le plus justement possible, Cothias et Ordas parviennent à bâtir un « roman historique » digne de ce nom. La qualité de la reconstitution historique aussi bien au niveau des acteurs clés de l’histoire que des évènements, ainsi que les nombreuses anecdotes entourant la famille Romanov témoignent d’un travail de recherche rigoureux incontestable. Ainsi, grâce à de nombreux détails et des dialogues percutants, les auteurs parviennent à précipiter le lecteur au coeur des évènements au cours d’un récit aussi intense que captivant. Une immersion totale, et ce, dès les premiers chapitres durant lesquels s’installent une tension et une angoisse croissantes à mesure que la date fatidique de la nuit du 16 au 17 juillet approche et que le lecteur sent l’étau se resserrer. Les évènements, narrés à travers les yeux d’Anastasia sont restitués avec une grande précision. Rapidement, on se retrouve ainsi confronté à un flot d’émotions d’une rare intensité, rendant la lecture douloureuse à mesure que le drame, d’un réalisme saisissant, se déroule devant nous.

La dimension historique ainsi très bien exploitée tout au long du roman, permet au lecteur de saisir tous les enjeux de l’intrigue, sans pour autant alourdir le récit ou lui donner des allures de cours magistraux, et les auteurs parviennent à maintenir notre intérêt intact jusqu’au dénouement final quant à l’avenir des différents protagonistes. En effet, dans cette intrigue où la tension est à son comble, le lecteur ne cesse d’être en alerte, soupçonnant tous les personnages d’une éventuelle traitrise qui pourrait être fatale à Anastasia et guettant en permanence un retournement de situation ou une révélation susceptible de faire basculer l’intrigue.

Une intrigue qui se montre jusqu’au bout, remarquablement convaincante dans son évolution et menée d’une main de maître compte tenu de la difficulté de l’exercice. Jusqu’à la fin, la dimension historique du récit est très bien exploitée, la vie fictive d’Anastasia faisant écho à d’authentiques évènements. Un autre point positif, c’est que la romance ne prend pas le pas sur les véritables enjeux de l’intrigue. S’il y a bien une histoire d’amour, elle est évoquée avec une certaine pudeur et ne fait jamais perdre au récit de son intensité. Mais si j’ai indéniablement apprécié que l’intrigue ne dégouline pas de mièvrerie, c’est aussi, paradoxalement, au niveau de la romance que j’ai quelques réserves. En effet, les auteurs n’ont pas su me faire rêver quant à l’histoire d’amour entre Félix et Anastasia. Peut-être parce qu’elle arrive dès les premières pages et qu’elle ne réserve aucune surprise ? Toujours est-il que même si sur le fond, leur histoire est magnifique et que j’apprécie le fait qu’elle n’ait pas été mise au premier plan, les auteurs n’ont pas réussi à lui donner selon moi une intensité suffisante.

___Sur la forme, le style est fouillé sans être alambiqué et le récit se décompose en trois époques, avec une alternance de différents narrateurs comptant parmi les protagonistes de premier plan de cette histoire. La narration entremêle ainsi les points de vue d’Anastasia, Félix et Franziska. Et là encore, les auteurs se sont appliqués à dépeindre les personnages avec une grande finesse psychologique, les rendant plus vrais que nature. Et même si Anastasia m’a peut-être paru par moments un peu trop intrépide au vu du milieu dont elle est issue, j’ai beaucoup apprécié être en présence de personnages aussi charismatiques. D’ailleurs, les personnages secondaires ne sont pas en reste. En effet, Félix et Anastasia croisent sur leur chemin différents protagonistes qui, en dépit du peu de place qu’ils occupent, jouent un rôle de premier plan parfois au péril de leur vie afin de contribuer à la survie d’Anastasia.

En somme, dans cette biographie fictive d’Anastasia Romanov, les auteurs sont donc parvenus à trouver le juste équilibre entre la part historique et romancé du récit. Les références historiques sont suffisamment présentes et précises pour donner à l’intrigue toute son envergure et sa consistance et se trouvent contrebalancées par la part de fiction et les libertés des auteurs dans l’évolution de leur intrigue. Le scénario imaginé, reposant sur une documentation riche et incontestable, se révèle percutant et plausible jusqu’au bout. L’immersion est totale pour le lecteur précipité dans une histoire aussi soutenue que captivante en présence de personnages dépeints avec une grande finesse psychologique. Mon seul regret concerne finalement l’histoire d’amour entre Félix et Anastasia, trop éclipsée à mon goût par l’intensité des évènements auxquels ils doivent faire face.

En Bref

___On aime : Une intrigue intense, captivante au scénario convaincant et plausible, mêlant habilement réalité historique et fiction. La qualité de la restitution des évènements témoigne d’un travail de recherche rigoureux incontestable de la part des auteurs. Le récit est riche en références historiques pertinentes et les personnages sont dépeints avec une grande finesse psychologique. L’annexe, en fin d’ouvrage permet en outre de rétablir la véritable histoire entourant le mystère « Anastasia » permettant au lecteur qui ne connaîtrait pas l’histoire en détail de faire un tri entre la fiction et la réalité.

___On regrette : Essentiellement l’histoire d’amour entre Anastasia et Félix qui ne m’a pas faite rêver…