[Film] « Eve » de Joseph L. Mankiewicz (1950)

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  • Titre original : All about Eve
  • Année : 1950
  • Pays: Etats-Unis
  • Genre : Drame
  • Réalisation : Joseph L. Mankiewicz
  • Scénario : Joseph L. Mankiewicz, Erich Kästner, Mary Orr
  • Producteur(s) : Darryl F. Zanuck
  • Production : Twentieth Century Fox
  • Interprétation : Bette Davis (Margo Channing), Anne Baxter (Eve Harrington), George Sanders (Addison DeWitt), Celeste Holm (Karen Richards), Gary Merrill (Bill), Hugh Marlowe (Lloyd Richards), Barbara Bates (Phoebe), Marilyn Monroe (Miss Caswell)…
  • Durée : 2h08

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Avis

★★★★★

___Tiré de la nouvelle « The Wisdom of Eve » de Mary Orr, parue en 1946, « Eve » s’inscrit dans une série de films décrivant la face sombre de Hollywood. Un thème qui inspire alors un grand nombre de réalisateurs (« Boulevard du Crépuscule » de Billy Wilder (1950), « Les ensorcelés » de Vincente Minnelli (1952) ou encore « Chantons sous la pluie » (1952) pour ne citer que ces trois-là). Avec ce long-métrage, Mankiewicz nous livre une vision désenchantée et cynique du show-business, bien loin des clichés et de la représentation idyllique largement véhiculée par les médias. « Eve » nous plonge dans les coulisses de ce spectacle vivant permanent et où les stars, dépourvus de leurs artifices, révèlent leur vraie nature. Le film traite ainsi de l’ambition destructrice ainsi que des manipulations et des luttes intestines qui se déroulent en coulisse pour décrocher un rôle. Il évoque avec brio la superficialité de ce monde de carton-pâte et l’hypocrisie omniprésente de ceux qui le composent.

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« Attachez vos ceintures, la soirée va être mouvementée! » – Célèbre réplique de Margo (Bette Davis) avant la soirée d’anniversaire de Bill

___Après avoir connu le succès, Margo Channing (Bette Davis) est désormais une vedette sur le déclin. Une étoile de Broadway qui voit au fil des années son éclat pâlir à mesure que sa jeunesse se fane. Blasée par la célébrité, insupportable avec son entourage, elle tient le premier rôle dans la dernière pièce de son ami, Lloyd Richards, et mise en scène par son fiancé, Bill Sampson.

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Un soir, à la fin d’une représentation, Margo voit débarquer dans sa loge une de ses jeunes admiratrices, une dénommée Eve Harrington (Anne Baxter). La jeune inconnue, qui ne loupe aucune de ses apparitions sur scène, semble très impressionnée de se trouver ainsi face à face avec son idole. Margo, d’abord amusée par la timidité et la naïveté de la jeune provinciale ne tarde pas à se laisser émouvoir par son récit tire-larme et décide de la prendre sous son aile. Eve devient bientôt son assistante dévouée, s’acquittant de ses tâches avec le plus grand zèle. Faisant preuve d’un investissement total à sa fonction, elle semble particulièrement désireuse de se rendre indispensable à l’actrice qui commence peu à peu à voir d’un mauvais oeil l’intrusion toujours plus grande dans son quotidien et son intimité.

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Sous ses airs de jeune oie blanche inoffensive, Eve est en réalité une jeune louve aux dents longues, qui rêve de brûler les planches et de goûter à l’ivresse que procurent les applaudissements du public en délire. Une ambition chevillée au corps qu’elle prend soin de dissimuler sous une modestie feinte. Désireuse d’aider la jeune femme à s’affirmer et à faire ses premiers pas de comédienne, Karen Richards (l’épouse du dramaturge à l’origine de la pièce dans laquelle joue Margo), fera finalement les frais de l’arrivisme de sa protégée. Après avoir introduit la jeune débutante auprès de son idole, elle lui obtient le rôle de doublure et deviendra la victime de ses manipulations, ne réalisant que trop tardivement comment Eve s’est en réalité servie d’elle et des conséquences de ses agissements sur la carrière de Margo.

___Composée à partir d’une série de retours en arrière, la narration du film se révèle d’une redoutable efficacité. Racontée par les principaux témoins de son ascension, la figure de Eve devient un personnage en perpétuelle construction, aussi bien à travers le regard de ceux qui assistent à sa consécration que par les yeux du spectateur qui découvre les coulisses de son ascension spectaculaire. Il y a d’abord ce que la mise en scène d’introduction nous laisse paraître des personnages, et ce qu’on l’on découvre à travers le récit croisé des témoins, qui bouleverse complètement notre rapport à cette même séquence. Car à mesure qu’Eve progresse dans son escalade sociale, les indices révélant sa véritable nature s’accumulent à travers différentes scènes clés. On pense par exemple à celle où Margo surprend la jeune femme en train de se mirer dans la glace, portant devant elle la robe de scène de son idole. Ou celle, mythique, de la soirée d’anniversaire de Bill au cours de laquelle, assise sur les marches de l’escalier, elle se livre à un remarquable soliloque où elle évoque son désir ardent de connaître l’admiration et les applaudissements du public.

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Pour parvenir à ses fins, elle n’hésite pas à manipuler l’entourage de Margo et multiplie les combines. Elle rallie à sa cause Addison De Witt (George Sanders), un critique influent mais sans scrupules dont elle fera l’erreur de sous-estimer les capacités d’analyse et de nuisances. Ce dernier observe à distance et de son oeil cynique les manigances d’Eve. Il est avec Birdie (la dame de compagnie de Margo), l’un des seuls à voir d’emblée clair dans le jeu et les intentions de la jeune femme et à percer à jour son arrivisme forcené.

eve-dewitt2___Car Eve ne réserve pas ses talents de comédienne aux planches. Pour cette jeune femme avide de gloire, la vie réelle est une vaste scène sur laquelle elle peut à chaque instant exercer l’étendue de ses talents d’actrice. L’aplomb et le sang-froid avec lesquels elle débite ses mensonges et la grande habileté avec laquelle elle parvient à duper son monde constituent autant de preuves tangibles pour le spectateur de ses dispositions et de sa plasticité à se fondre dans le personnage qu’elle s’est créé de toutes pièces. Eve aborde l’existence comme une scène de théâtre, jouant la comédie sur les planches comme dans la vie réelle. De ce constat surgit la question centrale du film : qu’y-a-t-il derrière le personnage qu’elle interprète ? N’est-on face qu’à une simple illusion, à une enveloppe vide sans substance ? Posé ainsi, le film de Mankiewicz semble résonner comme une redoutable mise en garde contre le risque d’aliénation qui accompagne l’obsession de la réussite et la course effrénée vers le succès. A force de mensonges, Eve s’est enfermée dans son rôle. Elle ne vit qu’à travers ses fictions, prisonnière de son personnage. Si elle est parvenue à dépasser le statut de simple « doublure » de Margo, elle n’en reste pas moins une image artificielle, un reflet inconsistant, un travestissement du réel. Elle s’est perdue dans sa propre contemplation, dans une projection idéalisée d’elle-même qui n’existe qu’à travers le regard des autres et du public. Alors qu’elle touche enfin la consécration, son masque de duplicité se fend. Seule dans sa chambre d’hôtel, elle erre tel un spectre qui a sacrifié son âme et son identité sur l’autel du succès. A contrario, Margo suivra la trajectoire inverse, parvenant à rompre avec son double fictionnel pour prendre sa vie en mains en tant que femme et non plus comme simple actrice. Finalement éclipsée par l’ambitieuse Eve qui lui ravit le trophée de la meilleure comédienne, sa défaite en tant qu’actrice signe une victoire bien plus importante pour Margo : celle du triomphe de la personnalité et de la sincérité sur l’imposture et les faux-semblants.

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___Si le film de Mankiewicz se focalise sur le milieu du théâtre, on devine que la critique sous-jacente est en fait plus générale, ciblant en réalité toute une industrie du spectacle, cette usine à rêves qui propulse de jeunes gens au sommet aussi rapidement qu’elle brise des carrières (et des vies). Rongée par ses angoisses, Margo traverse une véritable crise existentielle et appréhende l’avenir. A quarante ans, elle sait que ses plus belles années se trouvent désormais derrière elle et qu’elle ne pourra pas éternellement camper des rôles de jeunes beautés. Elle s’inquiète pour la pérennité de sa carrière et redoute de voir son fiancé (un metteur en scène de huit ans son cadet) la quitter pour une femme plus jeune qu’elle. Se trouvant à un tournant de son existence, elle craint de découvrir que derrière l’image qu’elle s’est forgée au cours de sa carrière de comédienne, ne reste en réalité plus qu’une coquille vide, sans attraits ni réelle identité. D’abord agacé par sa conduite, le spectateur finit par se rallier à sa cause. On comprend peu à peu que derrière les caprices et les excès de la star se cache la peur dévorante de sombrer dans l’oubli.

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Le personnage impitoyable de DeWitt symbolise, pour sa part, parfaitement le rôle de la critique qui a entre ses mains le sort de chaque spectacle et de chaque artiste. Lorsque Eve s’apprête à faire ses preuves, elle s’est d’abord assurée de la présence des chroniqueurs les plus influents du milieu, et dont la faveur est indispensable pour faire décoller sa carrière. DeWitt ne manquera pas de le lui rappeler à la fin du film ; alors qu’Eve essaie de se jouer de lui et d’échapper à son emprise, il la remet rapidement à sa place. Après l’avoir confronté à ses mensonges et à ses bassesses, il lui fait remarquer que la jeune comédienne reste une de ses « créatures » et lui, le maître marionnettiste qui tire les ficelles.

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Porté par des dialogues pétillants d’intelligence et plein d’ironie amère, le film met donc en scène l’opportunisme sans vergogne et les rivalités qui animent de jeunes gens prêts à tout pour se frayer un chemin dans le monde du théâtre. Outre le duo principal formé par Bette Davis et Anne Baxter qui livrent ici une prestation sans fausse note, « All about Eve » mérite également qu’on s’y arrête pour assister à la performance de l’incandescente Marilyn Monroe qui y tient un de ses tous premiers rôles.

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Acclamé par la critique lors de sa sortie, « All About Eve » fut nommé pour 14 Oscars et en remporta 6, dont celui du meilleur film. Il reste à ce jour considéré à juste titre comme l’un des meilleurs films américains de tous les temps. Un classique indétrônable dont les nombreuses qualités ont largement démontré son statut de chef-d’œuvre du cinéma.

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[Film] « Pension d’artistes » de Gregory La Cava (1937)

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  • Titre original : Stage Door
  • Année : 1937
  • Pays: Etats-Unis
  • Genre : Comédie
  • Réalisation : Gregory La Cava
  • Scénario : Morrie Ryskind, Anthony Veiller
  • Producteur(s) : Pandro S. Berman
  • Production : RKO
  • Interprétation : Katharine Hepburn (Terry Randall), Ginger Rogers (Jean Maitland), Adolphe Menjou (Anthony Powell), Gail Patrick (Linda Shaw), Andrea Leeds (Kay Hamilton), Lucile Ball (Judy Canfield), Constance Collier (Catherine Luther)…
  • Durée : 1h32

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Avis

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___Librement adapté d’une pièce du même nom qui faisait alors un triomphe à Broadway (écrite par Edna Ferber et George S. Kaufan en 1936), « Stage door » relate les hauts et les bas d’un groupe de jeunes actrices ambitieuses, issues de milieux différents, et vivant regroupées dans une modeste pension New-Yorkaise. Un film inspiré et d’une rare spontanéité qui aborde avec brio la précarité de la condition d’artiste dans l’Amérique des années 30.

___Elle-même comédienne rangée, Mrs Orcutt (Elizabeth Dunne) est propriétaire des « feux de la rampe » (Footlights club), une pension d’artistes à New York qui héberge de jeunes femmes désireuses de percer dans le monde du spectacle.

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Jean (Ginger Rogers) accueillant (fraichement) Terry Randall (Katharine Hepburn) lors de son arrivée à la pension

Terry Randall (Katharine Hepburn), aspirante comédienne issue de la bonne société du Middle West espère elle aussi faire ses preuves dans ce milieu qui compte beaucoup de candidates mais peu d’élues. La riche héritière débarque incognito à la pension de Mrs Orcutt. Elle est cependant aussitôt trahie par son allure distinguée et ses manières qui détonnent franchement avec le reste du groupe. La nouvelle arrivante fait l’objet de tous les regards et de toutes les conversations.

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Terry, la nouvelle venue à la pension, faisant l’objet de toutes les conversations

Parmi les autres pensionnaires, il y a notamment : Linda Shaw (Gail Patrick), jeune femme sophistiquée et prétentieuse (et grassement entretenue par Anthony Powell (Adolphe Menjou), un producteur aussi philanthrope que pervers) ; Jean Maitland (Ginger Rogers), danseuse au caractère bien trempé; et Kaye Hamilton (Andrea Leeds), comédienne prometteuse qui a connu un grand succès la saison passée dans le rôle-titre du dernier spectacle de Powell. Toutes espèrent rencontrer un producteur ou un généreux mécène qui fera décoller leur carrière.

A la pension, Terry se trouve rapidement contrainte de faire chambre commune avec Jean. Entre les deux jeunes femmes, les premiers échanges sont pour le moins houleux. Elles se livrent un duel verbal sans concession, rivalisant de répliques mordantes et de piques assassines. Il faudra à Terry beaucoup de patience et toute sa force de caractère pour parvenir à se faire accepter parmi ses nouvelles camarades. Au sein de cette ruche de talents en germe, seule la douce et tranquille Kay accueille la nouvelle venue avec bienveillance.

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Kay (Andrea Leeds) et Terry (Katharine Hepburn)

En apparence plus effacée, c’est aussi la plus travailleuse de toutes, et celle qui a le plus de talent. Après avoir connu un premier succès sur les planches, elle rêve de décrocher ce qu’elle considère être le rôle de sa vie : celui de Jeannette dans la pièce « Avril enchanté ». Un rôle qui sera finalement attribué à Terry grâce à l’intervention en coulisse d’un mystérieux mécène…

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Kay (Andrea Leeds) confiant à son amie Jean (Ginger Rogers) son désir brulant d’obtenir le premier rôle dans la pièce « Avril enchanté »

___Dès la scène d’ouverture le ton du film est donné. « Les feux de la rampe » apparait aux yeux du spectateur comme un vase clos, un lieu bouillonnant de vie et de féminité. Dans un va-et-vient permanent, il y règne une ambiance de joyeux désordre où la journée s’écoule sans temps-mort, entre disputes et confidences, au rythme des ragoûts insipides servis à chaque repas. Bien plus qu’un espace de vie, les locataires partagent leurs désillusions et petits bonheurs quotidiens qui constituent les aléas de leurs trajectoires d’artistes en herbe. Les répliques fusent, pleines de fougue et de verve, et les réparties cinglent à une allure endiablée. Mais c’est bien cette atmosphère survoltée et querelleuse qui fait tout le sel du film. On assiste à une surenchère de bons mots et de traits d’esprit allant des plus fins aux plus mordants. Des dialogues au cordeau qui grouillent d’inventivité et d’impertinence, à l’image de la délicieuse insolence de celles qui les débitent. Derrière la cacophonie apparente, de vraies personnalités surgissent. Des caractères variés et bien identifiables qui se dessinent dès la première scène et s’affirment tout au long du film.

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1) Mrs Orcutt et Catherine Luther (Constance Collier) ; 2) Jean, Mrs Orcutt et Linda (Gail Patrick); 3 et 4) Jean et Judy (Lucille Ball)

A côté des personnages principaux, même les rôles secondaires tirent leur épingle du jeu et parviennent à retenir l’attention du spectateur : de Hattie (Phyllis Kennedy), la domestique qui veille à la bonne tenue de la maisonnée à Judy (Lucille Ball) qui enchaîne les rencards avec des garçons un peu niais, en passant par Olga (Norma Drury Boleslavsky), pianiste confirmée, qui met ses talents au service de ses camarades afin de leur permettre de répéter leurs numéros. Ou encore Eve (Eve Arden) qui déambule toujours affublée de son chat qu’elle porte enroulé sur ses épaules comme s’il s’agissait d’un accessoire de mode et Catherine Luther (Constance Collier), ancienne comédienne, qui semble errer dans la pension telle le spectre d’une actrice obsolète qui se raccroche au souvenir de ses anciens rôles.

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Catherine Luther (Constance Collier) exposant aux pensionnaires sa conception du jeu d’acteur et sa vision du théâtre

___Avant le tournage, Gregory La Cava avait chargé une de ses assistantes (Winfrid Thackrey) de s’infiltrer au sein du Hollywood Studio Club (sorte d’hôtel particulier réservé à de jeunes artistes femmes que le manque d’argent ou de relations rendait vulnérables). L’objectif était pour le réalisateur, d’engranger de la matière en vue de son futur film. Durant cette période et en accord avec la gérante de l’établissement, elle se fit passer pour une aspirante actrice et était chargée d’écouter les conversations des jeunes femmes dans la salle commune, prenant des notes et retenant les échanges les plus piquants. Si certains des dialogues furent réutilisés dans le film, ce travail préparatoire permit surtout de saisir l’ambiance de camaraderie féminine et l’état d’esprit qui se dégageait de cette vie en communauté. Sur le tournage, le réalisateur observait de même avec grande attention les conversations des comédiennes en dehors du plateau, toujours à l’affut d’un bon mot ou d’une attitude susceptible d’être reprise dans le film. Rendu à l’écran, cela donne une impression de grand naturel dans les interactions et une réelle complicité entre les actrices.

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Terry Randall (Katharine Hepburn) s’adressant à sa colocataire Jean (Ginger Rogers)

___Nommé dans 4 catégories pour l’oscar, « Pension d’artistes » permit à Ginger Rogers de démontrer l’étendue de sa palette dramatique (et pas seulement ses talents de danseuse) dans un film où son nom n’était pas accolé à celui de Fed Astaire. Quant à Katharine Hepburn, il lui fournit l’occasion de renouer avec le succès après plusieurs échecs commerciaux successifs1. Dans ce film, l’actrice campe une jeune femme déterminée et taillée pour l’aventure qui rejette farouchement l’existence aisée et confortable que lui offre sa famille pour devenir l’unique artisan de sa vie.

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Terry Randall (Katharine Hepburn) observant les autres pensionnaires

En se joignant à ces apprenties comédiennes désargentées, elle rêve de se construire un destin à la mesure de celui de son grand-père, un pionnier, parti à la conquête de l’Ouest. Une simple « lubby » pour son père qui, au cours d’un déjeuner en tête-à-tête, lui pose un ultimatum. Si elle s’obstine dans cette voie, ce sera seule et par ses propres moyens, sans compter sur le soutien de sa famille. Il espère secrètement qu’après avoir connu l’échec, sa fille retrouve le chemin de la cellule familiale et d’une vie rangée. De son côté, Terry demeure inflexible, convaincue que le travail est la seule clef de la réussite. Issue d’un milieu bourgeois, elle ne réalise pas à quel point sa vision du monde qui l’entoure est en réalité biaisée. Elle a bénéficié d’une éducation privilégiée et a grandi à l’abri, dans une bulle qui l’a préservée des difficultés. Malgré ses efforts, la fracture sociale qui la sépare de ses camarades finit toujours par la rattraper, donnant lieu à des dialogues de sourds et des échanges parfois explosifs. Incapable de saisir le prosaïsme du quotidien et des difficultés matérielles auxquelles ses camarades se trouvent confrontées, les commentaires abrupts de la jeune femme manquent souvent de tact et de discernement. Comme une enfant déconnectée du réel, Terry ne réalise pas que l’argent et les relations sont autant de facteurs qui pèsent dans la balance et truquent l’équation du succès. Dans ce milieu impitoyable où la compétition fait rage et où le talent n’est pas toujours le garant de la réussite, les places se paient en effet souvent cher pour décrocher un rôle.

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Terry Randall (Katharine Hepburn) s’adressant à Anthony Powell (Adolphe Menjou) après avoir forcé le passage à son bureau

Véritable symbole d’un système corrompu, Powell incarne l’archétype du producteur amoral qui abuse de son autorité sur de jeunes femmes vulnérables et influençables. Auprès de ses victimes, il déroule un même scénario bien rodé et multiplie les promesses.

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Powell (Adolphe Menjou) dans un face-à-face avec Terry (Katharine Hepburn)

Après Linda, dont il finit par se lasser, c’est bientôt au tour de Jean de faire les frais des tentatives de séduction insistantes du producteur. Repérée tandis qu’elle répète avec son amie Annie (Ann Miller2), la jolie blonde, d’abord méfiante, ne résiste pourtant pas longtemps à l’appel des projecteurs et cède progressivement du terrain.

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Jean (Ginger Rogers) baisse peu à peu la garde face à Powell (Adolphe Menjou)

Les mises en garde de Linda (qui lui livre par le menu et sur un ton mi menaçant mi sarcastique ce qui l’attend si elle se rend chez Powell) ne semblent pas l’impressionner.

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Elle rêve de voir son nom illuminer Broadway. Une fois dans l’appartement du producteur, elle se remémorera pourtant les paroles ô combien malheureusement prophétiques de sa meilleure ennemie.

Quant à Kay, telle une étoile filante, elle connait un destin aussi fulgurant que tragique. Après avoir connu une gloire éphémère, elle ne parvient pas à rebondir. Tout au long du film, l’ombre de la tragédie plane en permanence sur son personnage. Son existence marquera cependant de manière indélébile la vie de ses camarades qui se trouveront à travers elle à jamais liées par un traumatisme et une douleur communes.

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Kay (Andrea Leeds) se remémorant son triomphe sur scène la saison passée

___C’est donc un portrait tout en contrastes que nous livre Gregory La Cava. Un film à la fois drôle et tragique, dans lequel les grandes ambitions individuelles et les rêves de gloire sont éclipsés par les impératifs du quotidien : la course aux auditions et la quête fébrile du prochain cachet qui permettra de payer la chambre et de remplir les estomacs affamés. Autant d’angoisses dissimulées sous les rires tonitruants et les échanges mordants qu’on se lance à la figure. Un détachement de façade doublé d’un cynisme exubérant, comme en réponse à la précarité de leur condition et aux désillusions successives que chacune traverse de son côté. L’ironie piquante des dialogues et l’ambiguïté des situations qui oscillent entre trivialité et pathétique servent alors souvent de masques à des blessures profondes et à une réalité trop sordide pour être affrontée sans ces filtres. La crudité n’est pas tant dans les images que dans ce qui se passe hors de la scène : les regards en biais (où se lit tantôt la lubricité, tantôt la peur), les non-dits et ce que l’on devine entre les lignes. Face à un monde d’hommes qui leur est résolument hostile, la désinvolture et le sarcasme deviennent leurs meilleures armes pour chasser la morosité des coeurs et ne pas se laisser ronger par le désespoir. Le spectateur rit, tout en percevant en arrière-plan le caractère malsain et profondément précaire de la situation des personnages.

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Jean (Ginger Rogers) évoquant sa première rencontre avec Powell

___Dans « Pension d’artistes », La Cava se place du côté des femmes, dans un film résolument féministe. Décrivant une société patriarcale dans laquelle ce sont les hommes qui fixent les règles et occupent les postes influents, il montre sans détour comment certains usent de ce rapport de force à leur avantage et dénoncent les abus de pouvoir. Plus qu’un simple point de chute, la pension de Mrs Orcutt symbolise pour ces jeunes femmes démunies un lieu sécurisant, qui leur appartient, et dans lequel elles peuvent laisser libre cours à leurs sentiments, sans craindre de subir la domination des hommes. Car n’entre pas qui veut dans cette forteresse peuplée de femmes. Avant de réussir à s’y introduire, Terry commence par se heurter à une porte condamnée. Anthony Powell ne vient jamais chercher Linda en personne (faisant simplement avancer son chauffeur) et les rares hommes qui s’aventurent dans les lieux n’en dépassent jamais le seuil. Quant au chat de Eve (Henry), seul représentant mâle du domaine, il se fera finalement rebaptiser Henrietta après que l’on ait finalement découvert qu’il s’agissait en fait… d’une femelle !

Le réalisateur s’applique à mettre en scène des femmes jeunes, mais pas naïves. En dépit de leur âge et de leur fraîcheur, elles portent déjà le poids des désillusions traversées et de quelques rêves brisés. Sans connaître le détail de leurs vies passées (lesquelles ne nous sont jamais dévoilées), on devine cependant des plaies encore à vif, donnant au film une ambiance particulière, où cohabitent légèreté de ton et profondeur des sentiments. « Pension d’artistes » repose en grande partie sur une gestion subtile et maitrisée de cette tonalité douce-amère. Le film joue en permanence sur un équilibre fragile, susceptible de faire passer le spectateur du rire aux larmes à chaque instant, avant de basculer ouvertement dans le drame sur la dernière partie. L’évènement tragique qui précipite ce changement de registre sera aussi celui qui permettra à Terry de se révéler en tant qu’actrice. Sidérée par la nouvelle qu’elle vient d’apprendre, elle traverse les coulisses comme un spectre, avant de paraitre sur scène où, transfiguré par la douleur, son jeu devient méconnaissable. Sous le regard larmoyant de ses camarades, les yeux embués de larmes et la gorge serrée par l’émotion, son interprétation devient bouleversante.

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Terry (Katharine Hepburn) lors de la première de « Avril enchanté » (juste avant la célèbre réplique: « The calla lilies are in bloom again… »)

Dans une jolie conclusion, le film nous ramène quelques mois plus tard dans une pension qui grouille à nouveau de son agitation habituelle. Tandis que Judy part vers de nouvelles aventures, une nouvelle venue débarque, les yeux brillant d’espérances. Comme si de rien n’était. A la pension, la vie reprend ses droits et l’histoire semble se répéter. De nouvelles étoiles prenant la place de celles disparues. Après tout, « The show must go on »…

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Jean et Terry après la représentation de « Avril enchanté »

Car si la compétition fait rage entre certaines, c’est avant tout un remarquable esprit de solidarité et de camaraderie féminine qui domine, en particulier dans les coups durs. L’échec de l’une devient celui de l’ensemble du groupe. On se serre beaucoup plus les coudes que ce que la virulence des mots échangés pourrait laisser croire. Malgré la précarité de leur situation, on devine que les pensionnaires de Mrs Orcutt ne renonceraient à leur « taudis » pour rien au monde. Il en va bientôt de même pour le spectateur qui voudrait lui aussi continuer à suivre les joies et les peines de cette tribu attachante. On quitte tout ce petit monde à regret, et on voudrait ne jamais voir la porte de la pension se refermer une fois le film terminé.

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Notes et anecdotes :

  1. En 1933, elle joua à Broadway dans la pièce The Lake de Dorothy Massingham, qui fut l’un de ses plus grands échecs professionnels. La caustique Dorothy Parker fit des gorges chaudes de son interprétation dans une critique assassine où elle écrira à son propos : « Courez au Martin Beck, Katharine Hepburn y décline le registre complet de l’émotion, de A à B. ». La réplique mythique entendue dans « Pension d’artistes » : « The calla lilies are in bloom again… », et que Terry se montre incapable de débiter correctement, est en fait issue de la pièce même de Dorothy Massingham. Dans la bouche du personnage interprété par Hepburn, cette mise en abyme fait donc directement écho à son échec à Broadway. L’actrice retourne ensuite à Hollywood où elle tourne plusieurs films : Alice Adams (Désirs Secrets, 1935) de George Stevens, Sylvia Scarlett (1935) de George Cukor, ainsi que Mary Of Scotland (Mary Stuart, 1936) de John Ford. Si le premier fut un succès, les deux autres furent des échecs retentissants.
  2. Ann Miller (à gauche ci-dessous), qui partage un numéro de danse avec Ginger Rogers (à droite) dans le film, avait dû mentir sur son âge pour obtenir le rôle. Prétendant être âgée de 18 ans, elle n’en avait en réalité que 14, et n’avait donc alors pas l’âge légal pour signer un contrat de travail.

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NB: Les images sont tirées de la version DVD du film (Editions Montparnasse)

 

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« Avec vue sur l’Arno » de E. M. Forster (1908) / « Chambre avec vue » (1985)

Résumé

Lucy Honeychurch n’aurait jamais pu partir à la découverte de l’Italie comme toute jeune Anglaise de bonne famille sans la surveillance d’un chaperon zélé, sa cousine Charlotte. A leur arrivée à Florence, les deux voyageuses constatent avec dépit que la chambre qui leur a été réservée n’a pas de vue sur l’Arno. En violation de toutes les convenances, deux inconnus, M. Emerson et son fils George, leur proposent de leur échanger la leur qui, elle, donne sur le fleuve. L’attitude cavalière de George envers Lucy et le peu de résistance qu’elle lui oppose poussent Charlotte à décider d’abréger leur séjour. Mais le hasard va à nouveau réunir les Emerson et les Honeychurch, en Angleterre cette fois…

Un roman délicieux sur l’éveil des sentiments et le poids des conventions sociales par un des maîtres de la littérature anglaise.

Mon opinion

★★★★★

___Cela faisait plusieurs mois déjà que je voulais découvrir Edward Morgan Forster, ce romancier britannique, auteur de plusieurs romans à succès (dont trois ont été l’objet d’adaptation cinématographique par James Ivory) et dont on ne cesse de chanter les louanges ! Avec ma lecture de « Avec vue sur l’Arno », c’est désormais chose faite et il va sans dire qu’après un premier essai aussi concluant, je suis bien déterminée à très vite renouer avec la plume de l’auteur !

___Lucy Honeychurch, jeune fille issue de la bonne société anglaise, visite l’Italie dûment chaperonnée par sa cousine, une vieille fille prénommée Charlotte. Le temps de leur séjour à Florence, les deux anglaises logent dans une pension. Leur enthousiasme est cependant rapidement terni lorsque les visiteuses constatent que, contrairement à ce qui leur avait été pourtant promis, leurs chambres ne bénéficient pas d’une vue sur l’Arno. Ne cachant pas leur grande déception, Lucy et Charlotte se voient rapidement offrir par deux gentlemen, Mr Emerson et son fils, d’échanger leurs chambres afin de pouvoir jouir du panorama sur le fleuve. Offusquée par les implications que suggère une telle proposition, Charlotte, très investie dans son rôle de chaperon, s’empresse de décliner l’offre des deux inconnus. Un peu plus tard cependant et au terme de longues tergiversations, les deux cousines finissent, sur les conseils de Mr Beebe (clergyman de leur connaissance), par accepter la proposition des Emerson et l’on peut ainsi enfin procéder à l’échange des chambres.

Le séjour de Lucy en Italie sera par la suite marqué par de multiples rencontres avec la famille Emerson, jusqu’à ce baiser passionné avec George, au milieu d’un tapis de violettes et sous les yeux stupéfaits de Charlotte qui s’empressera de rompre le charme de cet instant, bien déterminée à maintenir sa jeune cousine dans le droit chemin.

___De retour en Angleterre auprès de sa mère et de son frère, Lucy, après avoir décliné par deux fois ses avances en Italie, accepte finalement d’épouser Cecil Vyse choisissant ainsi d’écouter la voix de la raison au détriment de celle du coeur. Mais c’était sans compter sur le retour inattendu de George, dont la présence va ranimer la flamme des sentiments de la jeune fille, venant ainsi, une fois encore, troubler toutes ses certitudes.

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___Difficile de rédiger une chronique à la hauteur de ce roman relativement court mais aux thématiques foisonnantes ! Paru en 1908, « Avec vue sur l’Arno » met en scène une jeune fille éduquée selon les principes rigides de la société anglaise au tournant du siècle, et qui devra choisir entre le respect des convenances et ses propres aspirations.

___Pur produit de la société britannique du début du XXième siècle, Miss Honeychurch est une jeune fille influençable aux opinions formatées et à qui l’on a appris à réprimer ses sentiments. Mais en dépit de sa jeunesse et de sa naïveté, Lucy témoigne d’une sensibilité et d’une bonté lui permettant de voir au-delà des barrières sociales inhérentes à son milieu et à son époque. Son séjour en Italie et sa rencontre avec la famille Emerson constitueront en ce sens l’élément déclencheur d’une réelle prise de conscience pour elle. Si l’adolescente n’a pas encore suffisamment d’assurance pour s’affirmer et remettre ouvertement en doute les principes régissant le milieu dans lequel elle gravite, de par sa curiosité naturelle, elle aspire cependant à découvrir de nouveaux horizons et d’autres cultures. Dès lors, comment ne pas comprendre la déception qu’elle éprouve à se retrouver dans une pension dont le décorum semble avoir été calquée sur celle des intérieurs anglais, et où les conventions sociales en vigueur dans son pays sont soigneusement préservées ? L’obsession de Lucy à se voir attribuer cette chambre avec vue qu’on lui avait promise ne tient pas tant du caprice d’une adolescente trop gâtée que de son besoin viscéral de s’ouvrir enfin au monde qui l’entoure. Une force de caractère et un potentiel encore latent que Mr Beebe ne tarde pas à déceler, fondant ainsi rapidement de vifs espoirs  en la jeune fille: « – Je pense simplement à ma théorie favorite sur Miss Honeychurch. Est-il logique qu’elle joue si merveilleusement du piano et mène une petite vie si calme ? Je soupçonne qu’un jour viendra où elle vivra comme elle joue, merveilleusement. Les cloisons étanches s’effondreront en elle, musique et vie se mêleront. Elle se révélera alors héroïquement bonne, héroïquement mauvaise peut-être – peut-être encore trop héroïque pour être dite mauvaise ou bonne. »

___Loin d’ériger Lucy en féministe exaltée, Forster préfère en faire une héroïne plus nuancée en proie à une rébellion intérieure silencieuse, tiraillée entre le poids des conventions et ses propres désirs. Des sentiments contradictoires qui vont s’exacerber au contact de George, le fils de Mr Emerson. Issus de la classe moyenne, nourrissant des idées socialistes et non-croyants par-dessus le marché, les Emerson font figure de marginaux dont le comportement suscite mépris et désapprobation de la part des autres pensionnaires. Soucieux de jouir de chaque instant et prenant la vie à bras le corps, George est un électron libre qui exerce sur Lucy une attirance et un déferlement d’émotions que la jeune fille peine à s’expliquer; tout comme Mr Beebe qui ne voit dans le trouble émotionnel de Miss Honeychurch que l’expression d’un « Trop de Beethoven ». Hélas, il faudra bien plus que le climat italien et l’échange d’un baiser passionné avec George pour que l’adolescente ne parvienne à se délester du poids de sa condition. De retour en Angleterre, Lucy accepte finalement d’épouser Cecil. Aussi austère qu’arrogant et ennuyeux, le jeune homme incarne indubitablement un parti plus convenable selon les critères de l’époque.

___Le chemin vers l’émancipation s’annonce donc long et semé d’embûches pour la jeune femme. A l’instar de Mr Beebe, le lecteur assiste pourtant progressivement à la lente prise de conscience de Miss Honeychurch et à sa révolte silencieuse pour tenter d’échapper au diktat d’une société corsetée dans ses principes. Car frappée de plein fouet par la force de ses sentiments, Lucy comprend peu à peu que pour s’épanouir et conquérir sa liberté, elle devra se battre contre une société anglaise sclérosée dans ses principes et ancrée dans des traditions poussiéreuses.

___Au-delà du simple récit initiatique relatant le passage de l’adolescence à l’âge adulte, Forster, en fin observateur de la nature humaine, nous livre ainsi une critique mordante  de la société britannique du début du XXième siècle. A l’image de ces touristes anglais qu’il croque avec beaucoup d’ironie (soucieux de rester groupés entre-eux en toute circonstance et agrippés à leur guide Baedeker pour ne pas s’écarter du droit chemin), le romancier saisit toutes les occasions pour railler une société déclinante et verrouillée, déterminée à étouffer les passions.

___Finalement le seul élément que je déplore avec « Avec vue sur l’Arno », est la qualité plus que discutable de la traduction française. Je sais que Georges avait déjà mentionné ce problème dans sa chronique consacrée à l’oeuvre. Ponctuation parfois fantaisiste, formulations incompréhensibles et tournures de phrase maladroites ne peuvent se justifier sur le simple argument d’une traduction datée, (surtout après avoir eu l’occasion de comparer certains extraits à la version originale qui apparaît beaucoup plus limpide !). Je trouve ainsi regrettable que les éditions Robert Laffont n’aient pas pris l’initiative de revoir la traduction à l’occasion de cette réédition. En attendant de pouvoir bénéficier d’une meilleure version, je vous encourage donc, si vous le pouvez, à vous rabattre sur la version originale du roman pour pouvoir apprécier au mieux la plume de Forster !

Véritable roman d’apprentissage sur fond de satire sociale, « Avec vue sur l’Arno » explore la prise de conscience d’une jeune fille issue de la bonne société anglaise au tournant du siècle, ainsi que son combat intérieur pour briser ses chaînes et enfin s’affirmer.

A une Italie, pays de la Renaissance et de l’exaltation des sentiments, Forster oppose ainsi une Angleterre poussiéreuse, engluée dans les convenances et les préjugés. Dans cette société aux opinions formatées et soucieuse de maintenir chacun dans le droit chemin, la jeune Lucy, frappée de plein fouet par la force de ses sentiments, ne tarde pas à sentir étouffée par le poids des conventions et des barrières sociales. Avec un style incisif et volontiers railleur, Forster saisit ainsi toutes les occasions pour égratigner le puritanisme britannique et croque tous ses personnages avec beaucoup d’ironie, tout en décortiquant les rapports humains comme personne.

En dépit d’une piètre traduction qui rend parfois le texte abstrus et la lecture laborieuse, « Avec vue sur l’Arno » n’en demeure pas moins un roman aussi riche que captivant, à découvrir absolument !

Le film

★★★★☆

___Après avoir lu le roman de E. M. Forster, je me suis donc penchée sans tarder sur l’adaptation cinématographique réalisée par James Ivory. Unanimement encensé, il semble que ce soit le plus souvent le visionnage de ce film, datant de 1985, qui pousse ses admirateurs à découvrir le roman. Et les avis que j’ai pu récolter sur la toile paraissent tous aller dans le même sens : ceux qui ont découvert « Avec vue sur l’Arno » par le biais de son adaptation, ont en grande majorité préféré le film à l’oeuvre originale.

___ Au regard de cette pluie d’éloges, mes attentes étaient donc considérables et si elles ont été en grande partie satisfaites, je dois reconnaître que pour ma part j’ai préféré le livre à son adaptation.

___Restant fidèle à la construction du roman, James Ivory a su parfaitement capter l’essence du livre de E. M. Forster et la restituer à l’écran, nous livrant au passage des séquences de toute beauté ainsi que de véritables scènes d’anthologie, parmi lesquelles celle d’un baiser passionné, au coeur de la campagne toscane.

___Portée par une mise en scène soignée et des acteurs remarquables de justesse dans leur interprétation, « Avec vue sur l’Arno » est une vraie réussite tant du point de vue esthétique que sur le fond. Dans ce récit d’une transition entre adolescence et âge adulte, le spectateur assiste à la lente métamorphose de Lucy, sous l’élan de la passion amoureuse, en une jeune femme accomplie.

___Helena Bonham Carter campe une héroïne particulièrement touchante, entre soumission docile à ses ainés, bouillonnement intérieur et sensualité retenue. Face à cette interprétation d’une remarquable justesse, le combat interne que livre la jeune fille, tiraillée entre l’emprise de son milieu et son désir d’émancipation devient palpable pour le spectateur. Un contraste renforcé par l’immensité des décors naturels et ouverts qui vient s’opposer aux somptueux et étouffants intérieurs bourgeois.

___Concernant le reste du casting, Julian Sands confère à son personnage une belle présence, incarnant un George Emerson aussi passionné qu’énigmatique : tantôt exalté et enflammé en pleine nature, il apparaît plus renfermé et taciturne en société. Daniel Day Lewis qui se révèle ici cabotin à souhait, n’en incarne pas moins un Cecil hilarant par sa pédanterie, sa posture guindée à l’excès et son attitude pince-sans-rire. Quant à Maggie Smith, elle se révèle un chaperon intrusif et irritant à souhait, bien déterminée à mettre fin à une relation qu’elle désapprouve. A noter aussi, la présence de Judi Dench dans le rôle d’une Miss Lavish, au jeu juste mais un peu terne à mon goût. Ayant en tête l’image d’un personnage plus « habité » et flamboyant, son interprétation ne m’a pas semblé exceptionnelle.

___Mais en dépit de toutes ces qualités et aussi fidèle soit-elle à l’oeuvre d’origine, cette adaptation cinématographique ne peut évidemment pas restituer toutes les subtilités et les marques d’ironie dont le roman pullule ! Si on sent bien, à de multiples reprises, que le réalisateur a tenté d’user de subterfuges pour retranscrire certaines idées impossibles à faire passer autrement à l’écran, le procédé atteint rapidement ses limites.

___Je ne saurais donc que trop vous conseiller de vous pencher en premier lieu sur le roman de E. M. Forster avant d’envisager de regarder le film, de façon à pouvoir apprécier toutes les subtilités de ce dernier et saisir pleinement les nombreuses références plus largement développées dans le texte d’origine.

___Quoi qu’il en soit, ce minuscule regret ne remet évidemment pas en cause l’indéniable qualité de cette adaptation, aussi fidèle qu’esthétique, que j’ai pris énormément de plaisir à voir et que je vous invite vivement à découvrir si ce n’est déjà fait!

« Cette sacrée vertu » de Winifred Watson (1938) / « Miss Pettigrew lives for a day » (2008)

Résumé

A 9h15, Miss Guenièvre Pettigrew, vieille fille aussi vertueuse que résolument opposée à toute coquetterie, apprenait qu’une certaine Miss Lafosse cherchait une bonne d’enfants… A 9h45, elle sonnait chez Miss Lafosse et trouvait au lieu des enfants attendus, une ravissante jeune femme en déshabillé vaporeux et un monsieur à demi endormi ! A 10h15, elle se voit embarquée dans un imbroglio sentimental inextricable. A 15h13, elle console, avec un art et un doigté qui l’étonnent elle-même, une jeune fille en pleurs qui vient de se disputer avec son fiancé. A 17h02… Mais chut ! Révéler ce qui attend Miss Pettigrew avant la fin de cette journée mémorable, c’est risquer de troubler le plaisir du lecteur qui, de surprise en surprise, sera entraîné dans un tourbillon d’éclats de rire jusqu’à la trouvaille finale.

Mon opinion

★★★★★

___Une fois n’est pas coutume, si je me fais généralement un principe de ne regarder un film qu’après avoir lu le livre dont il est tiré, dans le cas présent, c’est bien le visionnage de « Miss Pettigrew » qui m’aura finalement décidée à me plonger dans le roman à l’origine de l’adaptation !

___Car si « Cette sacrée vertu » figurait déjà bien dans ma wish-list depuis plusieurs mois, le titre ne comptait cependant pas dans mes achats prioritaires. C’était sans compter sur mon récent coup de foudre pour « Miss Pettigrew », un film tout en fraîcheur et porté par une Amy Adams divinement irrésistible ! Littéralement tombée sous le charme de cette comédie aux accents burlesques, je me suis donc procurée dès que j’ai pu le roman original que je me suis empressée de lire dans la foulée !

___Guenièvre Pettigrew, fille de clergyman âgée d’une quarantaine d’années, a toujours mené une véritable vie d’ascète. Aujourd’hui sans le sou et sans famille, cette existence vertueuse menée selon des principes rigides ne lui a permis ni de goûter au bonheur ni d’échapper à la misère. En quête désespérée d’une nouvelle place, Miss Pettigrew se trouve dans une situation aussi délicate qu’inconfortable. Mais alors que la gouvernante voit déjà l’ombre de l’hospice se profiler à l’horizon, la chance semble enfin lui sourire. La directrice du bureau de placement a en effet une offre d’emploi en tant que gouvernante pour elle. Aussitôt, Miss Pettigrew se rend donc chez l’intéressée, une certaine Miss Délysia Lafosse, comédienne « actuellement en disponibilité » et accessoirement chanteuse dans un nightclub dénommé le Paon écarlate. Sans même avoir eu le temps d’expliquer la raison de sa présence ni réalisé ce qui lui arrivait, la gouvernante se voit embarquer par la jeune femme dans une véritable mise en scène visant à se débarrasser d’un dénommé Phil (l’amant n°1), avant que Nick (l’amant n°2), ne débarque d’une minute à l’autre. Au terme d’une mise en scène astucieusement orchestrée, le drame est finalement évité et Miss Lafosse ne lésine pas sur les compliments pour remercier celle qui vient de lui sauver la vie ! Dès lors, les situations imprévues et les scènes ubuesques ne vont cesser de s’enchaîner pour la gouvernante. Après avoir assisté au défilé des nombreux amants de sa nouvelle employeuse, c’est ainsi au tour d’Edith Dubarry, une amie de Miss Lafosse, de faire une entrée remarquée. Sous ses airs de femme superficielle, Miss Pettigrew découvre très vite qu’il se cache une entrepreneuse dotée d’un sens des affaires redoutables. A la tête d’un institut de beauté (après avoir mis le grappin sur le patron !), Miss Dubarry ne tarde pas à offrir ses services à la gouvernante en lui proposant une véritable remise en beauté. Toute aussi fantasque et pétillante que Délysia en apparence, Miss Dubarry n’en est pas moins en train de vivre un véritable drame personnel : Tony vient de la quitter, persuadé (à tort, Edith est formelle !) qu’elle l’a trompé. Forte de son récent succès et désormais investie du statut de « bonne fée » par Miss Lafosse, Miss Pettigrew se retrouve ainsi malgré elle prise dans le tourbillon des péripéties sentimentales de Délysia et de son amie. Débute pour la gouvernante, vingt-quatre heures de folie qui vont balayer toutes ses certitudes et bouleverser sa vie à jamais.

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___Difficile d’imaginer deux personnages plus antithétiques que la terne Guenièvre Pettigrew et l’excentrique Délysia Lafosse. Un coup du destin va pourtant réunir les deux femmes le temps d’une folle journée et ainsi bouleverser leurs vies à jamais. Après une scène de rencontre mémorable aux accents d’anthologie, les révélations scandaleuses concernant son (encore hypothétique) nouvelle employeuse se succèdent pour Pettigrew qui voit ses principes moraux mis à rude épreuve par la vie débridée et insouciante de Miss Lafosse. Mais contre toute attente et poussées par le déroulé des évènements, les deux femmes vont rapidement nouer une belle complicité et développer une sincère affection l’une pour l’autre, devenant ainsi de véritables amies.

___Aussi décalée qu’insouciante, Délysia, qui semble avoir le chic pour se mettre dans des situations inextricables, ne tarde en effet pas à voir dans Miss Pettigrew sa bonne fée, infaillible dès lors qu’il s’agit de vous tirer d’un mauvais pas. Il faut dire que forte de ses expériences passées, la gouvernante ne manque pas de ressources quand il s’agit de désamorcer les situations les plus périlleuses. Quant à Miss Pettigrew, si elle se fait d’abord un devoir moral de porter secours à Miss Lafosse en la sauvant de sa vie dissolue et insouciante, elle se laisse pourtant rapidement charmée par l’existence trépidante de la jeune femme.

« Un coup de sonnette chez Miss Lafosse, était le prélude d’une aventure. Ce n’était pas un appartement ordinaire, où le timbre de la sonnette annonçait le boucher, le laitier ou le boulanger. La sonnette de Miss Lafosse signifiait un évènement, un drame, une nouvelle crise à affronter. Ah, si le bon Dieu daigner accomplir un miracle pour la faire rester là, pour qu’elle pût voir pendant un seul jour comment la vie pouvait être vécue ! Alors, pour le restant de ses jours, et surtout aux heures de détresse, elle revivrait en pensée l’unique jour de joie qu’il lui avait été donné de vivre. » p58

La nature imprévisible des évènements et le côté romanesque des situations éveillent bientôt chez elle une certaine sensation d’allégresse. Grisée par la confiance que lui porte Délysia et la considération que lui témoignent ses amis, Miss Pettigrew gagne peu à peu en assurance et en audace. Au contact de Miss Lafosse et de ses proches, l’honnête et droite gouvernante sent ainsi toutes ses années de sagesse et de vertu peu à peu s’envoler. Ses principes rigides cèdent, balayés par l’ivresse du moment présent et la soif d’aventure.

« Elle s’efforça pourtant d’imposer silence à la voix intérieure. Elle avait tellement envie de sortir avec Miss Lafosse, ce soir-là ; de voir une boîte de nuit, de participer aux divertissements du monde où l’on s’amuse ! Honnête et droite, elle sentait bien qu’elle avait renoncé à tous les principes moraux qui la guidaient jusque-là. En quelques heures, au premier assaut de la tentation, elle avait cédé. Tant d’années de sagesse et vertu, envolées au premier souffle ! » p134

« Brusquement, elle se tut. Elle n’avait pas encore cinquante ans, mais un jour elle les aurait ; sans foyer, sans amis, sans mari, sans enfants… Elle avait mené une existence d’ascète, une vie honorable, sans aventures, et qui ne laisserait guère de souvenirs. Le jour où Miss Lafosse aurait cinquante ans, si elle n’avait ni foyer, ni famille, que ferait-elle ? Du moins aurait-elle des souvenirs, et quels souvenirs ! » p157

___Avec Miss Lafosse, Miss Pettigrew goûte à un genre nouveau d’existence. Loin du sentier de la vertu qu’elle s’était jusque-là efforcée de suivre, la gouvernante découvre une nouvelle façon d’appréhender la vie. D’abord déroutée par l’accueil chaleureux qui lui est réservé et surprise de se voir si rapidement adoptée par le cercle d’amis de Délysia, Miss Pettigrew ne tarde pourtant pas à prendre goût à cette vie peu conventionnelle. Au contact du cercle d’amis de Miss Lafosse, ses préjugés tombent et ses certitudes s’érodent. Et l’idée de devoir bientôt quitter cette société bouillonnante et insouciante devient pour elle un véritable déchirement.

« Jamais personne ne lui avait parlé comme ces gens-là, qui ouvraient leur coeur au premier mot et qui, surtout, la regardaient, non comme une étrangère dont on se méfie, mais comme un membre du clan. Ils l’adoptaient, quoi. Ils l’adoptaient d’emblée. C’étaient des gens qui ne s’intéressaient ni à votre rang social, ni à votre famille, ni à l’importance de votre compte en banque. Ils vous voyaient : « Bonjour, comment allez-vous ? » Et ça venait du fond du coeur. On communiquait avec ces gens-là, on ne se sentait pas seul. Miss Pettigrew ne se sentait plus seule et, en même temps, elle s’apercevait qu’elle l’avait été, jusque-là, à un point qu’elle n’imaginait même pas.

Pendant des années, elle avait vécu chez des étrangers qui la toléraient tout au plus. Quelques heures seulement après être arrivée chez Miss Lafosse, elle s’y sentait comme chez elle. On l’acceptait, on lui parlait, on lui faisait des confidences. Cela lui réchauffait le coeur. » p.74-75

« Elle éprouva de la tristesse à penser que tous ces gens si dynamiques, avec leurs drames et leurs aventures, ne feraient que passer dans sa vie » p.90

___Sous la plume de Winifred Watson, la gouvernante quadragénaire à l’existence terne devient une véritable Cendrillon des temps modernes. Une intention pleinement assumée par l’auteure qui multiplie les références aux contes de fées à travers un champ lexical foisonnant. Dès lors, il importe peu au lecteur de voir évoluer des personnages excentriques au décours de situations totalement rocambolesques. Les évènements s’enchaînent à un rythme endiablé, portés par des dialogues savoureux et une galerie de personnages truculents et hauts en couleurs.

___Maniant l’ironie et le burlesque à la perfection, Winifred Watson nous livre un récit sans temps mort qui enchaîne les situations cocasses et les échanges verbaux pleins d’esprit. Décalé juste ce qu’il faut sans toutefois jamais sombrer dans l’absurde le plus abject ou le non-sens, « Cette sacrée vertu » séduira les amoureux de la littérature anglaise et de l’humour délicieusement british ! Une bouffée d’air frais et un concentré de bonne humeur à consommer sans modération !

Le film

__Réalisé en 2008 par Bharat Nalluri, « Miss Pettigrew lives for a day » est un véritable hommage à l’âge d’or des comédies américaines, s’inscrivant dans la lignée des « screwball comedy » des années 30.

___Si le roman et le film présentent bien quelques différences, les modifications apportées à l’intrigue originale ne dénaturent en rien l’oeuvre de Winifred Watson dont on retrouve ici tous les ingrédients.

___Alors que le roman de Winifred Watson, publié en 1938, s’affranchit de toute dimension historique, le film déploie quant à lui son intrigue à la veille de la Deuxième Guerre Mondiale dont il fait ici un élément de premier plan, appuyant ainsi la confrontation entre une jeune génération insouciante et libertaire et leurs aînés encore marqués par la Grande Guerre. Cette mise en parallèle des deux générations au regard de la menace d’une guerre imminente constitue un contre-pied intéressant et parfaitement maitrisé au registre essentiellement comique du film, lui ajoutant de fait une dimension plus dramatique et une intensité appréciable. Quant à la reconstitution des décors et des costumes du Londres des années 30, c’est une véritable réussite de bout en bout (et un vrai régal pour les yeux !).

___Parmi les autres changements notables opérés lors du passage à l’écran, le personnage d’Edith Dubarry qui, outre son côté snob (déjà présent dans le roman) apparaît dans le film sous les traits d’une femme calculatrice et sans scrupules n’hésitant pas à recourir au chantage. Dans « Miss Pettigrew », les déboires amoureux de la jeune femme vont d’ailleurs avoir de réelles répercussions sur la vie de la gouvernante et donner naissance à un triangle amoureux néanmoins parfaitement maîtrisé. Peut-être est-ce parce que j’ai vu le film avant de lire le roman ou simplement la conséquence logique de la performance remarquable de Shirley Henderson (absolument magistrale dans le rôle de la peste experte dans l’art de la duplicité), toujours est-il que si cette transfiguration du personnage de Miss Dubarry pourra en déranger certains, j’ai pour ma part trouvé ce virage aussi bien pensé que réussi. A côté de la posture ingénue, volontiers positive et toujours enjouée de la blonde Miss Lafosse, la brune et calculatrice Miss Dubarry offre en effet un contraste incroyablement jubilatoire tout en ouvrant à l’intrigue de nouvelles perspectives particulièrement intéressantes.

___Malgré plusieurs modifications au regard de l’oeuvre originale, « Miss Pettigrew » conserve en tout point l’esprit décalé et le rythme effréné du roman de Winifred Watson. Aucune fausse note dans le choix du casting : Amy Adams est absolument irrésistible dans le rôle de l’ingénue volage et opportuniste et Frances McDormand campe une Miss Pettigrew plutôt convaincante quoique plus réservée et davantage moralisatrice que son homologue littéraire.

___L’énergie palpable des acteurs et leur jeu subtilement dosé aboutit à un équilibre parfait entre fantaisie et émotion, insufflant au film toute sa dynamique. Les répliques fusent avec naturel dans ce film à la fois désuet et rafraîchissant.

___Servi par une mise en scène aussi soignée que très théâtrale, « Miss Pettigrew » est une comédie pétillante et pleine de caractère parfaite en cas de petite déprime !

Vous l’aurez compris, si vous aimez la littérature anglaise et l’humour british, je ne peux que chaudement vous recommander de vous pencher sur le roman de Winifred Watson et/ou son adaptation cinématographique!  Seul bémol, le DVD du film n’est disponible qu’en VO (le film est bien sorti en salles en France mais il n’y a pas eu de version française en DVD)… Mais ce serait vraiment un sacrilège de passer à côté de ces deux véritables bijoux d’humour ! 😉