• Résumé •
La jeune Catherine Charing, devenue orpheline alors qu’elle savait tout juste marcher, a été adopté et élevée par le riche et acariâtre Matthew Penicuik qu’elle appelle Oncle Matthew. Ce dernier, sentant que son heure approche, a décidé de faire de Kitty son héritière, mais ceci à l’unique condition que la jeune fille épouse l’un des neveux du vieil homme. Penicuik s’attend à ce que le choix de Kitty se porte sur Jack Westruther, qui n’est autre que son petit-neveu favori. Une telle union ravirait d’ailleurs la jeune fille qui est éperdument amoureuse de Jack depuis de nombreuses années. Mais Jack est un débauché invétéré, épris de liberté et peu disposé au mariage. Convaincu que Kitty l’épousera de toute façon tôt ou tard et qu’elle déclinera en attendant toutes les propositions de ses autres cousins, Jack ne prend pas la peine de venir à la réception organisé par son oncle et au cours de laquelle Kitty est sensée choisir lequel de ses cousins elle épousera. Terriblement vexée par cette absence et bien décidée à ne pas rester chez son oncle, Kitty élabore un plan afin de séduire Jack en le rendant jaloux et de partir à Londres par la même occasion. Pour ce faire, elle convainc Freddy, un autre cousin, de faire croire qu’ils se sont fiancés…
• L’auteure •
__Georgette Heyer, (1902-1974) est un écrivain anglais de romances historiques et de romans policiers ainsi que l’une des romancières les plus réputées et adulées de son temps.
___Sa carrière de romancière débute en 1921 lorsqu’elle imagine une histoire pour son jeune frère, dans le roman The Black Moth. Elle crée un nouveau genre de la romance : la romance historique et particulièrement son sous-genre « Régence ». Elle s’inspire de l’œuvre de Jane Austen et se documente sur cette période pour que ses lecteurs puissent visualiser les scènes et l’époque. Pour s’assurer de l’exactitude des détails contenus dans ses romans, elle consulte tous les travaux de référence et conserve toutes les informations précises sur les aspects de la vie sous la Régence.
___Au début de 1932, Heyer rédige un roman d’amour et un roman policier chaque année. Elle continue d’écrire jusqu’à sa mort en juillet 1974 alors que 48 de ses romans sont encore régulièrement imprimés. Son dernier livre My Lord John (1975) paraît à titre posthume.
• Mon opinion •
★★★★☆
___Le terme « cotillon » a de multiples sens et peut notamment désigner une danse crée au XVIIIème siècle par Louis Pécour et s’inspirant des figures anglaises. A l’origine, cette chorégraphie était exécutée par deux couples (plus tard, certaines variantes se danseront à 3 voire 4 couples). Les quatre danseurs, disposés en vis-à-vis enchaînent différentes figures en changeant de partenaire. Le choix d’un tel titre par l’auteure laisse ainsi présager une intrigue sentimentale toute en légèreté et se révèle par ailleurs source de maintes interprétations une fois la lecture achevée. Quoi qu’il en soit, la définition précédemment donnée du terme « Cotillon » et tout ce qu’elle peut évoquer en conséquence, incarne parfaitement l’esprit du livre.
___Dès les premières pages, Georgette Heyer donne le ton et déploie une farandole de personnages sous nos yeux. Un certain effort d’attention est alors nécessaire pour intégrer tous ces protagonistes ainsi que les liens de parenté qui les relient les uns aux autres. Mais passée cette étape d’assimilation, la représentation peut commencer. Car comme au théâtre, « Cotillon » m’a donné l’impression de me retrouver spectatrice d’une véritable comédie, mettant en scène des personnages aussi excentriques qu’atypiques, au service d’une farce où s’entremêlent différentes intrigues amoureuses. Et je pense que c’est d’ailleurs avec un peu de recul et de dérision qu’il convient d’appréhender le récit pour l’apprécier à sa juste valeur.
___Portée par des personnages burlesques et débridés, l’intrigue de « Cotillon », de prime abord assez convenue, se révèle être en effet un vrai bijou d’ironie. Elle est en outre, remarquablement mise en valeur par la plume de Georgette Heyer qui parvient à concilier élégance du style et humour, n’hésitant pas à user de tous les codes du genre comique. Quant aux dialogues, où chaque réplique est minutieusement travaillée, ils sont aussi drôles que savoureux. J’ai ainsi ri à de multiples reprises, amusée tant par le génie des réparties que par le caractère des protagonistes qui constituent l’essence même de ce récit. En effet, il serait réducteur de se contenter d’évoquer l’aspect léger et distrayant de l’intrigue. Car derrière les tribulations sentimentales (et vestimentaires) des différents personnages, Georgette Heyer se moque des codes de la romance et des archétypes du genre. L’auteure est ainsi parvenue à peindre des personnages en exagérant suffisamment le trait pour les rendre irrésistibles tout en faisant preuve d’assez de subtilité pour ne pas les rendre antipathiques.
- Dans « Cotillon », Freddy Standen, personnages masculin principal de cette intrigue, est ainsi aux antipodes du héros romantique que l’on connaît. Loin du coureur de jupon ou du héros cultivant le mystère, Freddy se révèle davantage préoccupé par son apparence et les fautes de goût vestimentaire de sa soeur que par sa vie sentimentale. Véritable dandy, un brin efféminé, et multipliant traits d’humour et taquineries à longueur de journée, il tient incontestablement plus du parfait « meilleur ami » que du prétendant idéal. D’ailleurs, sa loyauté infaillible le conduit immanquablement à se mettre dans des situations pour le moins inconfortables. Ce qui fait finalement le charme de Freddy, ce sont ses répliques hilarantes et surtout, son infinie bienveillance envers sa très chère cousine, Kitty, pour laquelle il est prêt à de nombreux sacrifices. Au fil du récit, mon attachement à ce personnage n’a ainsi cessé de croître. J’ai été séduite par ses excentricités, ses réparties exquises et caustiques à souhait.
- A l’inverse de Freddy, il y a son cousin, Jack, pourvu de tous les attributs du héros de ce genre de récit. En dépit de ses rares apparitions, il est au centre de toutes les conversations. Charmeur, mystérieux, sûr de lui, il fait battre le coeur de nombreuses demoiselles, et fait figure de favori dans la liste des prétendants de Kitty (il est d’ailleurs le neveu préféré de oncle Matthew). Une situation d’élu qui ne lui convient pas. Car Jack ne veut pas être désigné, il veut choisir ! Et afin de rappeler à tout le monde qui tire les ficelles du jeu, il décide de ne pas se présenter le jour où Kitty doit faire part de son choix. Tout au long du récit, Jack se fait ainsi attendre et désirer. Une absence récurrente qui titille notre curiosité et entretient encore davantage le mystère autour de sa personnalité.
- Pour clore ce tour d’horizon des protagonistes masculins, impossible de ne pas évoquer l’unique et ô combien hilarant Dolphinton. Un peu « lent » intellectuellement et sous la coupe d’une mère tyrannique qui le terrorise, chacune de ses apparitions donne lieu à des situations exquises et des dialogues d’anthologie ! Si je peux aisément concevoir que le caractère poltron et pleurnichard de Dolphinton puisse en agacer plus d’un (à juste titre), il a, pour ma part, réussi à attiser toute ma sympathie. Voilà un personnage que je n’oublierai pas !
- Dernier personnage incontournable (et non des moindres!), la jeune Kitty, personnage central du récit. Incapable de contrôler ses sentiments, impatiente et égoïste, son comportement m’a souvent agacée. En effet, dans l’unique dessein de conquérir Jack, elle n’hésite pas à se servir des gens qui l’entourent pour parvenir à ses fins et ce, sans se préoccuper des conséquences. Elle ne peut pas non plus s’empêcher de mettre son nez dans les histoires sentimentales des autres. Et même si ça part toujours de bonnes intentions, cela aboutit souvent (involontairement, reconnaissons-le) à des situations inextricables. Mais en dépit de ses nombreux défauts, Kitty n’en reste pas moins une jeune fille pétrie de bonnes intentions et dont les maladresses répétées suscitent la compassion du lecteur. Qui plus est, sa personnalité va beaucoup évoluer au cours du récit.
___Car dans l’esprit de « La passe dangereuse » de Maugham, « Cotillon » décrit finalement la prise de conscience progressive d’une jeune héroïne aux idéaux préconçus quant à ses sentiments.Si sur le fond, le message est on ne peut plus limpide, sur la forme, l’analyse de l’évolution des sentiments de Kitty aurait gagné à être davantage développée. En effet, l’écriture très théâtrale adoptée par l’auteure ne permet malheureusement pas de saisir les états d’âme des personnages. A défaut de monologues, je regrette ainsi que l’auteure n’ait pas intégré dans ses passages narratifs davantage de détails relatifs aux sentiments des protagonistes permettant ainsi d’en saisir l’évolution. Ce manque de nuance dans l’appréhension de la psychologie des personnages aboutit en effet à une fin trop précipitée sans qu’on n’ait réellement pu percevoir l’évolution des sentiments de l’héroïne. Je reconnais néanmoins que cette absence de détails ajouté au caractère imprévisible de Kitty, ont permis à l’auteure de me faire douter jusqu’aux toutes dernières pages quant au choix final de l’élu de son coeur…
En somme, un très bon moment de lecture et une auteure que j’ai hâte de redécouvrir avec « Adorable Sophy » qui a d’ores et déjà rejoint ma PAL !
Porté par des personnages aussi peu conventionnels qu’hilarants, « Cotillon » se révèle être une romance originale aux airs de comédie théâtrale. Si certaines regretteront peut-être la légèreté de l’intrigue et les personnages qui tombent parfois dans la caricature, j’ai, pour ma part, totalement succombée à la plume acérée de Georgette Heyer et à la galerie de personnages tous plus irrésistibles les uns que les autres. Derrière une intrigue apparemment lisse et prévisible, Georgette Heyer parvient néanmoins à jouer avec les codes de la romance et nous offre des dialogues d’anthologie.
Si l’histoire et la plume de l’auteure m’ont conquise, « Cotillon » n’est cependant pas dénué de quelques défauts. Ainsi, outre la difficulté d’assimiler le nombre conséquent de personnages et les liens qui les unissent, j’ai également quelques regrets sur l’intrigue qui pâtit parfois d’un manque de rythme. J’aurais apprécié que Georgette Heyer intègre à son récit davantage de rebondissements et ménage une fin moins abrupte, insistant davantage sur l’évolution des sentiments de Kitty.
• Extrait •
« Kitty frissonna.
– C’était la pire soirée de ma vie ! Je n’ai jamais été aussi soulagée que quand Freddy est arrivé !
– Etait-il très en colère ? s’enquit Meg. Il est parfois tellement coincé !
– Non, non, il s’est montré si gentil que j’ai failli fondre en larmes ! Et pourtant, il avait de quoi me faire des reproches ! Je pense, ajouta-t-elle avec ferveur, que Freddy est la personne la plus chevaleresque qu’on puisse imaginer !
Meg en demeura bouché bée.
– Vous êtes sérieuse ? demanda-t-elle enfin d’une voix mourante.
– Bien sûr ! Et il sait se montrer beaucoup plus utile que tous ces gens qu’on apprend à admirer, comme sir Lancelot, sir Galad, le jeune Lochinvar, ou… tous ces hommes-là ! Je doute que Freddy soit très doué pour occire des dragons, mais je parie qu’aucun de ces chevaliers errants ne serait en mesure de voler à mon secours pour m’arracher à un péril social. D’ailleurs, vous conviendrez que de nos jours, personne n’a besoin d’un homme qui sache tuer des dragons ! »« Cotillon » de Georgette Heyer – p.356 (Editions Milady)
• En Bref •
___On aime : Une galerie de personnages aussi hilarants qu’attachants au service d’une véritable comédie romantique où l’auteure joue astucieusement avec les codes de la romance. L’originalité et le côté décalé des personnages m’ont totalement séduite, de même que la plume acérée de Georgette Heyer qui excelle dans les dialogues. A condition d’aborder l’histoire avec un minimum de recul et de second degré, je vous garantis de jolis rires en perspective !
___On regrette : Une romance assez simple et prévisible dans le fond (même si pour ma part, j’ai eu des doutes quant au dénouement jusqu’aux dernières pages) qui ne séduira pas tout le monde et des personnages excentriques et burlesques qui pourront en agacer plus d’un. L’écriture très théâtrale de l’auteure ne permet pas d’appréhender en profondeur les sentiments des personnages et d’en suivre véritablement l’évolution, aboutissant à une fin un peu abrupte.