« La blancheur qu’on croyait éternelle » de Virginie Carton

 

 

 

 

 

 

Résumé

Mathilde aimerait bien devenir chocolatière mais elle est trop diplômée pour ça. Elle ne sort pas beaucoup et n’aime pas se déguiser. Ce qu’elle préfère, c’est regarder le concours de Miss France à la télé en mangeant des palets bretons trempés dans du lait. Quand elle avait sept ans, Mathilde a été traumatisée par la mort de Romy Schneider. A trente-quatre ans, elle pense encore à Julien, et Eléonore, sa meilleure amie, est décidée à lui trouver un bon parti.

Lucien est pédiatre, il aime les films avec Jean-Louis Trintignant, et Deauville. Il n’aime pas tellement danser. Ça remonte à son enfance, à l’époque des premières boums ratées. Chaque année, au Nouvel An, il envoie une carte de voeux à ses parents. À trente-cinq ans, il est célibataire. Il aimerait bien que ça change. Mais il n’est pas très à l’aise avec les SMS, alors c’est pas gagné. Mathilde et Lucien habitent le même immeuble mais ne le savent pas.

Un jour, le nouveau voisin les invite à sa soirée déguisée. La Blancheur qu’on croyait éternelle est l’histoire de deux solitudes, deux sentimentaux perdus dans un monde plus vraiment sentimental.

Apprendre la couture et les bonnes manières, comme il se doit, ou se laisser porter par sa curiosité insatiable ? Et si la science pouvait ouvrir un chemin vers la liberté ?

Mon opinion

★★

___Lucien et Mathilde sont des héros ordinaires, deux coeurs esseulés qui ne se connaissent pas mais vivent pourtant dans le même immeuble.

___Pour ces deux trentenaires célibataires, le temps s’est arrêté quelque part entre le film « Un homme et une femme » de Lelouch et la mort de Romy Schneider. Leurs idéaux se nourrissent de la nostalgie d’un temps révolu, de films en noir et blanc, de chansons des années 70…

« Lorsque Lucien s’étonnait de ces relations dénuées de tout sentiment, et plus encore, que les filles acceptent ces liaisons superficielles, les trois riaient. Lucien n’y pouvait rien. Il était trop éloigné de ces moeurs. Les adopter aurait été trahir ce qu’il était, ce vers quoi il tendait depuis toujours. Il ne pouvait renoncer à ses idéaux.

La femme que Lucien aimerait serait conforme à des aspirations au long cours. Il n’imaginait pas changer de goût. Elle aurait une allure, une classe naturelle, une aura. Quelque chose entre Deneuve et Schneider. Un charme ancien. Même désuet. Se pouvait-il que ce genre de femmes n’existât plus ?

Lucien taisait ses stupéfactions intérieures. Au milieu de ses nouvelles connaissances, il s’habituait à l’idée d’être singulier, et ses compagnons le trouvaient pour leur part « décalé ». C’était le mot à la mode pour nommer les gens comme lui. A côté de la plaque. Ce mot le rassurait d’ailleurs : pour une fois dans sa vie, on lui trouvait un genre, une place. » p.94

« Lucien n’était pas du Sud, il n’était pas d’aujourd’hui non plus.[…] Il était d’un rêve. Celui d’une vie qu’il avait imaginée à l’image d’une douceur aujourd’hui disparue, d’un charme rompu. A l’image d’une ville engloutie où auraient sombré des dialogues d’une délicieuse lenteur, les cabines téléphoniques pour lesquelles on patientait le coeur battant, des mélodies en boucle, des lettres de papier, l’odeur de la colle Cléopâtre et l’amour en secret. » p195

___Se sentant aussi seuls qu’incompris dans ce monde moderne en constante mutation et dont ils ont toutes les peines du monde à comprendre les codes, Lucien et Mathilde vivent à contre-courant de leur époque, assis au bord du monde.

« Tout ce que Mathilde voulait, c’était regarder des DVD et manger des pizzas livrées à domicile en tête à tête avec son amoureux. C’était déjà bien assez nouveau et moderne pour elle. Ca lui suffisait, comme modernité. » p.80

« Le monde de Mathilde était peuplé de rêves éperdus, de nature sauvage, d’envolées romantiques, de murmures au coin du feu. Dans la tête de Mathilde, des prés attendaient encore ses idylles. Des livres berceraient des soirées paisibles tout au long de sa vie. Elle imaginait sa vieillesse dans un salon aux couleurs sépia, un gros chignon un peu défait au bas de sa nuque, le regard émerveillé par un jardin en fleurs. Et puis, souvent, plusieurs fois par jour, Romy Schneider. Il lui semblait sentir jusqu’à son parfum lorsque des images d’elle s’invitaient dans sa tête. Elle entendait sa voix, son accent singulier, et ses mots qui lui revenaient, inlassablement : « Qu’on me laisse enfin tranquille. »

Là se trouvait sans doute l’une des sources profondes de la solitude intérieure de Mathilde. Isolée des agressions du monde, elle respirait à son rythme. »

___Mathilde et Lucien incarnent ce penchant pour la solitude que nous portons tous en nous, cette propension à vouloir nous accrocher à ce que l’on connaît, à un quotidien qui nous rassure autant qu’il nous emprisonne parfois.

___Mal à l’aise et maladroits dans ce monde qui ne leur ressemble pas, ils tentent tant bien que mal d’y trouver leur place, s’efforçant d’aller parfois contre leur nature pour se fondre dans la société.

___Pourtant, c’est bien leur différence, leur manque d’assurance et leur capacité à s’émerveiller des petits plaisirs simples de la vie qui nous les rendent aussi attachants. Car les contradictions et les craintes qui les habitent font directement écho aux nôtres.

___«La blancheur qu’on croyait éternelle », est la rencontre de deux solitudes, deux âmes soeurs qui vivent dans le même immeuble mais que le destin semble avoir toutes les peines du monde à réunir. Au cours d’un interminable chassé-croisé de 200 pages, le lecteur assiste, impuissant et le coeur battant, à leurs rencontres manquées, leurs vies qui se croisent sans qu’ils s’en aperçoivent et ce, jusqu’à la dernière page, où le doute subsiste… vont-ils finalement se trouver ? Vont-ils enfin se rendre compte de ce que le lecteur sait déjà, à savoir qu’ils sont faits l’un pour l’autre ?

___Un livre qui réchauffe le coeur et réconforte l’âme de solitaire qui sommeille en chacun de nous. L’histoire de Lucien et Mathilde nous démontre que la solitude n’est ni un fardeau ni une fatalité. A condition que l’on ouvre les yeux sur les gens qui nous entourent, que l’on ne laisse pas passer ces rencontres fortuites, ni ces hasards qui peuplent nos vies.

___Il ne m’aura fallu que quelques lignes pour m’enticher de ces deux personnages si attachants et me retrouver totalement envoûtée par l’écriture véritablement cinématographique de Virginie Carton. Avec beaucoup de pudeur et une grande sensibilité, l’auteure nous offre une incursion dans la vie et l’intimité de ces deux héros évoluant hors du temps.

___Grâce à un talent de conteuse hors pair, Virginie Carton extrait les détails du quotidien et embellit l’ordinaire. Parsemant son récit de références cinématographiques et musicales, elle nous amène ainsi à la découverte des rêves et des idéaux de ses personnages, oscillant sans cesse entre passé et présent.

___Et quand bien même vous n’êtes pas né dans les années 70 ou que toutes les références musicales et cinématographiques liées à cette période ne vous parlent pas personnellement, si vous vous reconnaissez un tant soit peu dans le caractère de Lucien ou Mathilde, vous ne pourrez que tomber sous le charme de ces deux héros ordinaires et de l’histoire de leur rencontre…

Dans « La blancheur qu’on croyait éternelle », Virginie Carton nous raconte avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, la rencontre de deux solitudes, de deux héros ordinaires qui peinent à trouver leur place dans un monde moderne qui ne leur ressemble pas.

Véritable livre hommage à cette solitude à laquelle on aspire autant qu’elle nous effraie, « La blancheur qu’on croyait éternelle » est une bulle de douceur, un concentré d’émotions et d’humour qui réchauffe le coeur et fait du bien au moral.

Roman si savoureux que l’on voudrait que jamais il ne finisse, porté par des personnages aussi vrais qu’attachants que l’on quitte à regret, voilà un livre que je vous invite à découvrir absolument et que je relirai sans aucun doute !

Un immense merci aux éditions Stock pour cette formidable découverte !

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