« Herland » de Charlotte Perkins Gilman

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Quatrième de couverture

Quelque part sur notre planète, un peuple de femmes se reproduit par parthénogenèse depuis deux mille ans. Elles ont construit une société paisible et magnifique, écologique avant la lettre, fondée sur une conception rationnelle et chaleureuse de la maternité et de l’éducation. Trois Américains mâles, de tempéraments fort différents, débarquent dans cet univers improbable…

• Mon opinion

★★★★☆

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Charlotte Perkins Gilman

___Célèbre intellectuelle féministe du tournant du XIXème au XXème siècle, Charlotte Perkins Gilman est l’auteure d’une oeuvre prolixe composée de nombreux romans, nouvelles, poèmes, essais et articles, publiés entre 1888 et 1935. En 1909, elle lança seule son propre mensuel, baptisé The Forerunner, dans lequel parut pour la première fois en 1915 et sous la forme d’un feuilleton, son utopie la plus célèbre, Herland. Le texte n’est paru sous forme de livre qu’en 1979, au moment où l’œuvre de Gilman était redécouverte. Il est pour la première fois traduit cette année en français aux éditions Books.

 

___Trois jeunes américains comprenant un aventurier, un scientifique et un sociologue participent à une expédition qui va bouleverser leurs vies. Parmi eux, Terry Nicholson dit « Le Vieux Nick », Jeff Margrave et Vandyck Jennings. Le premier possède l’argent et le goût de l’exploration. Aviateur aguerri, il a de solides compétences en mécanique, en électricité, géographie et météorologie. Le second, Jeff, est un médecin ayant des connaissances en biologie et botanique. Quant à Van, observateur attentif et réaliste, il est le point d’équilibre du trio et le narrateur de leur périple. Au cours de leur progression, les trois compères ont écho d’une légende évoquant l’existence d’une étrange et terrible « Terre de Femmes ». Si la localisation de cet intrigant pays reste floue, les récits des autochtones à son sujet convergent sur un point : cette terre n’abrite pas un seul homme, étant uniquement peuplée par des femmes et des jeunes filles. Intrigués, les aventuriers décident de partir à la découverte de ce pays inconnu, en plein coeur de la nature amazonienne, et qui semble nourrir tant de fantasmes chez les tribus locales. Armés de leurs fusils, ils embarquent donc pour un voyage vers l’inconnu. L’impossibilité de savoir ce qui les attend sur place ne tarde pas à faire naître une infinité d’hypothèses concernant leur destination que Terry baptise bientôt « Herland ». Au cours de cet interminable voyage, chacun y va de ses spéculations, allant des projections les plus poétiques (pour Jeff) aux plus sulfureuses (pour Terry).

A leur grande surprise, ils découvrent sur place un pays parfaitement cultivé, dessiné comme un fabuleux jardin, peuplé exclusivement d’arbres fruitiers. Là, perchées sur un arbre gigantesque, trois silhouettes de femme apparaissent bientôt sous leurs yeux. Tels de succulents fruits accrochés à un arbre, elles se balancent, fixant avec curiosité depuis leurs perchoirs précaires les trois inconnus. Elles portent des cheveux courts, des vêtements « peu féminins » mais parfaitement adaptés au mouvement. Ce sont des créatures athlétiques, à la fois légères et puissantes, respirantes de santé et qui arborent des visages sereins mais déterminés. Malgré la barrière de la langue, les trois hommes parviennent à saisir les prénoms de ces indigènes : Celis, Alima et Ellador. Se lançant à leur poursuite, ils finissent par atteindre la ville avant de se retrouver encerclés par les habitantes : « Nous avions l’impression d’être des petits garçons, de tout petits garçons qu’on a surpris en train de faire des bêtises dans la maison de quelque belle inconnue ». (p.41) « Je ris aujourd’hui à la lumière de ce que j’ai appris depuis, à la pensée du trio que nous composions alors : trois garçons intrépides et irrévérencieux débarquant en terre inconnue sans stratégie aucune. Nous avions estimé que s’il y avait des hommes, nous pourrions les combattre, et que s’il n’y en avait pas, aucun obstacle ne se dresserait sur notre route. » (p.43). Mais face à cette foule compacte autour d’eux, les trois aventuriers se trouvent pris au piège : « il n’y avait rien d’autre à faire que d’avancer ou se battre ». (p.44) « Nous nous trouvâmes dans la situation des suffragettes essayant d’atteindre le Parlement malgré le triple cordon de la police londonienne. La solidité de ces femmes était ahurissante. […] Nous fûmes soulevés tels des enfants insupportables et transportés ainsi, nous débattant inutilement. On nous porta à l’intérieur. Nous nous défendions avec toute notre force d’homme, mais ces dames nous soumettaient bel et bien, en dépit de nos efforts. » (p.45). Après avoir été brièvement anesthésiés, les trois hommes comprennent qu’ils ne sont pas en situation de lutter. Désormais en « liberté surveillée », ils semblent se résigner à leur sort et commencent un long apprentissage avec leurs professeures particulières afin d’apprendre la langue du pays. Chaque jour, la liste de leurs questions s’allonge. A mesure que leur instruction progresse et que le temps passe, leurs différences de caractères s’affirment. Tandis que Jeff semble parfaitement s’acclimater au pays, Terry devient de plus en plus irritable, supportant de plus en plus mal cette vie en captivité. Fatigué de cette détention, il finit par persuader ses amis d’organiser un plan pour fuir et regagner leur avion. Mais leur entreprise tourne rapidement à l’échec. Après une escapade de quelques heures, ils sont vite rattrapés par les habitantes de Herland. « Se battre n’aurait servi à rien. Ces femmes étaient solides, moins en raison de leur force individuelle que de leur intelligence collective. » (p.72)

Contre toute attente, les femmes ne se formalisent pourtant pas de cet acte de révolte. Les fugitifs comprennent bientôt qu’ils sont en réalité considérés comme des invités du pays, des « sortes de pupilles ». « Nos premiers réflexes de violence les avaient obligées à nous séquestrer quelque temps, mais dès que nous aurions appris la langue et nous engagerions à ne commettre aucun mal, elles nous feraient les honneurs du pays ». (p.74) Dès lors, ils concentrent leurs efforts à mieux connaître leur nouvel habitat et les moeurs qui gouvernent cette « Terre des Femmes ».

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Couverture de l’édition américaine de Herland

___Depuis deux mille ans, Herland est un pays qui n’a pas eu d’hommes parmi ses habitants. Autrefois, « race bisexuelle », le pays connut une succession d’épisodes tragiques au cours de son histoire. La population, jadis polygame et esclavagiste, fut d’abord décimée par la guerre qui emporta de nombreux hommes, morts au combat. Par la suite, une éruption volcanique provoqua l’emmurement d’une partie des habitants. Parmi le peu d’hommes qui survécurent, les esclaves se révoltèrent dans le sang et, après avoir assassiné maîtres, petits garçons, femmes âgés et mères, ils prirent possession du pays et de ses jeunes survivantes. Au lieu de se soumettre, les femmes restantes se soulevèrent dans un geste désespéré et vinrent à bout de leurs brutaux conquérants. Passé le désespoir, elles décidèrent ensuite de se mettre au travail pour bâtir un pays et le rendre le plus viable possible. Durant des années, les femmes travaillèrent ensemble, solidaires et vaillantes. Jusqu’à ce que le miracle se produisit : l’une d’elle fut enceinte. Cette première naissance, perçue comme un don de Dieu, résonna comme un nouvel espoir au sein de la communauté. Par la suite, elle enfanta de quatre autres enfants, soit cinq filles au total qui héritèrent chacune de la faculté de donner à leur tour naissance à cinq filles : « Et c’est ainsi que naquit Herland et son peuple, composé d’une unique famille issue d’une seule et même mère, laquelle vécut jusqu’à cent ans et vit naître ses cent-vingt-cinq arrière-petites-filles. Elle fût la Reine-Prêtresse de chacune et mourut plus dignement et joyeusement qu’aucun autre être humain sur cette terre – c’est que, tout de même, elle avait engendré une nouvelle race. » (p.92)

___Premières victimes de leurs préjugés, les trois hommes ne peuvent d’abord pas imaginer que des femmes puissent ainsi vivre de façon autonome et en parfaite harmonie. Terry, la figure misogyne du groupe, a d’ailleurs la ferme conviction qu’ils vont finir tôt ou tard par se trouver nez à nez avec des hommes. Pour lui, « les hommes sont quelque part, c’est sûr », vivant cachés dans les montagnes d’où ils gèrent une sorte de matriarcat, gardant les femmes dans cette partie isolée du pays, au sein d’un vaste « harem national ». Car comment expliquer autrement la présence de bébés et de jeunes enfants au milieu de toutes ces femmes ?

Dans cette aventure, Terry incarne l’archétype de l’homme « viril » qui court après les filles (au sens propre comme au figuré) et enchaîne les conquêtes. Pour lui, les femmes sont par nature incapables d’organisation, passant leur temps à se battre et à se jalouser. Devant ce contre-exemple éclatant, son orgueil de mâle se trouve blessé : « La tradition voulant que les hommes soient des gardiens et des protecteurs n’avait plus cours ici. Ces vierges robustes n’avaient à craindre aucun mâle et, de ce fait, n’avaient pas besoin d’être protégées. Quant aux bêtes sauvages, il n’y en avait aucune dans ce pays préservé. Elles plaçaient au plus haut le pouvoir de l’amour maternel, cet instant que nous portons aux nues, mais aussi celui de l’amour sororal, que nous peinions à identifier alors qu’il était sous nos yeux. » (p.93) Ayant surmonté les difficultés originelles de leur civilisation, les femmes de Herland mènent en effet désormais une existence sereine dans un pays où régnait l’ordre, l’abondance, la santé et la tranquillité.

___D’abord assurés de leur supériorité (à la fois physique, intellectuelle et culturelle), les trois hommes reçoivent bientôt une grande leçon de modestie devant le fonctionnement impeccable de cette société débarrassée de violence, qui ne connait ni la guerre, ni la maladie, ni la souffrance. Jeff et Van apprécient de plus en plus les qualités de cet étrange pays, remarquablement civilisé et éclairé, aspirant toujours au progrès et à l’accroissement des connaissances. « Elles-mêmes étaient une unité, un groupe clairvoyant qui résonnait en terme de communauté. En tant que tel, leur rapport au temps n’était pas limité aux espoirs et aux ambitions d’une vie individuelle. Par conséquent, elles concevaient des stratégies de développement à très long terme, courant sur des siècles. » (p.121)

« Nous avions imaginé une société monotone et soumise, et nous avions admiré une inventivité et une audace supérieures aux nôtres, ainsi que des avancées scientifiques de même niveau. Nous avions imaginé la mesquinerie, et avions découvert une conscience sociale à côté de laquelle les chamailleries de nos pays semblaient infantiles et stériles. Nous avions imaginé la jalousie, et avions observé une profonde affection sororale, une intelligence éprise d’impartialité, dont nous n’avions pas l’équivalent. Nous avions imaginé l’hystérie et avions été accueillis par des esprits profonds auxquels la vulgarité était impossible à expliquer. » (p.124)

___Sans malice ni mauvaises intentions, l’esprit critique des habitantes de Herland et leur logique imparable pousse peu à peu le narrateur à reconsidérer ses certitudes. Lui, qui avait toujours était fier de son pays, se trouve troublé par ce mode de vie et cette société fonctionnant sur des principes si éloignés de ceux qu’il connait. « Au fur et à mesure que j’apprenais et admirais tout ce qu’avaient accompli ces dames, j’étais de moins en moins fier de ce que nous avions fait de notre virilité. Voyez-vous, elles n’avaient pas connu la guerre. Elles n’avaient adoubé ni rois, ni prêtres, ni engendré une aristocratie. Elles étaient soeurs et elles grandissaient ensemble, sans compétition, unies dans l’action. » (p.96) L’entente harmonieuse entre ces femmes, caractéristique la plus prégnante de la culture des Herlandaises, est perçue comme contre-nature par Terry. Sa première tentative d’approche, où il tente de les séduire avec des bijoux, connaît un échec cuisant. Avec son esprit de conquête, il est pourtant convaincu de réussir à se faire aimer de l’une d’elle comme un maître et de parvenir à établir sa suprématie. Sa volonté obstinée de réaffirmer sa virilité le poussera à commettre l’irréparable.

*___*___*

___Sous des allures au départ de simple fiction, Herland bascule rapidement dans le registre de l’utopie. Dans celle-ci, Gilman imagine un monde dans lequel le féminin est l’unique et peut se passer du masculin grâce à la parthénogenèse. Présenté comme un pays propre, dépourvu de violence, libéré des conflits, de la peur et de la maladie, Herland offre à Gilman le cadre parfait pour développer ses réflexions d’une société idéale. Dans ce lieu à la beauté ordonnée, les normes reconnues sur ce que sont le « masculin » et le « féminin » n’existent pas. Découpé en douze chapitres, ce texte percutant permet à son auteure d’exposer ses théories concernant la maternité, l’éducation des enfants, et les rapports entre hommes et femmes.

___En mettant en exergue les incohérences de la société patriarcale, Gilman questionne les rapports et les interactions entre hommes et femmes. Face aux trois explorateurs, les herlandaises se montrent particulièrement enthousiastes à l’idée de pouvoir comparer leurs deux mille ans d’histoire et d’étudier les différences entre leur propre peuple composé exclusivement de femmes et la société mixte de leurs hôtes. « Ce n’était pas une simple curiosité – elles n’étaient pas plus curieuses envers nous que nous envers elles. Mais elles mettaient beaucoup d’application à comprendre notre civilisation. Avec leurs innombrables questionnements, elles parvenaient même à nous piéger et nous faire admettre, à contrecoeur, certaines vérités. » (p.83) Car à travers leurs questions a priori naïves, elles parviennent bientôt à ébranler sérieusement les croyances les plus solides du narrateur quant aux fondements et au bien fondé des valeurs de la société des hommes. Au cours de leurs échanges, Van et son hôtesse confrontent leurs visions sur de multiples sujets, tels la religion, la mort, le travail, les traditions… En soumettant sa pensée patriarcale à un angle de vue externe et dépourvu de préjugés, le jeune homme remet bientôt en question les fonctionnements et les principes communément admis d’un système qu’il n’avait jusqu’alors jamais remis en cause. Issues de deux mille ans de civilisation sans hommes, les concepts de séduction, de mariage, ou encore de foyer sont des notions inconnues pour ces femmes. « Et nous étions là, parmi les femmes de Herland, pétris des idées, des convictions et des traditions de notre culture, à tenter d’éveiller chez elles une manière de voir les choses qui n’était que la nôtre » (p.145) « Nous autres les hommes parlons volontiers des femmes – la plupart d’entre elles – comme d’êtres limités. Nous honorons leurs pouvoirs fonctionnels, ceux de la reproduction, même si nous les déshonorons en nous en servant ; nous respectons leurs vertus, mais démontrons par nos actes que nous n’en faisons aucun cas. Nous les admirons sincèrement car une fois mères, elles deviennent nos domestiques, financièrement dépendantes de nous, réduites à notre service une fois leurs devoirs maternels exécutés. Oh oui, nous les admirons. Mais à leur place, c’est-à-dire à la maison, où elles remplissent ces devoirs si bien décrits par Mrs. Josephine Dodge Daskam Bacon, qui détaille les services d’une « maîtresse de maison ». (p.200)

___A Herland, la maternité constitue l’institution fondamentale de la société, sous une conception qui transcende les liens biologiques. Les enfants sont la raison d’être du pays, et les femmes mettent toute leur énergie au service de leur avenir. Elles concentrent toutes leurs forces et leur intelligence à concevoir des plans pour atteindre leurs idéaux en matière d’éducation. Leur projet se résume en une question: comment oeuvrer à rendre chacun meilleure ? « – Ici, nous ancrons la maternité dans la sororité originelle et le désir profond d’évoluer […]. Ici, les enfants sont notre unique préoccupation et l’objet de toutes nos pensées. Chaque pas, chaque avancée est examinée en fonction des conséquences que cela aura sur eux et sur la race. » (p.105) « A Herland, […] les femmes travaillaient ensemble au plus grand des projets : créer des personnes. » (p.108) Historiquement, c’est dans l’intérêt de leurs enfants qu’elles développèrent plusieurs secteurs d’activités et organisèrent l’espace. Confrontées à une démographie galopante, elles durent cependant bientôt trouver une solution au problème de surpopulation qui aurait eu pour conséquence une baisse de la qualité de la vie. Refusant la compétition et la « lutte pour la vie » tout autant que le colonialisme, elles décidèrent de réguler leurs naissances et de ne plus se reproduire, sacrifiant leur maternité pour leur pays. Car pour les habitantes de Herland, l’amour maternel irradie de bien des façons, et les femmes qui n’ont pas d’enfant peuvent trouver un réconfort en prenant soin de ceux qui sont déjà là : « Quand une femme choisissait d’être mère, elle laissait le désir d’enfant grandir en elle jusqu’à ce que le miracle naturel se produisit. Quand elle ne le voulait pas, elle chassait l’idée et dispensait son amour à d’autres bébés. » (p.111).

Si à Herland, la maternité, entendue comme le fait de porter un enfant, est accessible à chacune, l’éducation de l’enfant est en revanche un art réservé seulement aux plus compétentes*. Dans cet esprit, le soin aux bébés, qui participe de l’éducation, est donc confié aux « plus capables ». « Le fait d’élever un enfant, chez nous, est devenu un sujet tellement étudié, élaboré avec tant de subtilité et de compétence, que plus nous aimons nos enfants, moins nous voulons les mettre entre des mains incompétentes, même si ce sont les nôtres. » (p.126)

___Puisant dans le mythe des Amazones, Gilman charpente une utopie passionnante dans laquelle les rapports de force se trouvent inversés, au service d’un discours féministe et engagé. Dans Herland, Gilman imagine une société sans hommes dans laquelle les femmes se reproduisent par parthénogenèse. Plus que d’imaginer un mode de reproduction alternatif permettant aux femmes de se passer totalement des hommes, Gilman créée dans son livre une société où la sexualité est totalement absente.

___Avec l’arrivée de ces voyageurs, les habitantes voient l’occasion de rétablir la bisexualité à Herland. Après plusieurs mois passés à les étudier, les observer et les évaluer, elles envisagent la réintroduction des hommes et d’une reproduction sexuée normale. Mais pour les Herlandaises, l’acte sexuel reste indissociable d’une volonté de procréation. « Elles avaient cette longue expérience, riche et profonde, de la maternité, et leur seule échelle d’évaluation d’un mâle se basait sur son pouvoir d’engendrer. » (p.179) « Dans leur esprit, le seul principe de vie était la maternité, et toute contribution de l’homme ne pouvait tendre qu’à cette même finalité- quoiqu’avec des méthodes différentes. Mais elles ne pouvaient comprendre, même en s’y efforçant, la psychologie du mâle, dont les désirs tendent à minorer la paternité pour ne rechercher que « les plaisirs de l’amour ». (p.196).

Le mariage des trois explorateurs à trois des habitantes permet à l’auteure de développer ses opinions concernant cette institution et d’affirmer son point de vue concernant la nécessité de discipliner l’instinct sexuel. Ancrée dans la morale victorienne, Gilman expose une vision de la sexualité uniquement procréatrice. Après avoir tenté de violer son épouse, Alima, Terry est finalement chassé de Herland. En voulant prendre par la force la jeune femme qui se refusait à lui dans la mesure où son but n’était pas la reproduction, Terry a commis la transgression ultime des règles régissant la société herlandaise. Son acte symbolise au demeurant la concrétisation de ses intentions prédatrices (latentes depuis le début du récit) et de sa volonté de domination qui caractérisent son personnage phallocrate.

___Selon Gilman, la féminité exacerbée et l’hypersexualisation des femmes du XXème siècle ne s’explique pas par la nature ou des causes biologiques mais par l’environnement économique, social et culturel dans lequel elles vivent. Parce qu’elles sont économiquement dépendantes des hommes, les femmes doivent sur-développer leurs caractéristiques féminines au dépens d’autres caractéristiques universelles. Van, le narrateur, prend progressivement conscience que sa vision de la place de la femme n’est en réalité qu’une construction culturelle : « Je pris conscience alors que ces « charmes féminins » qui nous fascinent tant ne sont pas féminins par essence, mais que ce sont des projections masculines, qu’elles ont cultivées pour nous plaire, parce qu’il fallait nous plaire, mais en aucun cas nécessaires à la réalisation de leur grand dessein. » (p.95)

___Herland est donc un texte qui vaut surtout pour ses thèses avant-gardistes au regard de l’époque où il fut rédigé. Gilman y avance des réflexions novatrices pour son temps sur certaines questions, telles que le rapport à la nature, la féminité, l’éducation des enfants (où elle prône le recours à des méthodes pédagogiques alternatives et innovantes pour l’époque, à l’instar de la méthode Montessori) et l’éloge du partage des connaissances. « Leur éthique, fondée sur une riche conception de l’évolution, était axée sur le perfectionnement d’une culture empreinte de sagesse. La théorie sur le bien et le mal n’avait pas lieu d’être ici. Le bonheur était de grandir et de travailler. Nous découvrions que la pression de l’environnement développe chez l’être humain son inventivité et que des enfants élevés dans un cadre épanouissant et prospère sont capables de modeler et d’améliorer encore davantage cet environnement. » (p.153) Elle oppose en particulier l’esprit de compétition (la société américaine) à celui de coopération (Herland), qui constitue selon elle la clé de l’évolution humaine et du progrès.

Si certaines réflexions lancées par l’auteure apparaissent incroyablement visionnaires pour son époque, d’autres au contraire, témoignent aujourd’hui d’un regard éculé et d’une conception datée à l’égard de certains sujets. Dans sa vision de la différence des sexes, Gilman semble opposer de façon binaire une énergie masculine violente et portée à la destruction à une énergie féminine maternelle et conservatrice. En filigrane de sa démonstration se dessine par ailleurs une société où les individualités sont sacrifiées au nom du bien collectif : « Toute compétence acquise est une offrande à la prospérité du pays » (p.151). La maternité constitue pour ces femmes le seul engagement personnel, tout le reste s’inscrivant dans un projet commun. A Herland, tout est fait au service du pays et de l’amélioration de la « race ». Impossible aujourd’hui de ne pas tiquer devant cet éloge d’un certain eugénisme, ni d’occulter les sous-entendus racistes qui ponctuent l’oeuvre. Bien que marquée par son temps par certains aspects, Herland, n’en reste pas moins, cent ans après sa rédaction, une oeuvre globalement étonnamment moderne, qui force l’admiration et mérite qu’on s’y intéresse. Considéré comme un roman culte, il occupe par ailleurs une place centrale dans la littérature féministe américaine.

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___Première partie de sa construction utopique, Herland sera suivi en 1916 de la publication de With Her in Ourland, suite bien moins connue, dans laquelle l’auteure délivre pourtant certaines clés de compréhension de son oeuvre et de sa pensée, étoffant encore davantage sa réflexion. Espérons donc qu’une traduction française de ce second volet arrive prochainement, afin de permettre aux lecteurs francophones de découvrir encore un peu plus la production d’une auteure injustement tombée dans l’oubli.

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* A cet égard, il est intéressant de mettre en perspective ses réflexions sur la maternité, développés dans Herland, avec son autre ouvrage La séquestrée, publié en 1892, et dans lequel elle évoque la dépression post-partum dont elle a elle-même souffert. La chronique détaillée de cet ouvrage est disponible sur le blog.

 

« Mystic City » de Theo Lawrence

 

 

 

 

 

 

Résumé

Aria Rose, la plus jeune héritière d’une des deux plus puissantes familles rivales de Mystic City, se retrouve promise à Thomas Foster, le fils des pires ennemis de ses parents. Leur union est sensée mettre fin à des décennies de vendetta politique, et réunir les habitants des Aeries, la classe dominante de la ville, contre les Mystiques bannis qui errent et fomentent dans ses bas-fonds.

Mais Aria ne se souvient pas être tombée amoureuse de Thomas ; de fait : elle se réveille un matin avec de grandes zones d’ombres dans sa mémoire. Et elle ne parvient pas à comprendre pourquoi ses parents auraient accepté de s’unir aux Foster en premier lieu. Quand Aria rencontre Hunter, un rebelle et séduisant Mystique des bas-fonds, elle commence à retrouver des bribes de souvenirs, et comprend qu’il détient la clé de son passé.

Les choix qu’elle sera amenée à faire sauveront ou condamneront la ville – et sa propre existence.

Mon opinion

★★

___Premier tome d’une trilogie dystopique, « Mystic city » nous propulse dans un Manhattan futuriste, sévèrement affecté par le réchauffement climatique.

___La couche la plus aisée de la population vit dans les Hauteurs, un large réseau de gratte-ciels interconnectés par des passerelles et des lignes de photorail, devenu leur principal moyen de transport. Les plus pauvres quant à eux occupent les Bas-fonds de la ville, côtoyant la touffeur, l’insalubrité et la misère. Outre la classe populaire, cette partie de Manhattan abrite également les Mystiques, des êtres humains dotés d’une énergie puissante qui leur confère des pouvoirs particuliers. Autrefois, les Mystiques étaient des gens respectés qui, grâce à leurs pouvoirs, contribuèrent largement à la transformation de la ville. Après la Conflagration de la fête des Mères (un attentat imputé aux Mystique qui fit de nombreuses victimes), la ville a parqué l’ensemble de cette tranche de la population dans le Bloc et a commencé à drainer régulièrement leurs pouvoirs afin de les rendre inoffensifs. Certains Mystiques « rebelles » refusèrent de se déclarer auprès des autorités pour passer au drainage et se cachent depuis dans les souterrains de la ville.

___Gangrénée par les inégalités entre les classes et les rivalités de clan, la paix sociale apparente semble plus fragile que jamais. Car au sein même des Hauteurs, une guerre politique fait rage et divise la population depuis plusieurs années.Les Rose et les Foster furent ainsi des rivaux politiques durant de nombreuses générations. Pourtant, l’approche des élections municipales va remettre en question toutes ces rivalités et bouleverser l’échiquier politique. En effet, le mandat du maire actuel de la ville arrive à son terme et pour la première fois depuis la Conflagration, il y a trois candidats à la mairie, parmi lesquels Violet Brooks, qualifiée de Mystique radicale. Face à la « menace mystique », les clans des Rose et des Foster ont ainsi décidé d’enterrer la hache de guerre afin d’unir leurs forces. Dans ce contexte, l’union d’Aria Rose et de Thomas Foster arrive à point nommé pour marquer cette réconciliation et tirer le trait sur des décennies de confrontation. Un plan apparemment parfaitement orchestré mais qui ne va pourtant pas se dérouler comme prévu. Après une overdose de Stic (une drogue à base d’énergie mystique distillée) qui a failli lui coûter la vie, Aria a en effet perdu une partie de la mémoire. La jeune fille n’a aucun souvenir de la période précédent cet « incident » et alors qu’elle tente désespérément de retracer le fil de ses souvenirs, l’adolescente va faire des découvertes qui vont être lourdes de conséquence.

___Présenté comme un roman jeunesse dystopique s’inspirant de « Roméo et Juliette », « Mystic city » nous propulse dans un Manhattan futuriste et métamorphosé par le réchauffement climatique. L’élévation du niveau de la mer a plongé le sous-sol de la ville sous les eaux, et la tranche la plus aisée de la population vit littéralement « suspendue » au-dessus des plus pauvres et des Mystiques qui peuplent les Bas-fonds. Les progrès scientifiques et technologiques se heurtent à une société rongée par les inégalités et la corruption. Afin de préserver leurs intérêts personnels et d’assouvir leurs desseins politiques, les Foster et les Rose ne reculent devant rien. En fin calculateurs sans scrupules, ils n’hésitent pas à manipuler leurs propres enfants pour arriver à leurs fins.

___C’est dans ce contexte qu’Aria se retrouve ainsi malgré elle, victime des agissements d’un père machiavélique et aveuglé par ses ambitions politiques.Manipulations, règlements de compte, trahisons s’enchaînent au décours de ce récit sans temps mort dans lequel l’auteur n’épargne aucun de ses personnages. Au-delà de la violence physique, c’est bien la cruauté de la terrible machination qui se dessine peu à peu et enserre Aria dans ses filets qui frappe le lecteur.

___Luttant avec elle-même pour retrouver la mémoire, la jeune fille enchaîne les découvertes troublantes. Douloureusement, sa conscience s’éveille sur les véritables intentions des gens qui l’entourent et les évènements passés. Et il faudra beaucoup de sang-froid et de courage à Aria pour faire face à la vérité et entreprendre les bons choix dans ce jeu perpétuel de manigances et de faux-semblants.

___Si j’ai parfois pu lire que certains lecteurs déploraient l’aveuglément d’Aria, j’ai au contraire trouvé qu’elle se révélait être une héroïne relativement perspicace au vu des évènements qu’elle traversait. S’il est effectivement facile pour le lecteur de formuler rapidement quelques soupçons et de deviner ou d’anticiper certaines révélations de l’intrigue, j’aurais trouvé peu crédible qu’Aria découvre les choses aussi rapidement qu’un observateur externe. Et c’est d’ailleurs bien le réalisme de ses réactions et sa sincérité qui font d’Aria un personnage attachant, apte à susciter l’empathie du lecteur.

___S’il ne m’a fallu que quelques chapitres pour mettre à jour les intentions de l’auteur et deviner les tenants et aboutissants de toute l’intrigue, la prévisibilité n’est malheureusement pas le seul écueil de cette histoire qui pâtit en outre de certaines incohérences et d’éléments peu crédibles dans son déroulement.

___Pourtant, en dépit de ces multiples faiblesses, ce ne sont ni les faux pas de l’intrigue ni les maladresses dans sa construction que je retiens de ce premier tome, mais bel et bien le potentiel considérable de l’univers bâti par l’auteur et les multiples touches d’ingéniosité qui émaillent l’intrigue. L’univers ébauché par Theo Lawrence est séduisant et plein de potentiel et je regrette sincèrement que l’auteur n’ait pas davantage pris le temps de le développer, préférant consacrer le peu de description à la musculature des personnages masculins ou à la manière dont cette dernière est mise en valeur par leurs vêtements moulants. Autant de descriptions aussi inutiles que répétitives qui me firent lever les yeux au ciel à de multiples reprises.

___Ainsi, si l’ensemble manque pour l’heure de profondeur, le premier tome de cette nouvelle saga dystopique laisse néanmoins entrevoir les contours d’un univers fertile et d’une intrigue prometteuse. Reste à savoir si le second tome parviendra à combler mes attentes… quoi qu’il en soit, je serai au rendez-vous !

Merci à Babelio et aux éditions Pocket Jeunesse pour l’envoi de ce roman dans le cadre de l’opération Masse critique ! 🙂

« Un monde idéal où c’est la fin » de J. Heska

 

 

 

 

 

 

Résumé

Bienvenue dans un monde idéal !

Un monde idéal où la civilisation telle que nous la connaissons n’existe plus. Dérèglement du temps ? Avènement de la magie ? Crise climatique irréversible ? Épidémie mondiale de mort subite ? Extra-terrestres maladroits ? Invasion de poireaux découpeurs de cervelles ? Crise de déprime globale ? Robots hors de contrôle ? Zombies entreprenants ?
Découvrez 100 histoires drôles, émouvantes, tragiques ou absurdes qui mènent à notre perte !

Mais c’est quoi Un monde idéal ? C’est une collection de livres reposant sur un concept tout simple qui a fait le succès du site Internet http://www.jheska.fr : des textes courts et percutants relatant des histoires basées sur des « et si » ?

Un livre parfait pour un petit moment de détente égoïste, dans le bus, à la pause déjeuner, le soir avant de se coucher ou à la plage !

Mon opinion

★★

___Depuis quelques temps déjà, je vois beaucoup tourner le nom de J. Heska sur la toile et les chroniques sur ses livres fleurir sur les blogs littéraires. Autant d’éléments qui n‘ont pas manqué de piquer ma curiosité ! Aussi, lorsque j’ai été contactée par sa responsable de communication afin de me proposer de recevoir « Un monde idéal où c’est la fin » en version numérique, je n’ai pas hésité une seconde !

Et le verdict est sans appel : dévoré en un rien de temps, voilà un livre qui aura véritablement égayé mes trajets en métro !

___Pourtant, de prime abord, le pari était loin d’être gagné ! car dans son livre, J. Heska fait se rencontrer deux genres que je n’affectionne pas particulièrement, à savoir la science-fiction et la nouvelle. C’était sans compter sur les qualités narratives de l’auteur qui parvient en quelques lignes seulement à planter le décor ainsi que les bases d’une véritable petite intrigue, entraînant à chaque fois le lecteur dans ses divagations les plus folles ! Quel que soit l’environnement choisi ou le scénario imaginé, et en dépit de la concision des textes qui s’enchaînent, le lecteur ne se sent jamais dépaysé, se laissant à coup sûr emporté à chaque fois par l’imagination fertile de l’auteur.

Il faut dire que d’une efficacité redoutable, la plume de J. Heska concilie avec brio concision et pertinence du propos. Succinct sur la forme, les textes sont en revanche riches sur le fond, que ce soit en terme de références (aussi bien cinématographiques, qu’historiques voire faisant écho à des faits d’actualité) qu’en matière d’originalité. L’auteur fait en effet preuve d’une imagination foisonnante qui force le respect.

J. Heska cultive en outre la diversité aussi bien dans les thématiques explorées que dans les registres employés. Tantôt drôles, fatalistes, sarcastiques… quel que soit le ton adopté, la mécanique fonctionne parfaitement et les chutes (souvent excellentes !) imaginées par l’auteur sont aussi inattendues que parfaitement amenées. Si certaines nouvelles se démarquent (immanquablement) davantage que d’autres, je dois avouer que sur l’ensemble des textes proposés, peu nombreux sont ceux à m’avoir laissée totalement indifférente.

___Par ailleurs, si certaines nouvelles ne semblent avoir d’autres prétentions que celle d’être simplement loufoques, d’autres en revanche paraissent nourrir des desseins plus profonds, poussant le lecteur dans ses retranchements. De manière volontaire ou non, certaines thématiques reviennent à plusieurs reprises. Et sans vouloir verser dans l’analyse de comptoir ni prétendre attribuer à Heska des ambitions qu’il n’avait peut-être pas lors de la rédaction de ce recueil, force est de constater qu’en plus de m’avoir offert un excellent moment de divertissement, certains textes m’ont parfois même interpellée.

Dans ces moments-là, le sourire laisserait presque place au malaise. Sous le vernis de l’humour (parfois grinçant) semble alors transparaître une réflexion plus profonde sur la nature humaine. Et le portrait qui en ressort est, disons-le, plutôt accablant.

___Ainsi, sous le prétexte de divertir son lecteur, on peut donc parfois se demander si l’auteur ne l’invite finalement pas à s’interroger. A travers le prisme de ces scénarii apocalyptiques, Heska nous positionne en tant qu’observateurs d’un monde qui, vu sous cet angle et avec ce recul, apparaît comme totalement détraqué, mais auquel les protagonistes principaux semblent s’être accoutumés…

___Finalement, le seul « reproche » que je pourrais éventuellement faire serait que si globalement, J. Heska nous propose des textes d’une grande diversité, à mesure qu’on progresse dans la lecture, des ressemblances commencent inévitablement à se faire sentir entre certains d’entre eux. On pourra donc regretter une impression de déjà-lu à certains moments, mais pas de quoi gâcher ostensiblement un très bon moment de lecture par ailleurs.

Avec « Un monde idéal ou c’est la fin », J. Heska signe un recueil de nouvelles (très) réussi sous le signe de l’humour (au 3ième degré) et de l’absurde. Faisant preuve d’une imagination foisonnante qui force l’admiration, doublée d’un cynisme exquis, l’auteur nous offre une multitude de nouvelles se déclinant dans une grande diversité de registres et de tonalités.

Mais au-delà de l’exercice de style parfaitement maîtrisé, « Un monde idéal où c’est la fin », à travers certaines des nouvelles proposées et des thématiques explorées, est surtout une véritable incitation à la réflexion sur le monde qui nous entoure. Armé de sa plume acéré ainsi que d’un cynisme grinçant, J. Heska pointe à diverses reprises certaines dérives de la société, nous invitant finalement, sous le voile de l’humour et avec intelligence à nous remettre en question.

Un petit bijou d’originalité et d’humour à dévorer n’importe où et surtout sans modération.

Je remercie chaleureusement l’auteur ainsi que les Editions Seconde Chance pour m’avoir envoyé ce livre en version numérique !

« Confessions d’un automate mangeur d’opium » de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit

 

 

 

 

 

 

Résumé

___Paris, 1889. Un monde en transition, où les fiacres côtoient les tours vertigineuses des usines. Une ville brumeuse envahie par les aéroscaphes, d’étranges machines volantes qui quadrillent le ciel, et des nuées d’automates cuivrés… C’est dans cet univers révolutionné par l’éther, la substance verte aux propriétés miraculeuses, que la comédienne Margaret Saunders doit résoudre le mystère de la mort de sa meilleure amie, tombée d’un aérocar en plein vol. Sur la piste d’un créateur de robots dément, Margo, secondée par Théo, médecin dans un asile d’aliénés, va découvrir au péril de sa vie les dangers cachés de l’envoûtante vapeur.

 

Mon opinion

★★★☆☆

J’étais très enthousiaste à l’idée de cette lecture et je dois dire que les premiers chapitres semblaient prometteurs. Si je mets de côté le prologue qui est, disons-le clairement, insipide tellement il est incompréhensible (en tout cas, avant d’avoir bien avancé dans l’intrigue), j’admets volontiers que les premières pages m’ont plutôt emballée. J’ai tout de suite accroché au style qui nous transporte sans peine dans un Paris à la sauce Steampunk où je me suis rapidement sentie comme un poisson dans l’eau ! Mais passé l’enthousiasme de découvrir cet univers et de faire connaissance avec les personnages, j’ai finis par me demander où voulaient vraiment en venir les auteurs.

___Car l’intérêt de « Confessions d’un automate mangeur d’opium » ne réside clairement pas dans la résolution du mystère entourant la mort d’Aurélie puisque le lecteur connaît assez vite le coupable et qu’il n’y a pas de véritable suspense autour de cette « révélation ». Faute d’éveiller l’intérêt du lecteur à ce niveau-là, je m’attendais donc à découvrir que ce meurtre, loin d’être le sujet central du roman, n’était finalement qu’un prétexte en vue de nous conduire au cœur d’une machination beaucoup plus complexe. Mais s’il est vrai que les auteurs lancent des pistes intéressantes tout au long du livre, ces dernières ne sont finalement jamais véritablement exploitées, aboutissant à terme à une intrigue qui manque globalement de profondeur.

___En effet, durant toute la lecture, j’ai attendu LA révélation qui ferait basculer l’histoire. Et lorsque les auteurs semblent donner à cette dernière une tournure intéressante en lui faisant notamment prendre une dimension politique, c’est pour finalement ne lui donner aucune suite !

[SPOILER !] Surlignez le texte pour lire ! On découvre ainsi au cours des derniers chapitres que les recherches concernant l’éther constitue un véritable enjeu politique, à tel point que les Etats se livrent une véritable bataille dans le domaine. Différentes nations de la planète voudraient ainsi tirer profit des possibilités offertes par cette substance pour en faire une arme et certaines des recherches entreprises visent notamment à utiliser ce fluide en vue de bâtir de véritables armées d’automates invincibles (rien de moins !). Autant dire que ces révélations font figure de bombe qui donnent une toute nouvelle dimension à l’intrigue et qui laisse entrevoir une suite captivante… ou pas. Car après cette scène, Théo et Margo repartent comme si de rien était à la chasse à l’automate jusqu’à la fin du récit et dès lors, il n’est plus jamais question d’enjeu mondial. Autant dire qu’il y a de quoi se sentir flouée… [SPOILER !]

___On ne peut pourtant pas dire que l’histoire manque réellement d’action. Les évènements s’enchaînent, les découvertes aussi, suscitant sans cesse l’émergence de nouvelles questions qui nous poussent à toujours vouloir en savoir plus. Et c’est bien là que le bât blesse. Car si les auteurs parviennent à piquer notre curiosité, on a le sentiment de ne jamais avoir de véritables réponses à nos interrogations. De quoi nous laisser frustrés !

___On n’a par exemple aucune explication concernant la nature de l’éther, ni de la façon dont le produit interagit avec le cerveau. Dans un univers et une intrigue où il tient pourtant un rôle capital, l’éther nous est simplement décrit comme une substance mystérieuse, dont on sait peu de choses mais au pouvoir apparemment incroyable. Un postulat dont le lecteur doit se contenter mais qui a mon goût est un peu trop léger (et trop facile) pour bâtir une intrigue solide. Et alors qu’on pourrait s’attendre à ce que le personnage de Théo (un aliéniste spécialisé dans les recherches sur l’éther) nous permettent de mieux appréhender cette substance si intrigante, on a l’impression qu’en dehors de constater certains phénomènes, il est incapable de les expliquer.

___Durant toute ma lecture j’ai ainsi attendu des réponses à mes questions, en vain. J’ai terminé le livre avec un tel sentiment de frustration que j’en suis venue à me demander si je n’étais pas passée à côté de certaines explications. Mais même après avoir relu certains passages, force est de constater que je reste avec un sentiment d’inachevé, l’impression que l’intrigue n’était finalement pas maîtrisée de bout en bout tellement il subsiste des zones d’ombre.

___Je reconnais pourtant que les auteurs ne manquent pas d’imagination et l’histoire avait un vrai potentiel. On peut même dire que le roman foisonne de bonnes idées mais qu’il n’y a pas de véritable fil conducteur qui parvienne à relier l’ensemble de façon cohérente pour former une intrigue vraiment percutante. J’ai trouvé les explications amenées de façon maladroite, confuses et surtout incomplètes. Et cette construction malhabile donne l’impression d’une intrigue un peu bancale.

___Au niveau des personnages, j’ai trouvé qu’il y avait de véritables caricatures, notamment celui de Lazare qui m’a fait lever les yeux au ciel à plusieurs reprises. En sa présence, certains passages censés pourtant constituer des moments forts de l’intrigue tournent véritablement au ridicule. Je pense par exemple au moment où, expliquant les raisons qui l’ont poussé à construire des automates, Lazare en vient à évoquer son enfance malheureuse au cours d’une scène qui tourne au pathétique ! Son monologue est alors digne d’un véritable cartoon où le « grand méchant de l’histoire » justifie ses plans machiavéliques par une enfance douloureuse. Et ce n’est pas la seule scène à être peu crédible. Dans le lot des situationsinvraisemblables, on peut également citer la scène finale que j’ai trouvée assez grotesque. Alors peut-être est-ce un parti-pris des auteurs mais j’avoue que ça me paraît plutôt en décalage avec le ton général du livre qui ne m’a pas paru si humoristique que ça.

___Car si certaines scènes ou certains personnages tombent dans la caricature, j’ai trouvé les deux protagonistes principaux fades en comparaison. Ainsi, si j’ai bien apprécié le couple formé par Margo et Théo, je regrette néanmoins que les auteurs n’aient pas davantage forcé le trait les concernant. Ces deux frère et soeur, enquêteurs improvisés, et aux caractères totalement à l’opposé l’un de l’autre, auraient pu facilement donner lieu à des dialogues plus drôles ou des scènes plus rocambolesque. Pourtant, en dépit de certaines répliques qui prêtent peut-être à sourire, leur relation n’apparaît pas si détonante que ça, ce qui confère au récit un réel décalage dans le style qui semble osciller entre humoristique et sérieux.

_Si j’ai globalement apprécié ma lecture, je regrette donc que les auteurs n’aient pas employé un ton suffisamment vif pour faire de « Confessions d’un automate mangeur d’opium » un roman drôle et décalé, ou qu’ils n’aient pas davantage approfondi leur intrigue pour en faire un « policier version Steampunk » de plus grande qualité. Au final, le récit se situe entre les deux sans vraiment parvenir à se démarquer dans un sens ou dans un autre et donc sans réellement me convaincre. J’ai l’impression d’avoir lu une histoire sympathique, agréable mais pas aboutie. Les personnages sont attachants mais assez fades (en dehors de ceux qui tombent dans la caricature) et l’intrigue manque de profondeur. De même, il est dommage que les auteurs n’aient pas plus poussé leur réflexion quant aux thèmes évoqués (progrès de la science, immortalité…), ce qui aurait alors pu relever le niveau d’une intrigue finalement pauvre en terme de suspense et de rebondissements.

En somme, un bon moment de lecture grâce à style agréable et un univers intéressant, mais qui ne me laissera pas non plus un souvenir impérissable. En dépit d’un résumé alléchant et de promesses tout au long du récit, « Confessions d’un automate mangeur d’opium » n’est pas parvenu à répondre totalement à mes attentes. Je ressors de ma lecture avec davantage de questions que de réponses et le sentiment que les auteurs ne sont finalement pas allés jusqu’au bout d’une intrigue pourtant très prometteuse.

En Bref

___On aime : Une idée de départ prometteuse et un style vraiment agréable qui nous transporte aisément dans un Paris version Steampunk plus vrai que nature. Les auteurs parviennent à piquer notre curiosité jusqu’au bout et l’intrigue comporte suffisamment d’action pour qu’on ait toujours envie de poursuivre notre lecture.

___On regrette : Trop de questions sans réponse et le sentiment que les auteurs ne sont pas allés jusqu’au bout de leur intrigue. Le récit oscille entre la caricature et le sérieux comme si les auteurs n’avaient pas réussi à faire un véritable choix dans le ton qu’ils voulaient lui donner.

« La Fille automate » de Paolo Bacigalupi

 

 

 

 

 

 

Mon résumé

Dans un monde post-apocalyptique, le réchauffement climatique a entraîné une élévation du niveau des océans, les réserves d’énergies fossiles sont presque épuisées et l’énergie est désormais stockée manuellement dans des ressorts. Les épidémies ont ravagé les cultures agricoles, et certains virus continuent à décimer les populations affamées.
__Désormais, les compagnies caloriques telles qu’AgriGen, PurCal ou SoyPro contrôlent les productions de nourriture à travers l’élaboration de semences transgéniques résistantes aux différentes maladies. Et afin d’accroître leurs profits, ils n’ont aucun scrupule, n’hésitant pas à créer des virus particulièrement virulent qui contaminent et détruisent les semences de leurs concurrents. De nombreux pays sont ainsi devenus directement dépendants de ces industriels, à une exception près… La Thaïlande, qui parvient tant bien que mal à garder un semblant d’indépendance grâce à une « arme » secrète : sa banque de semences résistantes aux différentes maladies ainsi qu’une politique hautement protectionniste avec un contrôle acharné de ses frontières. En effet, après l’ « expansion » qui fait référence à l’ère révolue de la mondialisation et du libre-échange, le monde a connu une phase de « contraction ». Les Etats se sont peu à peu repliés sur eux-mêmes dans l’espoir de protéger leurs dernières ressources et d’empêcher les pandémies de franchir leurs frontières, en vain.
__C’est donc dans ce contexte que la Thaïlande tire tant bien que mal son épingle du jeu et tente de résister à l’asservissement des compagnies caloriques. Le pays est gouverné par une espèce de Triumvirat composé du général Prachat (ministre de l’environnement), d’Akkarat, (ministre du commerce), et du protecteur de l’enfant reine. A travers l’affrontement de ces deux ministères (environnement et commerce), on comprend rapidement que ce sont en réalité deux conceptions du monde qui s’affrontent. Si le premier défend une politique protectionniste ayant pour objectif de contrôler autant que possible les frontières, le second argue qu’il est temps de s’ouvrir au monde, et de revenir vers une phase d’expansion.
__Sur ce fond de conflit politique et d’apocalypse, évoluent les différents protagonistes d’une intrigue riche. Parmi les principaux, il y a d’abord Anderson, officiellement dirigeant d’une entreprise créant des piles afin de stocker l’énergie ; officieusement, travaillant pour le compte d’AgriGen. Au tout début de l’intrigue, il découvre sur un marché un fruit qu’il n’avait jamais vu, le ngaw, un véritable trésor puisque ce dernier semble miraculeusement résister aux maladies circulantes, confortant ainsi Anderson dans l’idée qu’il y a quelque part en Thaïlande, une banque de semences sur laquelle il est bien décidé à mettre la main.
__Hock Seng quant à lui, est un réfugié chinois travaillant pour Anderson. Cet ancien homme d’affaire, complote dans l’espoir de renouer avec le succès tout en luttant pour survivre dans cette ville, hostile aux étrangers.
__On rencontre également Jaidee, surnommé le Tigre de Bangkok, un chemise blanc qui travaille pour le compte du ministère de l’environnement et exerce sa fonction avec un sens aigu de la justice. S’il jouit d’une très grande popularité auprès du peuple Thaï, ses méthodes lui valent en contrepartie de nombreux ennemis du côté du commerce. A ses côtés, le lieutenant Kanya, une femme d’apparence assez froide, souriant rarement et dont on découvre peu à peu les secrets et le passé.
__Il y a enfin, Emiko, l’automate. Si à première vue, elle ne tient pas vraiment le premier rôle dans cette intrigue, c’est son personnage qui fait bousculer l’histoire. Elle est le résultat de manipulations génétiques, et a été programmée pour obéirà un maître. Abandonnée en Thaïlande par son ancien propriétaire japonais, elle réside de façon illégale en Thaïlande et risque à tout moment d’être exécutée si elle se fait attraper. Raleigh, le dirigeant d’un sex club lui offre une certaine sécurité en corrompant les officiers de police pour qu’il lui laisse la vie sauve mais cette protection a une contrepartie : elle doit travailler dans son club où elle est de façon permanente abusée et humiliée. Son chemin va croiser celui d’Anderson qui lui parlera d’un endroit au Nord de la Thaïlande, où les automates comme elle vivent entre eux, libres. Dès lors, elle n’aura qu’une obsession : s’enfuir.

L’auteur

__Paolo Bacigalupi  est un auteur américain de science-fiction et fantasy.

___Ses nouvelles ont été publiées dans The Magazine of Fantasy & Science-Fiction, Asimov’s Science Fiction, et le journal environnemental High Country News.

___Ses fictions ont été sélectionnées pour les prix Nebula et Hugo et The Calorie Man a gagné le prix Théodore Sturgeon, récompensant la meilleure nouvelle SF de l’année, en 2006.

___Il écrit également des essais, publiés simultanément dans de nombreux journaux américains.

___En 2010, il est le lauréat du prestigieux prix Locus du premier roman pour « La Fille automate ».

Mon opinion

★★

__Je suis totalement novice dans le genre SF qui jusque-là ne m’avait jamais attirée. Mais face au résumé prometteur et aux premiers avis très élogieux sur « La fille automate », je me suis laissée facilement convaincre. Et je dois dire que si d’autres titres classés SF sont à la hauteur de ce roman, il est temps que je m’intéresse à ce genre de plus près !

__Avec « La fille automate », je me suis prise une claque comme rarement en littérature.  Paolo Bacigalupi nous dépeint un monde post-pétrole qui paraît à première vue à des années-lumière du monde que nous connaissons, mais qui se révèle au fil des pages d’un réalisme à faire froid dans le dos. L’écriture est efficace, immersive, et l’imagination de l’auteur foisonnante. Le monde qui prend forme devant nous est saisissant, tout aussi complexe que fascinant et débordant de véritables perles d’imagination. Je pense par exemple aux Cheshire dont le nom et l’aspect font référence au chat de « Alice au pays des merveilles » de Lewis Caroll. Ces chats, génétiquement modifiés ont été créés à l’origine en guise de cadeau d’anniversaire pour une petite fille. Mais leur aptitude à se fondre dans le paysage tels des caméléons, leur a permis de supplanter à terme la race féline « naturelle ». J’ai adoré le concept !

__Au niveau de l’intrigue, nous suivons tour à tour différents protagonistes, qui évoluent dans des couches distinctes de la société et nous permettent peu à peu de comprendre le monde dans lequel nous évoluons au grès des indices disséminés. Car comme indiqué plus haut, le monde de Paolo Bacigalupi est extrêmement dense et très difficile à appréhender pour le lecteur qui se retrouve dès les premières pages plongé dans un univers dont il ne maîtrise pas les codes. Ce n’est pas tant le nombre de protagonistes qui m’a dérangé (je n’ai eu aucun problème pour les différencier) mais plutôt le manque d’explications qui perdurent de nombreux chapitres et qui nous conduit à évoluer dans le brouillard sans pouvoir comprendre totalement les faits. Il faut attendre longtemps avant de comprendre que c’est à nous de rassembler les pièces du puzzle, de lire entre les lignes et de saisir au vol le moindre indice dissimulé au détour d’un dialogue ou d’une phrase.

__C’est un véritable effort de concentration, une lecture intense au cours de laquelle il faut donc s’accrocher mais dès lors que l’on a compris le fonctionnement de cet univers, on peut apprécier à sa juste valeur l’intrigue qui se dessine peu à peu et les chapitres précédents deviennent tout à coup beaucoup plus clair.

__J ai trouvé l’intrigue très bien menée, à la hauteur de l’univers mis en place par l’auteur et jusqu’au bout je ne savais pas quelle direction elle allait prendre. Au terme de ma lecture, je reste avec quelques questions sans réponses, mais loin de me frustrer, cette part de mystère donne à mon goût une valeur ajoutée au roman.

__Mais ce qui m’a probablement le plus séduite, c’est qu’au-delà d’une intrigue magistrale, ce livre est aussi un appel à la réflexion sur le monde dans lequel nous vivons et sur nos comportements. Ce n’est pas qu’un (très bon) livre de science-fiction, l’auteur à travers son intrigue envoie un message fort, sans pour autant adopter un ton moralisateur. C’est peut-être d’ailleurs cette distance, cette froideur dans l’énonciation qui rend l’avertissement aussi percutant. En effet, l’auteur ne prend aucun parti-pris. Point de discours écologiste ou moralisateur, pas de « je » dans le récit. Nous vivons l’histoire à travers les points de vue des différents protagonistes et c’est à nous de choisir de quel côté nous situer. Car les personnages et le monde dans lequel ils évoluent ne sont pas manichéens. Chacun a sa part d’ombre, une histoire personnelle qu’il porte derrière lui et qui conditionne ses actes parfois lourds de conséquence.

__Dans ce monde ravagé par l’Homme, hors de contrôle, ou l’équilibre de la nature a été bouleversé, et qui se retrouve aujourd’hui dans les mains de grandes firmes jouant les apprentis sorciers à coups de manipulations génétiques aux conséquences collatérales désastreuses, on ne peut que se désoler de s’apercevoir que l’Homme n’a en fin de compte pas tiré de leçons du passé. Alors que le monde continue de s’effondrer autour d’eux, la corruption, les conflits idéologiques et politiques font rage et gangrènent la société au détriment des populations qui vivent dans la terreur et luttent pour survivre. Une vision finalement pessimiste de la nature humaine, où le pouvoir et l’argent prévalent sur tout le reste y compris dans les périodes les plus critiques, quitte à précipiter l’humanité à sa perte.

__En conclusion, voilà donc un livre que je recommande chaudement donc mais à un public averti. On est en effet bien loin de l’univers simple et très édulcoré de « Cinder » en comparaison (attention, j’ai adoré « Cinder », mais je tiens à avertir les personnes qui espèrent retrouver une dystopie du même genre, « La fille automate », c’est clairement un niveau au-dessus de ce qu’on peu trouver en littérature jeunesse ou YA!). Préparez-vous donc à une lecture dense et complexe, loin des dystopies ou autres livres de science-fiction YA. Cependant, il serait très dommage de passer à côté !

__Avec « La fille automate », Paolo Bacigalupi nous offre un excellent roman d’anticipation sous la forme d’un portrait aussi inquiétant que troublant d’un monde post-pétrole. Si je ne le classe pas dans la catégorie des coups de cœur, en raison d’un début de lecture chaotique et déstabilisant, tout le reste est un sans-faute avec une mention toute particulière pour l’univers saisissant et la créativité dont fait preuve l’auteur. J’ai d’ores et déjà hâte de découvrir le dernier livre paru de l’auteur, un auteur que je vais d’ailleurs suivre de près !

En Bref

___On aime : L’univers, certes très complexe, mais incroyablement fouillé mêlant décor apocalyptique, biotechnologies avec un brin de steampunk. L’écriture de Paolo Bacigalupi est fluide, très agréable, et nous porte de bout en bout d’un récit sans temps mort grâce à une intrigue maîtrisée et passionnante. Et puis au-delà d’un excellent roman de science-fiction, un livre qui invite le lecteur à la réflexion.

___On regretteun début de lecture assez fastidieux. Il faut de longs chapitres pour appréhender le monde de l’auteur et apprécier pleinement la lecture… mais ça en vaut la peine !