« La fille qui navigua autour de Féerie dans un bâteau construit de ses propres mains » de Catherynne M. Valente

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Quatrième de couverture

Septembre est une jeune fille qui aspire à l’aventure. Quand elle est invitée en Féérie par le Vent Vert et le Léopard des Petites Brises, bien sûr, elle accepte. Qui ne le ferait pas à douze ans ? Mais Féérie est dans la tourmente, sous le règne écrasant d’une Marquise maléfique.

Cheminant en compagnie d’un vouivre amoureux des livres et d’un étrange garçon bleu, presque humain nommé Samedi, elle perdra : son ombre, sa chaussure, son cœur et bien sûr son chemin. Mais dans l’aventure, elle trouvera le courage, l’amitié, une cuillère un peu spéciale et bien plus encore. Elle seule détient la clef qui rétablira l’ordre et le bonheur en Féérie…

Il n’y avait pas eu de monde si envoûtant, de personnages si originaux depuis Alice au pays des Merveilles ou le pays d’Oz. L’héroïne grandit au cours de cette aventure. Septembre est intelligente et très logique avec pourtant une forme de naïveté que nous voudrions garder toute notre vie, dans un monde plus complexe qu’il n’y paraît où tout n’est pas que soleil et magie.

  • Mon opinion

★★★★★

___Alors que son père est parti à la guerre et que sa mère se rend tous les jours à l’usine travailler sur des moteurs d’avion, la jeune Septembre, douze ans, aspire à s’extraire de sa solitude et de la monotonie de son triste quotidien. Aux côtés du Vent Vert et à dos du Léopard de Petites Brises, la fillette en soif d’aventure embarque donc pour le mystérieux monde de Féerie.

___Dans un décor résolument tourné vers l’imaginaire et la fantaisie, Catherynne M. Valente bâtit un récit aussi improbable qu’envoûteur et entraîne le lecteur au coeur d’une expérience unique, entre poésie, aventure et onirisme.

___Avec ses personnages aussi loufoques que truculents et son histoire inventive à souhait, Catherynne M. Valente s’inscrit indéniablement comme la digne héritière de Lewis Carroll et de son Alice au pays des merveilles! Nul doute que la romancière a en effet puisé dans ce classique de la littérature pour forger son propre univers. Mais loin de se casser les dents sur cet exercice ou de livrer une pâle imitation de l’oeuvre originale, Catherynne M. Valente donne vie à un monde coloré, délicieusement absurde et plein de charme.

A côté de l’inévitable comparaison avec Alice au pays des merveilles, d’autres influences se devinent au cours de la lecture. Impossible de ne pas noter les innombrables références à de grands classiques de la littérature jeunesse (parmi lesquels Peter Pan, Narnia ou le Magicien d’Oz) auxquels se mêlent en outre de nombreux éléments issus du folklore du monde entier. L’auteure joue ainsi en permanence avec les références les plus éclectiques glissant de la théorie de l’évolution de Darwin à l’expérience du chat de Schrödinger!

___A l’instar de Septembre, le lecteur se retrouve propulsé dans un monde étrange et insaisissable, peuplé de créatures féériques et de personnages extraordinaires. Dans un grand élan de poésie, l’auteure fait ainsi surgir une constellation de personnages secondaires tous plus originaux et étranges les uns que les autres. Au cours de cette expérience singulière, notre jeune aventurière croisera tour à tour une gnome, des sorcières, un Lou-garou, un vouivriothèque, une golem… Mais passée la découverte majestueuse des lieux, Septembre ne tarde pas à découvrir que Féérie se révèle en réalité aussi terriblement cruel qu’enchanteur. Soumis à la tyrannie d’une odieuse marquise, les habitants de Féerie se rappellent avec nostalgie l’époque heureuse du règne doré de la regrettée reine Mauve. A l’instar du monde réel qu’elle désirait si ardemment quitter, Septembre découvre ainsi que tout n’est pas parfait à Féérie et que ce monde peut lui aussi parfois se révéler impitoyable…

Dans cet univers incroyable qui fonctionne selon ses propres lois, Septembre enchaîne les péripéties et fait bientôt le douloureux apprentissage de la vie. Confrontée à une succession d’épreuves, la fillette devra faire des choix et en assumer les conséquences. Au cours de cette expérience, elle découvrira la valeur du courage, de l’amitié et devra redoubler d’effort pour venir en aide à es nouveaux amis et sauver Féérie du chaos.

___Dans ce premier tome, Catherynne M. Valente prend le contre-pied des contes traditionnels avec ce récit où se mêle avec brio poésie et aventure. Car la force première de ce roman réside assurément dans sa capacité à savoir déjouer les attentes et les clichés pour offrir un récit haletant et immersif à souhait ! Perspicace et pleine de ressources, Septembre s’impose comme une jeune héroïne terriblement attachante dont on suit les péripéties avec plaisir et que l’on quitte à regret. Grâce à des personnages hauts en couleurs, un decorum enchanteur et une intrigue aussi riche en rebondissements que bien menée, Catherynne M. Valente prend le lecteur dans ses filets le temps d’une aventure unique et imprévisible.

Si la grande poésie et la dimension symbolique du récit rendent parfois le propos sibyllin et l’interprétation délicate, les derniers chapitres permettent finalement de lever le voile sur une part importante du mystère entourant le fil des évènements, permettant au lecteur de les appréhender sous un jour nouveau. Ainsi, bien qu’il ne soit pas toujours évident de saisir où l’auteure veut nous emmener, on se laisse néanmoins rapidement porter par la féérie de ce monde étonnant et imprévisible qui dévoile de nouvelles surprises page après page.

___Servi par une écriture envoûtante et luxuriante, « La Fille qui navigua autour de Féérie dans un bateau construit de ses propres mains » est un roman jeunesse aux multiples niveaux de lecture. Catherynne M. Valente livre une oeuvre poétique et mélodieuse à travers un texte qui file les métaphores et saisit par la force de ses symbolismes. A cet égard, il convient de saluer la traduction remarquable de Laurent Philibert Caillat qui a réalisé une véritable prouesse en adaptant magistralement le texte original tout en conservant sa musicalité, sa poésie et ses jeux de mots florissants!

___Au-delà de la performance stylistique, c’est avant tout un magnifique roman d’apprentissage que nous offre Catherynne M. Valente. Dosage calibré entre tendresse et émotions, ce bijou de poésie est en outre une véritable invitation à l’imagination qui séduira les lecteurs de tous âges !

Je remercie infiniment les éditions Balivernes pour cette fantastique découverte !

  • Extraits

« Quand tu nais […] ton courage est neuf et propre. Tu es assez brave pour affronter n’importe quoi : descendre un escalier en rampant, prononcer tes premiers mots sans craindre que quelqu’un te trouve stupide, fourrer des choses bizarres dans ta bouche. Mais en vieillissant, ton courage attire des saletés, des sortes de croûtes, de la terre, la peur, la conscience que de mauvaises choses peuvent survenir et la connaissance de la douleur. Le temps que tu sois à moitié adulte, ton courage remue à peine tant la vie l’a encrassé. Alors, de temps en temps, il faut le nettoyer et le remettre au travail, sinon tu ne seras plus jamais brave. »

« Personne n’est choisi. Jamais. Pas dans le monde réel. Tu as choisi de sortir par la fenêtre pour monter sur un Léopard. Tu as choisi de récupérer une Cuiller de sorcière et de devenir amie avec un Vouivre. Tu as choisi d’échanger ton ombre contre la vie d’une enfant. Tu as choisi de ne pas laisser la Marquise s’en prendre à tes amis – tu as aussi choisi de briser ses cages ! Tu as choisi d’affronter ta propre mort, de ne pas reculer devant l’immense mer que tu devais traverser sans même un bateau sous la main. Et par deux fois, tu as choisi de ne pas rentrer chez toi alors que tu le pouvais, pour peu que tu abandonnes tes amis. Tu n’as pas été choisie, Septembre. Féérie n’est t’a pas choisie – tu as choisi toi-même. »

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