« La Madone des maquis » de Sylvie Pouliquen

Quatrième de couverture

Belle, ambitieuse, Clara Harkness débute une carrière diplomatique qui ne la satisfait guère. Après un grave accident de chasse lui coûtant une jambe, elle est, contre toute attente, engagée par les services secrets britanniques. Installée à Vichy puis à Lyon, officiellement reporter américaine, elle échappe à la Gestapo fin 1942 en traversant à pied les Pyrénées, mais sa détermination est sans bornes et elle revient en France en 1944. Tour à tour fermière, financière, opératrice radio et chef de commando, elle participe à l organisation de l insurrection des maquis français, cette fois pour le compte des services secrets américains. Décorée de la Distinguished Service Cross en 1945, elle est l une des plus grandes espionnes de l histoire de l Occupation mais restera celle que l on a surnommée « la madone des maquis ».

Mon résumé

___Sportive et ayant hérité du goût pour l’aventure de son défunt père, Clara Harkness s’est très vite sentie attirée par de nouveaux horizons, à la découverte de pays inconnus bien loin de sa terre natale de Baltimore. Alors que la jeune femme s’apprête à prendre son nouveau poste en tant que secrétaire au consulat d’Izmir, en Turquie, son ambition naturelle et son désir d’action la poussent déjà à rêver d’une position lui offrant une plus grande marge de manœuvre que cet emploi subalterne : « Le nez sous les draps soyeux, elle laisse aller ses pensées : comme elle aimerait faire vraiment partie du corps diplomatique ! Non pas seulement comme petite secrétaire dans l’administration des Affaires étrangères, mais en tant que diplomate ; elle sent bien qu’elle en a les capacités, et pourtant il semble qu’on lui barre la route : ce monde essentiellement masculin répugne à introduire une femme dans ses rangs… » (p.20-21)

___Tandis que le continent européen, tel « un vieillard assis sur un baril de poudre et fumant le cigare » menace d’exploser, un tragique accident de chasse vient compromettre encore un peu plus ses espoirs de devenir un jour diplomate. Mais alors que son rêve semble lui échapper et que les obstacles s’accumulent sur sa route, Clara, loin de se laisser abattre, redouble d’efforts et apparaît plus déterminée que jamais, quitte à s’attirer en chemin les foudres de ses supérieurs qui jugent l’ambition de la jeune femme d’un très mauvais oeil.

___Se heurtant sans cesse à une hiérarchie peu encline à lui offrir des opportunités de carrière (malgré ses bons états de service), et devant l’absence de perspectives d’évolution de son emploi de secrétaire à l’ambassade, Clara n’hésite pas à démissionner de son poste pour retrouver sa liberté. Dénichant très vite un nouveau travail en tant que correspondante pour divers journaux américains, la dégradation de la situation politique la contraint finalement à quitter l’Estonie pour partir en destination de Londres. Mais sa volonté d’agir et de toujours se trouver au coeur des évènements la poussent pourtant à s’engager, par quelque moyen que ce soit. Ne pouvant intégrer l’Auxiliary Territorial Service en raison de sa nationalité américaine, Clara embarque pour la France où elle rejoint finalement la Croix-Rouge, comme ambulancière. Après la signature de l’Armistice, le 22 juin 1940 à Compiègne, la jeune femme, démobilisée, repart vers Londres où elle est engagée par la section française du SOE (les services secrets britanniques). Envoyée à Vichy en tant qu’agent de renseignement en zone libre, Clara est bientôt chargée de rentrer en contact avec les résistants et de constituer un réseau à Lyon.

Mon opinion

★★★★☆

___Librement inspiré de la vie de Virginia Hall, espionne américaine qui œuvra contre l’occupant allemand en France durant la Seconde Guerre Mondiale, « La Madone des maquis » relate le parcours atypique et absolument fascinant d’une dénommée Clara Harkness au sein de la Résistance.

___De la misère d’un Varsovie du début des années 30, subissant alors de plein fouet les revers de la crise, à la fin du régime de Vichy, l’écriture luxuriante et imagée de Sylvie Pouliquen nous entraîne dans un voyage palpitant à travers le temps et l’espace. Nous faisant vivre, mois après mois, la dégradation du contexte géopolitique puis l’évolution même du conflit, la romancière nous propulse au coeur des évènements de la Seconde Guerre Mondiale, et aux côtés des principaux acteurs de la Résistance. Si le parti-pris d’une narration au présent peut sembler déroutant de prime abord, il s’impose pourtant rapidement comme un procédé de choix, permettant de propulser à chaque instant le lecteur au coeur de l’action, emporté par le tumulte de cette période trouble et charnière de l’Histoire.

___A travers le parcours mouvementé de son héroïne, Sylvie Pouliquen nous livre progressivement le portrait d’une femme au courage exceptionnel et à la ténacité exemplaire qui, au nom de la liberté et au péril de sa vie, n’hésitera pas à dédier une grande partie de son existence à son combat. Si l’on ne peut qu’admirer le courage et la force de caractère de l’héroïne, c’est avant tout sa remarquable humanité qui frappe le lecteur. Avec une sensibilité permanente et sans jamais sombrer dans une idéalisation béate ou une complaisance excessive, Sylvie Pouliquen étoffe, page après page, le portrait et la psychologie de son personnage, levant peu à peu le voile sur ses doutes, ses craintes et ses blessures. Trouvant ainsi le parfait équilibre entre héroïsme et authenticité, la romancière parvient à conserver de bout en bout une justesse de ton remarquable, tout en faisant de Clara Harkness un personnage parfaitement abouti, à la fois réaliste et complexe, auquel on s’attache instantanément.

___Mais au-delà du simple portrait de femme, c’est surtout celui, à la fois éclaté et éclectique, de la Résistance dans son ensemble et dans toute sa diversité qu’ébauche peu à peu l’auteure. Gérante d’une maison close, médecins, religieuses, paysans… autant de visages et de trajectoires variés qui composaient alors les différents réseaux clandestins. A travers l’incessant chassé-croisé de ces personnages kaléidoscopiques, Sylvie Pouliquen nous donne ainsi l’occasion de découvrir les multiples facettes et les différents acteurs qui œuvrèrent alors contre l’occupation.

___Avec un talent de conteuse hors pair, la romancière déroule une intrigue palpitante et sans temps mort, qui nous tient en haleine jusqu’au bout. Passé un premier tiers plus contemplatif que réellement tourné vers l’action, Sylvie Pouliquen impulse ensuite à son récit un rythme d’une redoutable efficacité, et nous fait plonger au coeur de l’organisation de ces mouvements clandestins dont elle nous livre les secrets : la vie au rythme des messages codés, la peur perpétuelle d’un traître au sein du groupe, les coups de filets successifs qui mettent en danger le réseau, les petites victoires, la camaraderie, la peur, l’espoir… L’auteure met par ailleurs en évidence les rivalités, les conflits internes, les relations houleuses entre certains membres, les désaccords sur les stratégies à adopter, ou encore les difficultés rencontrées pour unir les différents mouvements de la résistance.

___C’est finalement avec beaucoup d’émotion et une pointe de regrets que l’on quitte tous ces « héros ordinaires » auxquels la romancière rend ici un vibrant hommage. Bouleversant et intense, « La Madone des maquis » est un récit saisissant dont l’atmosphère pénétrante nous étreint encore longtemps une fois la lecture achevée.

___Nul besoin d’être un(e) féru(e) d’histoire ou de la Seconde Guerre Mondiale pour pleinement apprécier ce roman, aussi foisonnant que captivant. Alliant avec brio reconstitution historique et efficacité narrative, Sylvie Pouliquen nous offre une immersion passionnante au coeur de cette période sombre de l’Histoire. Au-delà du devoir de mémoire, que nous rappelle à juste titre son roman, l’auteure m’a ainsi donné envie d’en apprendre davantage sur ces hommes et ces femmes qui oeuvrèrent au sein de la Résistance.

___Avec « La Madone des maquis », Sylvie Pouliquen voulait rendre hommage « à toutes les femmes, françaises et étrangères francophiles, qui ont œuvré en France pour la résistance à l’occupant ». Ce récit, aussi bouleversant que passionnant, est assurément une des plus belles manières de les honorer.

Je remercie une nouvelle fois chaleureusement les éditions De Borée pour leur confiance !

4 réflexions sur “« La Madone des maquis » de Sylvie Pouliquen

  1. J’avoue qu’il m’intrigue ce roman même s’il ressemble un peu dans l’idée à ma précédente lecture (sur certains détails). Je le note et je note aussi Virginia HALL pour voir s’il n’y a pas de livres sur elle ! 😉

    • C’est vrai que les 2 résumés laissent apparaître de grosses similitudes (le contexte d’un conflit mondial, une héroïne infirme après un accident, les services secrets…) mais dans le roman de Sylvie Pouliquen, l’évolution du contexte historique est vraiment l’élément central et le fil conducteur du récit (il n’y a pas de romance à proprement parler (en tout cas, ce n’est jamais au premier plan, c’est vraiment un élément très secondaire)). Je ne connaissais pas du tout Virginia Hall avant de lire ce roman, mais je trouve que l’auteure a eu une idée incroyable de s’en inspirer (sa vie semble clairement digne d’un roman!). Comme toi, je suis moi aussi très curieuse de voir si d’autres ouvrages lui sont consacrés pour en apprendre davantage sur elle!

  2. Ce roman me tente beaucoup surtout que l’héroïne s’appelle comme ma deuxième nièce. J’aime beaucoup découvrir le parcours d’une héroïne confortée aux affres de la vie ! Je note le titre 😀

    • Voilà déjà de bonnes raisons de vouloir lire ce roman! :D. Et Clara est une héroïne très attachante: déterminée mais capable de faire des concessions quand la situation l’exige, courageuse mais qui sait aussi avoir conscience des risques (pas une tête brûlée totalement inconsciente, ni une tête à claques ^^).

Laisser un commentaire