[Film] « Pension d’artistes » de Gregory La Cava (1937)

noblesse-oblige

divider3

  • Titre original : Stage Door
  • Année : 1937
  • Pays: Etats-Unis
  • Genre : Comédie
  • Réalisation : Gregory La Cava
  • Scénario : Morrie Ryskind, Anthony Veiller
  • Producteur(s) : Pandro S. Berman
  • Production : RKO
  • Interprétation : Katharine Hepburn (Terry Randall), Ginger Rogers (Jean Maitland), Adolphe Menjou (Anthony Powell), Gail Patrick (Linda Shaw), Andrea Leeds (Kay Hamilton), Lucile Ball (Judy Canfield), Constance Collier (Catherine Luther)…
  • Durée : 1h32

divider5

Avis

image_coup_de_coeur_un_fr_gif

___Librement adapté d’une pièce du même nom qui faisait alors un triomphe à Broadway (écrite par Edna Ferber et George S. Kaufan en 1936), « Stage door » relate les hauts et les bas d’un groupe de jeunes actrices ambitieuses, issues de milieux différents, et vivant regroupées dans une modeste pension New-Yorkaise. Un film inspiré et d’une rare spontanéité qui aborde avec brio la précarité de la condition d’artiste dans l’Amérique des années 30.

___Elle-même comédienne rangée, Mrs Orcutt (Elizabeth Dunne) est propriétaire des « feux de la rampe » (Footlights club), une pension d’artistes à New York qui héberge de jeunes femmes désireuses de percer dans le monde du spectacle.

arrivee2

Jean (Ginger Rogers) accueillant (fraichement) Terry Randall (Katharine Hepburn) lors de son arrivée à la pension

Terry Randall (Katharine Hepburn), aspirante comédienne issue de la bonne société du Middle West espère elle aussi faire ses preuves dans ce milieu qui compte beaucoup de candidates mais peu d’élues. La riche héritière débarque incognito à la pension de Mrs Orcutt. Elle est cependant aussitôt trahie par son allure distinguée et ses manières qui détonnent franchement avec le reste du groupe. La nouvelle arrivante fait l’objet de tous les regards et de toutes les conversations.

arrivee

Terry, la nouvelle venue à la pension, faisant l’objet de toutes les conversations

Parmi les autres pensionnaires, il y a notamment : Linda Shaw (Gail Patrick), jeune femme sophistiquée et prétentieuse (et grassement entretenue par Anthony Powell (Adolphe Menjou), un producteur aussi philanthrope que pervers) ; Jean Maitland (Ginger Rogers), danseuse au caractère bien trempé; et Kaye Hamilton (Andrea Leeds), comédienne prometteuse qui a connu un grand succès la saison passée dans le rôle-titre du dernier spectacle de Powell. Toutes espèrent rencontrer un producteur ou un généreux mécène qui fera décoller leur carrière.

A la pension, Terry se trouve rapidement contrainte de faire chambre commune avec Jean. Entre les deux jeunes femmes, les premiers échanges sont pour le moins houleux. Elles se livrent un duel verbal sans concession, rivalisant de répliques mordantes et de piques assassines. Il faudra à Terry beaucoup de patience et toute sa force de caractère pour parvenir à se faire accepter parmi ses nouvelles camarades. Au sein de cette ruche de talents en germe, seule la douce et tranquille Kay accueille la nouvelle venue avec bienveillance.

hepburn4

Kay (Andrea Leeds) et Terry (Katharine Hepburn)

En apparence plus effacée, c’est aussi la plus travailleuse de toutes, et celle qui a le plus de talent. Après avoir connu un premier succès sur les planches, elle rêve de décrocher ce qu’elle considère être le rôle de sa vie : celui de Jeannette dans la pièce « Avril enchanté ». Un rôle qui sera finalement attribué à Terry grâce à l’intervention en coulisse d’un mystérieux mécène…

actrice2

Kay (Andrea Leeds) confiant à son amie Jean (Ginger Rogers) son désir brulant d’obtenir le premier rôle dans la pièce « Avril enchanté »

___Dès la scène d’ouverture le ton du film est donné. « Les feux de la rampe » apparait aux yeux du spectateur comme un vase clos, un lieu bouillonnant de vie et de féminité. Dans un va-et-vient permanent, il y règne une ambiance de joyeux désordre où la journée s’écoule sans temps-mort, entre disputes et confidences, au rythme des ragoûts insipides servis à chaque repas. Bien plus qu’un espace de vie, les locataires partagent leurs désillusions et petits bonheurs quotidiens qui constituent les aléas de leurs trajectoires d’artistes en herbe. Les répliques fusent, pleines de fougue et de verve, et les réparties cinglent à une allure endiablée. Mais c’est bien cette atmosphère survoltée et querelleuse qui fait tout le sel du film. On assiste à une surenchère de bons mots et de traits d’esprit allant des plus fins aux plus mordants. Des dialogues au cordeau qui grouillent d’inventivité et d’impertinence, à l’image de la délicieuse insolence de celles qui les débitent. Derrière la cacophonie apparente, de vraies personnalités surgissent. Des caractères variés et bien identifiables qui se dessinent dès la première scène et s’affirment tout au long du film.

dispute

1) Mrs Orcutt et Catherine Luther (Constance Collier) ; 2) Jean, Mrs Orcutt et Linda (Gail Patrick); 3 et 4) Jean et Judy (Lucille Ball)

A côté des personnages principaux, même les rôles secondaires tirent leur épingle du jeu et parviennent à retenir l’attention du spectateur : de Hattie (Phyllis Kennedy), la domestique qui veille à la bonne tenue de la maisonnée à Judy (Lucille Ball) qui enchaîne les rencards avec des garçons un peu niais, en passant par Olga (Norma Drury Boleslavsky), pianiste confirmée, qui met ses talents au service de ses camarades afin de leur permettre de répéter leurs numéros. Ou encore Eve (Eve Arden) qui déambule toujours affublée de son chat qu’elle porte enroulé sur ses épaules comme s’il s’agissait d’un accessoire de mode et Catherine Luther (Constance Collier), ancienne comédienne, qui semble errer dans la pension telle le spectre d’une actrice obsolète qui se raccroche au souvenir de ses anciens rôles.

sans-titre-15

Catherine Luther (Constance Collier) exposant aux pensionnaires sa conception du jeu d’acteur et sa vision du théâtre

___Avant le tournage, Gregory La Cava avait chargé une de ses assistantes (Winfrid Thackrey) de s’infiltrer au sein du Hollywood Studio Club (sorte d’hôtel particulier réservé à de jeunes artistes femmes que le manque d’argent ou de relations rendait vulnérables). L’objectif était pour le réalisateur, d’engranger de la matière en vue de son futur film. Durant cette période et en accord avec la gérante de l’établissement, elle se fit passer pour une aspirante actrice et était chargée d’écouter les conversations des jeunes femmes dans la salle commune, prenant des notes et retenant les échanges les plus piquants. Si certains des dialogues furent réutilisés dans le film, ce travail préparatoire permit surtout de saisir l’ambiance de camaraderie féminine et l’état d’esprit qui se dégageait de cette vie en communauté. Sur le tournage, le réalisateur observait de même avec grande attention les conversations des comédiennes en dehors du plateau, toujours à l’affut d’un bon mot ou d’une attitude susceptible d’être reprise dans le film. Rendu à l’écran, cela donne une impression de grand naturel dans les interactions et une réelle complicité entre les actrices.

hepburn2

Terry Randall (Katharine Hepburn) s’adressant à sa colocataire Jean (Ginger Rogers)

___Nommé dans 4 catégories pour l’oscar, « Pension d’artistes » permit à Ginger Rogers de démontrer l’étendue de sa palette dramatique (et pas seulement ses talents de danseuse) dans un film où son nom n’était pas accolé à celui de Fed Astaire. Quant à Katharine Hepburn, il lui fournit l’occasion de renouer avec le succès après plusieurs échecs commerciaux successifs1. Dans ce film, l’actrice campe une jeune femme déterminée et taillée pour l’aventure qui rejette farouchement l’existence aisée et confortable que lui offre sa famille pour devenir l’unique artisan de sa vie.

arrivee3

Terry Randall (Katharine Hepburn) observant les autres pensionnaires

En se joignant à ces apprenties comédiennes désargentées, elle rêve de se construire un destin à la mesure de celui de son grand-père, un pionnier, parti à la conquête de l’Ouest. Une simple « lubby » pour son père qui, au cours d’un déjeuner en tête-à-tête, lui pose un ultimatum. Si elle s’obstine dans cette voie, ce sera seule et par ses propres moyens, sans compter sur le soutien de sa famille. Il espère secrètement qu’après avoir connu l’échec, sa fille retrouve le chemin de la cellule familiale et d’une vie rangée. De son côté, Terry demeure inflexible, convaincue que le travail est la seule clef de la réussite. Issue d’un milieu bourgeois, elle ne réalise pas à quel point sa vision du monde qui l’entoure est en réalité biaisée. Elle a bénéficié d’une éducation privilégiée et a grandi à l’abri, dans une bulle qui l’a préservée des difficultés. Malgré ses efforts, la fracture sociale qui la sépare de ses camarades finit toujours par la rattraper, donnant lieu à des dialogues de sourds et des échanges parfois explosifs. Incapable de saisir le prosaïsme du quotidien et des difficultés matérielles auxquelles ses camarades se trouvent confrontées, les commentaires abrupts de la jeune femme manquent souvent de tact et de discernement. Comme une enfant déconnectée du réel, Terry ne réalise pas que l’argent et les relations sont autant de facteurs qui pèsent dans la balance et truquent l’équation du succès. Dans ce milieu impitoyable où la compétition fait rage et où le talent n’est pas toujours le garant de la réussite, les places se paient en effet souvent cher pour décrocher un rôle.

powell4

Terry Randall (Katharine Hepburn) s’adressant à Anthony Powell (Adolphe Menjou) après avoir forcé le passage à son bureau

Véritable symbole d’un système corrompu, Powell incarne l’archétype du producteur amoral qui abuse de son autorité sur de jeunes femmes vulnérables et influençables. Auprès de ses victimes, il déroule un même scénario bien rodé et multiplie les promesses.

hepburn-powell

Powell (Adolphe Menjou) dans un face-à-face avec Terry (Katharine Hepburn)

Après Linda, dont il finit par se lasser, c’est bientôt au tour de Jean de faire les frais des tentatives de séduction insistantes du producteur. Repérée tandis qu’elle répète avec son amie Annie (Ann Miller2), la jolie blonde, d’abord méfiante, ne résiste pourtant pas longtemps à l’appel des projecteurs et cède progressivement du terrain.

powell3

Jean (Ginger Rogers) baisse peu à peu la garde face à Powell (Adolphe Menjou)

Les mises en garde de Linda (qui lui livre par le menu et sur un ton mi menaçant mi sarcastique ce qui l’attend si elle se rend chez Powell) ne semblent pas l’impressionner.

sans-titre-22

Elle rêve de voir son nom illuminer Broadway. Une fois dans l’appartement du producteur, elle se remémorera pourtant les paroles ô combien malheureusement prophétiques de sa meilleure ennemie.

Quant à Kay, telle une étoile filante, elle connait un destin aussi fulgurant que tragique. Après avoir connu une gloire éphémère, elle ne parvient pas à rebondir. Tout au long du film, l’ombre de la tragédie plane en permanence sur son personnage. Son existence marquera cependant de manière indélébile la vie de ses camarades qui se trouveront à travers elle à jamais liées par un traumatisme et une douleur communes.

kay

Kay (Andrea Leeds) se remémorant son triomphe sur scène la saison passée

___C’est donc un portrait tout en contrastes que nous livre Gregory La Cava. Un film à la fois drôle et tragique, dans lequel les grandes ambitions individuelles et les rêves de gloire sont éclipsés par les impératifs du quotidien : la course aux auditions et la quête fébrile du prochain cachet qui permettra de payer la chambre et de remplir les estomacs affamés. Autant d’angoisses dissimulées sous les rires tonitruants et les échanges mordants qu’on se lance à la figure. Un détachement de façade doublé d’un cynisme exubérant, comme en réponse à la précarité de leur condition et aux désillusions successives que chacune traverse de son côté. L’ironie piquante des dialogues et l’ambiguïté des situations qui oscillent entre trivialité et pathétique servent alors souvent de masques à des blessures profondes et à une réalité trop sordide pour être affrontée sans ces filtres. La crudité n’est pas tant dans les images que dans ce qui se passe hors de la scène : les regards en biais (où se lit tantôt la lubricité, tantôt la peur), les non-dits et ce que l’on devine entre les lignes. Face à un monde d’hommes qui leur est résolument hostile, la désinvolture et le sarcasme deviennent leurs meilleures armes pour chasser la morosité des coeurs et ne pas se laisser ronger par le désespoir. Le spectateur rit, tout en percevant en arrière-plan le caractère malsain et profondément précaire de la situation des personnages.

tony-powell2

Jean (Ginger Rogers) évoquant sa première rencontre avec Powell

___Dans « Pension d’artistes », La Cava se place du côté des femmes, dans un film résolument féministe. Décrivant une société patriarcale dans laquelle ce sont les hommes qui fixent les règles et occupent les postes influents, il montre sans détour comment certains usent de ce rapport de force à leur avantage et dénoncent les abus de pouvoir. Plus qu’un simple point de chute, la pension de Mrs Orcutt symbolise pour ces jeunes femmes démunies un lieu sécurisant, qui leur appartient, et dans lequel elles peuvent laisser libre cours à leurs sentiments, sans craindre de subir la domination des hommes. Car n’entre pas qui veut dans cette forteresse peuplée de femmes. Avant de réussir à s’y introduire, Terry commence par se heurter à une porte condamnée. Anthony Powell ne vient jamais chercher Linda en personne (faisant simplement avancer son chauffeur) et les rares hommes qui s’aventurent dans les lieux n’en dépassent jamais le seuil. Quant au chat de Eve (Henry), seul représentant mâle du domaine, il se fera finalement rebaptiser Henrietta après que l’on ait finalement découvert qu’il s’agissait en fait… d’une femelle !

Le réalisateur s’applique à mettre en scène des femmes jeunes, mais pas naïves. En dépit de leur âge et de leur fraîcheur, elles portent déjà le poids des désillusions traversées et de quelques rêves brisés. Sans connaître le détail de leurs vies passées (lesquelles ne nous sont jamais dévoilées), on devine cependant des plaies encore à vif, donnant au film une ambiance particulière, où cohabitent légèreté de ton et profondeur des sentiments. « Pension d’artistes » repose en grande partie sur une gestion subtile et maitrisée de cette tonalité douce-amère. Le film joue en permanence sur un équilibre fragile, susceptible de faire passer le spectateur du rire aux larmes à chaque instant, avant de basculer ouvertement dans le drame sur la dernière partie. L’évènement tragique qui précipite ce changement de registre sera aussi celui qui permettra à Terry de se révéler en tant qu’actrice. Sidérée par la nouvelle qu’elle vient d’apprendre, elle traverse les coulisses comme un spectre, avant de paraitre sur scène où, transfiguré par la douleur, son jeu devient méconnaissable. Sous le regard larmoyant de ses camarades, les yeux embués de larmes et la gorge serrée par l’émotion, son interprétation devient bouleversante.

hepburn6

Terry (Katharine Hepburn) lors de la première de « Avril enchanté » (juste avant la célèbre réplique: « The calla lilies are in bloom again… »)

Dans une jolie conclusion, le film nous ramène quelques mois plus tard dans une pension qui grouille à nouveau de son agitation habituelle. Tandis que Judy part vers de nouvelles aventures, une nouvelle venue débarque, les yeux brillant d’espérances. Comme si de rien n’était. A la pension, la vie reprend ses droits et l’histoire semble se répéter. De nouvelles étoiles prenant la place de celles disparues. Après tout, « The show must go on »…

sans-titre-4

Jean et Terry après la représentation de « Avril enchanté »

Car si la compétition fait rage entre certaines, c’est avant tout un remarquable esprit de solidarité et de camaraderie féminine qui domine, en particulier dans les coups durs. L’échec de l’une devient celui de l’ensemble du groupe. On se serre beaucoup plus les coudes que ce que la virulence des mots échangés pourrait laisser croire. Malgré la précarité de leur situation, on devine que les pensionnaires de Mrs Orcutt ne renonceraient à leur « taudis » pour rien au monde. Il en va bientôt de même pour le spectateur qui voudrait lui aussi continuer à suivre les joies et les peines de cette tribu attachante. On quitte tout ce petit monde à regret, et on voudrait ne jamais voir la porte de la pension se refermer une fois le film terminé.

sans-titre-26

Notes et anecdotes :

  1. En 1933, elle joua à Broadway dans la pièce The Lake de Dorothy Massingham, qui fut l’un de ses plus grands échecs professionnels. La caustique Dorothy Parker fit des gorges chaudes de son interprétation dans une critique assassine où elle écrira à son propos : « Courez au Martin Beck, Katharine Hepburn y décline le registre complet de l’émotion, de A à B. ». La réplique mythique entendue dans « Pension d’artistes » : « The calla lilies are in bloom again… », et que Terry se montre incapable de débiter correctement, est en fait issue de la pièce même de Dorothy Massingham. Dans la bouche du personnage interprété par Hepburn, cette mise en abyme fait donc directement écho à son échec à Broadway. L’actrice retourne ensuite à Hollywood où elle tourne plusieurs films : Alice Adams (Désirs Secrets, 1935) de George Stevens, Sylvia Scarlett (1935) de George Cukor, ainsi que Mary Of Scotland (Mary Stuart, 1936) de John Ford. Si le premier fut un succès, les deux autres furent des échecs retentissants.
  2. Ann Miller (à gauche ci-dessous), qui partage un numéro de danse avec Ginger Rogers (à droite) dans le film, avait dû mentir sur son âge pour obtenir le rôle. Prétendant être âgée de 18 ans, elle n’en avait en réalité que 14, et n’avait donc alors pas l’âge légal pour signer un contrat de travail.

numero2

NB: Les images sont tirées de la version DVD du film (Editions Montparnasse)

 

divider4

« Agatha Raisin enquête #1: La quiche fatale » de M. C. Beaton

fillenavigua

Quatrième de couverture

Sur un coup de tête, Agatha Raisin décide de quitter Londres pour goûter aux délices d’une retraite anticipée dans un paisible village des Costwolds, où elle ne tarde pas à s’ennuyer ferme.
Afficher ses talents de cordon-bleu au concours de cuisine de la paroisse devrait forcément la rendre populaire. Mais à la première bouchée de sa superbe quiche, l’arbitre de la compétition s’effondre et Agatha doit révéler l’amère vérité : elle a acheté la quiche fatale chez un traiteur.
Pour se disculper, une seule solution : mettre la main à la pâte et démasquer elle-même l’assassin.
  • Mon opinion

★★★★★

___Une pincée de mystère, un soupçon d’originalité et une grosse dose d’humour, voilà en substance les principaux ingrédients de « La quiche fatale », premier roman de la série « Agatha Raisin enquête » initialement débutée en 1992 en Angleterre et enfin traduite en France par les éditions Albin Michel.

___A 53 ans et après avoir dévolu sa vie à sa carrière professionnelle, Agatha est en passe de réaliser un rêve d’enfance : quitter Londres afin de jouir d’une retraite anticipée au coeur d’un ravissant village des Costwolds où elle a fait l’acquisition d’un petit cottage. Dans cette petite bourgade au charme pittoresque, l’excentrique citadine détonne et semble en complet décalage avec le reste des habitants. De fait, après avoir essuyé quelques déconvenues (et débauché au passage la femme de ménage de sa voisine), Agatha réalise que l’intégration s’annonce plus difficile que prévu. Pleine de bonne volonté et gonflée de bonnes intentions, elle décide finalement de participer à un grand concours de quiches afin de chasser le sentiment de solitude qui l’assaille peu à peu.

Pour Agatha, ce concours est l’occasion rêvée de se faire remarquer et d’enfin briser la glace avec le voisinage. Soucieuse de briller lors de la compétition et d’ainsi faire bonne impression, notre experte des relations publiques ne s’embarrasse d’aucun scrupule, allant jusqu’à présenter au concours une quiche achetée auprès de son traiteur favori. Il faut dire à sa décharge que notre citadine londonienne est plus connue pour être la reine du micro-onde que celle des fourneaux.

Une petite tricherie qui aurait pu rester sans conséquence si Mr Cummings-Browne, l’arbitre de la compétition, n’avait pas été retrouvé mort, empoisonné, à son domicile le lendemain du concours. Très vite, tous les soupçons se tournent vers la nouvelle habitante. Il faut dire que les premières preuves semblent s’accumuler contre elle.

Interrogée par la police qui semble résolue à jouer avec ses nerfs, Agatha se trouve dans une situation des plus inconfortables. Si elle veut se disculper, elle sait qu’elle va devoir avouer sa tricherie au risque de se mettre tout le village à dos. Se sentant victime d’une terrible injustice, Agatha entend bien laver son honneur en démasquant le coupable. S’improvisant enquêtrice, elle espère ainsi faire éclater la vérité et gagner ainsi le respect des habitants.

 *_____*_____*

___On connaît depuis longtemps le talent des Britanniques pour écrire d’hilarantes comédies policières. Leur savoir-faire en la matière n’est plus à démontrer. Ils excellent dans l’art de mettre en scène des personnages truculents et leur inventivité en termes de péripéties et autres situations rocambolesques semble sans limite.

Avec cette série à mi-chemin entre la comédie loufoque et le récit policier, M. C. Beaton fait donc à son tour le choix de s’affranchir des codes traditionnels du roman policier classique pour embrasser le parti-pris de la comédie policière. Un exercice souvent périlleux et qui requiert autant d’audace que de talent pour se révéler pleinement réussi. Le mélange des genres tendant trop souvent à nuire à la qualité de l’intrigue qui perd dès lors inévitablement en efficacité.

___Initialement paru au début des années 90 en Angleterre, Agatha Raisin, n’a rien perdu de son charme et conserve aujourd’hui encore tout le sel a l’origine du succès de la saga (plus de 15 millions d’exemplaires vendus dans le monde).

Premier titre d’une série qui en compte vingt-sept à ce jour, « La quiche fatale » donne le ton de la saga. Surtout, avec ce premier volet d’une rare maîtrise, M.C. Beaton montre qu’elle a su avec brio éviter tous les écueils propres à l’exercice de la comédie policière. Sans jamais privilégier un registre au détriment de l’autre, l’auteure réussit en effet magistralement à mêler humour et suspense policier.

Après avoir renoncé à son agence de relations publiques (bâtie au prix de longues années de labeur) et troqué sa vie londonienne dans l’espoir de goûter au calme et à une vie de loisirs, Agatha Raisin, se retrouve donc télescopée au coeur d’une paisible petite bourgade anglaise. Dans ce microcosme au charme pittoresque, l’excentrique citadine apparaît totalement inadaptée et ne tarde pas à regretter l’air pollué de Londres qui la faisait se sentir si vivante. Impertinente, maladroite, pétrie de contradictions et ne mâchant pas ses mots, Agatha Raisin est un parangon d’anticonformisme et incarne l’archétype de l’anti-héroïne. Mais c’est justement parce qu’elle multiplie les gaffes et n’a pas sa langue dans sa poche qu’elle nous est aussi attachante. Ses excentricités et son langage fleuri font tout le charme de cette enquêtrice du dimanche aux méthodes d’investigation frisant l’amateurisme. On se régale des péripéties en chaîne de cette Mrs Marple aussi impertinente et exaspérante qu’attachante.

Il faut dire que M. C. Beaton n’y va pas avec le dos de la cuillère et ne lésine pas sur les situations cocasses et les dialogues relevés. Une surenchère d’ironie et de sarcasmes qui ne parvient cependant jamais à doucher l’enthousiasme du lecteur. Usant d’une écriture efficace qui imite celle des sitcoms dont elle reprend ici les procédés, l’auteure parvient à maintenir un rythme enlevé tout au long du récit. De surcroît, on se prend littéralement au jeu de cette enquête riche en surprises et en rebondissements, et menée avec entrain par une héroïne irrésistible et pleine de caractère. Sous ses allures de carte postale, le village de Carsely dissimule bien des secrets : corruption, affaires de moeurs… de nombreux habitants semblent avoir plus d’un cadavre au fond de leurs placards.

___Véritable hommage à Agatha Christie, les aventures d’Agatha Raisin regorgent de références aux romans policiers de la légendaire « reine du crime », Mais le récit recèle aussi de véritables bijoux d’ironie ! Au détour d’un chapitre, M. C. Beaton égratigne ainsi tour à tour avec malice journalistes, touristes, citadins… A travers sa galerie de personnages, elle exacerbe et tourne en dérision les petits travers de la nature humaine.

Avec cette saga pleine de charme et d’originalité, M. C. Beaton se démarque de la production littéraire habituelle, affirmant son propre style et revendiquant une vraie personnalité. Sans jamais perdre de vue les enjeux initiaux de son récit, la romancière construit surtout habilement une intrigue convaincante, portée par une galerie de personnages truculents et hauts en couleurs.

Ce premier tome est aussi l’occasion pour l’auteure d’introduire quelques uns des protagonistes qui constitueront la clé de voûte de la saga. L’univers de la série s’étoffera au fil des aventures, s’enrichissant de nouveaux personnages tandis que certains, récurrents, devraient voir leurs rôles renforcés. On devrait ainsi notamment retrouver le sympathique jeune constable Bill Wong, Doris Simpson, la femme de ménage, Roy Silver, l’ex-assistant, ou encore James Lacey, le séduisant nouveau voisin.

Une lecture revigorante et savoureuse, à déguster sans modération ! Pour ma part, j’ai déjà entamé le prochain tome de la série dont j’attends la suite de la traduction avec grande impatience !

Je remercie infiniment les éditions Albin Michel pour cette formidable découverte !

  • Extraits

« Une guerre faisait rage quelque part, comme d’habitude, et recevait le même traitement journalistique que d’habitude ; autrement dit, le présentateur et le reporter faisaient un brin de causette. « John, vous m’entendez ? Comment la situation a-t-elle évolué ? – Eh bien, Peter… » Quand ils passèrent enfin la parole à l’inévitable « expert », Agatha en était arrivée à se demander pourquoi diable les médias se donnaient la peine d’envoyer quelqu’un sur place. Tout recommençait comme pendant la guerre du Golfe, où la plupart des images qu’on avait pu voir montraient un reporter planté devant un palmier à côté d’un quelconque hôtel du Riyad. Que de dépenses inutiles ! L’envoyé spécial n’avait jamais grand-chose à apporter, et ce serait revenu bien moins cher de le filmer devant un palmier dans un studio londonien. » (p.23)

« Cette sacrée vertu » de Winifred Watson (1938) / « Miss Pettigrew lives for a day » (2008)

Résumé

A 9h15, Miss Guenièvre Pettigrew, vieille fille aussi vertueuse que résolument opposée à toute coquetterie, apprenait qu’une certaine Miss Lafosse cherchait une bonne d’enfants… A 9h45, elle sonnait chez Miss Lafosse et trouvait au lieu des enfants attendus, une ravissante jeune femme en déshabillé vaporeux et un monsieur à demi endormi ! A 10h15, elle se voit embarquée dans un imbroglio sentimental inextricable. A 15h13, elle console, avec un art et un doigté qui l’étonnent elle-même, une jeune fille en pleurs qui vient de se disputer avec son fiancé. A 17h02… Mais chut ! Révéler ce qui attend Miss Pettigrew avant la fin de cette journée mémorable, c’est risquer de troubler le plaisir du lecteur qui, de surprise en surprise, sera entraîné dans un tourbillon d’éclats de rire jusqu’à la trouvaille finale.

Mon opinion

★★★★★

___Une fois n’est pas coutume, si je me fais généralement un principe de ne regarder un film qu’après avoir lu le livre dont il est tiré, dans le cas présent, c’est bien le visionnage de « Miss Pettigrew » qui m’aura finalement décidée à me plonger dans le roman à l’origine de l’adaptation !

___Car si « Cette sacrée vertu » figurait déjà bien dans ma wish-list depuis plusieurs mois, le titre ne comptait cependant pas dans mes achats prioritaires. C’était sans compter sur mon récent coup de foudre pour « Miss Pettigrew », un film tout en fraîcheur et porté par une Amy Adams divinement irrésistible ! Littéralement tombée sous le charme de cette comédie aux accents burlesques, je me suis donc procurée dès que j’ai pu le roman original que je me suis empressée de lire dans la foulée !

___Guenièvre Pettigrew, fille de clergyman âgée d’une quarantaine d’années, a toujours mené une véritable vie d’ascète. Aujourd’hui sans le sou et sans famille, cette existence vertueuse menée selon des principes rigides ne lui a permis ni de goûter au bonheur ni d’échapper à la misère. En quête désespérée d’une nouvelle place, Miss Pettigrew se trouve dans une situation aussi délicate qu’inconfortable. Mais alors que la gouvernante voit déjà l’ombre de l’hospice se profiler à l’horizon, la chance semble enfin lui sourire. La directrice du bureau de placement a en effet une offre d’emploi en tant que gouvernante pour elle. Aussitôt, Miss Pettigrew se rend donc chez l’intéressée, une certaine Miss Délysia Lafosse, comédienne « actuellement en disponibilité » et accessoirement chanteuse dans un nightclub dénommé le Paon écarlate. Sans même avoir eu le temps d’expliquer la raison de sa présence ni réalisé ce qui lui arrivait, la gouvernante se voit embarquer par la jeune femme dans une véritable mise en scène visant à se débarrasser d’un dénommé Phil (l’amant n°1), avant que Nick (l’amant n°2), ne débarque d’une minute à l’autre. Au terme d’une mise en scène astucieusement orchestrée, le drame est finalement évité et Miss Lafosse ne lésine pas sur les compliments pour remercier celle qui vient de lui sauver la vie ! Dès lors, les situations imprévues et les scènes ubuesques ne vont cesser de s’enchaîner pour la gouvernante. Après avoir assisté au défilé des nombreux amants de sa nouvelle employeuse, c’est ainsi au tour d’Edith Dubarry, une amie de Miss Lafosse, de faire une entrée remarquée. Sous ses airs de femme superficielle, Miss Pettigrew découvre très vite qu’il se cache une entrepreneuse dotée d’un sens des affaires redoutables. A la tête d’un institut de beauté (après avoir mis le grappin sur le patron !), Miss Dubarry ne tarde pas à offrir ses services à la gouvernante en lui proposant une véritable remise en beauté. Toute aussi fantasque et pétillante que Délysia en apparence, Miss Dubarry n’en est pas moins en train de vivre un véritable drame personnel : Tony vient de la quitter, persuadé (à tort, Edith est formelle !) qu’elle l’a trompé. Forte de son récent succès et désormais investie du statut de « bonne fée » par Miss Lafosse, Miss Pettigrew se retrouve ainsi malgré elle prise dans le tourbillon des péripéties sentimentales de Délysia et de son amie. Débute pour la gouvernante, vingt-quatre heures de folie qui vont balayer toutes ses certitudes et bouleverser sa vie à jamais.

*____*____*

___Difficile d’imaginer deux personnages plus antithétiques que la terne Guenièvre Pettigrew et l’excentrique Délysia Lafosse. Un coup du destin va pourtant réunir les deux femmes le temps d’une folle journée et ainsi bouleverser leurs vies à jamais. Après une scène de rencontre mémorable aux accents d’anthologie, les révélations scandaleuses concernant son (encore hypothétique) nouvelle employeuse se succèdent pour Pettigrew qui voit ses principes moraux mis à rude épreuve par la vie débridée et insouciante de Miss Lafosse. Mais contre toute attente et poussées par le déroulé des évènements, les deux femmes vont rapidement nouer une belle complicité et développer une sincère affection l’une pour l’autre, devenant ainsi de véritables amies.

___Aussi décalée qu’insouciante, Délysia, qui semble avoir le chic pour se mettre dans des situations inextricables, ne tarde en effet pas à voir dans Miss Pettigrew sa bonne fée, infaillible dès lors qu’il s’agit de vous tirer d’un mauvais pas. Il faut dire que forte de ses expériences passées, la gouvernante ne manque pas de ressources quand il s’agit de désamorcer les situations les plus périlleuses. Quant à Miss Pettigrew, si elle se fait d’abord un devoir moral de porter secours à Miss Lafosse en la sauvant de sa vie dissolue et insouciante, elle se laisse pourtant rapidement charmée par l’existence trépidante de la jeune femme.

« Un coup de sonnette chez Miss Lafosse, était le prélude d’une aventure. Ce n’était pas un appartement ordinaire, où le timbre de la sonnette annonçait le boucher, le laitier ou le boulanger. La sonnette de Miss Lafosse signifiait un évènement, un drame, une nouvelle crise à affronter. Ah, si le bon Dieu daigner accomplir un miracle pour la faire rester là, pour qu’elle pût voir pendant un seul jour comment la vie pouvait être vécue ! Alors, pour le restant de ses jours, et surtout aux heures de détresse, elle revivrait en pensée l’unique jour de joie qu’il lui avait été donné de vivre. » p58

La nature imprévisible des évènements et le côté romanesque des situations éveillent bientôt chez elle une certaine sensation d’allégresse. Grisée par la confiance que lui porte Délysia et la considération que lui témoignent ses amis, Miss Pettigrew gagne peu à peu en assurance et en audace. Au contact de Miss Lafosse et de ses proches, l’honnête et droite gouvernante sent ainsi toutes ses années de sagesse et de vertu peu à peu s’envoler. Ses principes rigides cèdent, balayés par l’ivresse du moment présent et la soif d’aventure.

« Elle s’efforça pourtant d’imposer silence à la voix intérieure. Elle avait tellement envie de sortir avec Miss Lafosse, ce soir-là ; de voir une boîte de nuit, de participer aux divertissements du monde où l’on s’amuse ! Honnête et droite, elle sentait bien qu’elle avait renoncé à tous les principes moraux qui la guidaient jusque-là. En quelques heures, au premier assaut de la tentation, elle avait cédé. Tant d’années de sagesse et vertu, envolées au premier souffle ! » p134

« Brusquement, elle se tut. Elle n’avait pas encore cinquante ans, mais un jour elle les aurait ; sans foyer, sans amis, sans mari, sans enfants… Elle avait mené une existence d’ascète, une vie honorable, sans aventures, et qui ne laisserait guère de souvenirs. Le jour où Miss Lafosse aurait cinquante ans, si elle n’avait ni foyer, ni famille, que ferait-elle ? Du moins aurait-elle des souvenirs, et quels souvenirs ! » p157

___Avec Miss Lafosse, Miss Pettigrew goûte à un genre nouveau d’existence. Loin du sentier de la vertu qu’elle s’était jusque-là efforcée de suivre, la gouvernante découvre une nouvelle façon d’appréhender la vie. D’abord déroutée par l’accueil chaleureux qui lui est réservé et surprise de se voir si rapidement adoptée par le cercle d’amis de Délysia, Miss Pettigrew ne tarde pourtant pas à prendre goût à cette vie peu conventionnelle. Au contact du cercle d’amis de Miss Lafosse, ses préjugés tombent et ses certitudes s’érodent. Et l’idée de devoir bientôt quitter cette société bouillonnante et insouciante devient pour elle un véritable déchirement.

« Jamais personne ne lui avait parlé comme ces gens-là, qui ouvraient leur coeur au premier mot et qui, surtout, la regardaient, non comme une étrangère dont on se méfie, mais comme un membre du clan. Ils l’adoptaient, quoi. Ils l’adoptaient d’emblée. C’étaient des gens qui ne s’intéressaient ni à votre rang social, ni à votre famille, ni à l’importance de votre compte en banque. Ils vous voyaient : « Bonjour, comment allez-vous ? » Et ça venait du fond du coeur. On communiquait avec ces gens-là, on ne se sentait pas seul. Miss Pettigrew ne se sentait plus seule et, en même temps, elle s’apercevait qu’elle l’avait été, jusque-là, à un point qu’elle n’imaginait même pas.

Pendant des années, elle avait vécu chez des étrangers qui la toléraient tout au plus. Quelques heures seulement après être arrivée chez Miss Lafosse, elle s’y sentait comme chez elle. On l’acceptait, on lui parlait, on lui faisait des confidences. Cela lui réchauffait le coeur. » p.74-75

« Elle éprouva de la tristesse à penser que tous ces gens si dynamiques, avec leurs drames et leurs aventures, ne feraient que passer dans sa vie » p.90

___Sous la plume de Winifred Watson, la gouvernante quadragénaire à l’existence terne devient une véritable Cendrillon des temps modernes. Une intention pleinement assumée par l’auteure qui multiplie les références aux contes de fées à travers un champ lexical foisonnant. Dès lors, il importe peu au lecteur de voir évoluer des personnages excentriques au décours de situations totalement rocambolesques. Les évènements s’enchaînent à un rythme endiablé, portés par des dialogues savoureux et une galerie de personnages truculents et hauts en couleurs.

___Maniant l’ironie et le burlesque à la perfection, Winifred Watson nous livre un récit sans temps mort qui enchaîne les situations cocasses et les échanges verbaux pleins d’esprit. Décalé juste ce qu’il faut sans toutefois jamais sombrer dans l’absurde le plus abject ou le non-sens, « Cette sacrée vertu » séduira les amoureux de la littérature anglaise et de l’humour délicieusement british ! Une bouffée d’air frais et un concentré de bonne humeur à consommer sans modération !

Le film

__Réalisé en 2008 par Bharat Nalluri, « Miss Pettigrew lives for a day » est un véritable hommage à l’âge d’or des comédies américaines, s’inscrivant dans la lignée des « screwball comedy » des années 30.

___Si le roman et le film présentent bien quelques différences, les modifications apportées à l’intrigue originale ne dénaturent en rien l’oeuvre de Winifred Watson dont on retrouve ici tous les ingrédients.

___Alors que le roman de Winifred Watson, publié en 1938, s’affranchit de toute dimension historique, le film déploie quant à lui son intrigue à la veille de la Deuxième Guerre Mondiale dont il fait ici un élément de premier plan, appuyant ainsi la confrontation entre une jeune génération insouciante et libertaire et leurs aînés encore marqués par la Grande Guerre. Cette mise en parallèle des deux générations au regard de la menace d’une guerre imminente constitue un contre-pied intéressant et parfaitement maitrisé au registre essentiellement comique du film, lui ajoutant de fait une dimension plus dramatique et une intensité appréciable. Quant à la reconstitution des décors et des costumes du Londres des années 30, c’est une véritable réussite de bout en bout (et un vrai régal pour les yeux !).

___Parmi les autres changements notables opérés lors du passage à l’écran, le personnage d’Edith Dubarry qui, outre son côté snob (déjà présent dans le roman) apparaît dans le film sous les traits d’une femme calculatrice et sans scrupules n’hésitant pas à recourir au chantage. Dans « Miss Pettigrew », les déboires amoureux de la jeune femme vont d’ailleurs avoir de réelles répercussions sur la vie de la gouvernante et donner naissance à un triangle amoureux néanmoins parfaitement maîtrisé. Peut-être est-ce parce que j’ai vu le film avant de lire le roman ou simplement la conséquence logique de la performance remarquable de Shirley Henderson (absolument magistrale dans le rôle de la peste experte dans l’art de la duplicité), toujours est-il que si cette transfiguration du personnage de Miss Dubarry pourra en déranger certains, j’ai pour ma part trouvé ce virage aussi bien pensé que réussi. A côté de la posture ingénue, volontiers positive et toujours enjouée de la blonde Miss Lafosse, la brune et calculatrice Miss Dubarry offre en effet un contraste incroyablement jubilatoire tout en ouvrant à l’intrigue de nouvelles perspectives particulièrement intéressantes.

___Malgré plusieurs modifications au regard de l’oeuvre originale, « Miss Pettigrew » conserve en tout point l’esprit décalé et le rythme effréné du roman de Winifred Watson. Aucune fausse note dans le choix du casting : Amy Adams est absolument irrésistible dans le rôle de l’ingénue volage et opportuniste et Frances McDormand campe une Miss Pettigrew plutôt convaincante quoique plus réservée et davantage moralisatrice que son homologue littéraire.

___L’énergie palpable des acteurs et leur jeu subtilement dosé aboutit à un équilibre parfait entre fantaisie et émotion, insufflant au film toute sa dynamique. Les répliques fusent avec naturel dans ce film à la fois désuet et rafraîchissant.

___Servi par une mise en scène aussi soignée que très théâtrale, « Miss Pettigrew » est une comédie pétillante et pleine de caractère parfaite en cas de petite déprime !

Vous l’aurez compris, si vous aimez la littérature anglaise et l’humour british, je ne peux que chaudement vous recommander de vous pencher sur le roman de Winifred Watson et/ou son adaptation cinématographique!  Seul bémol, le DVD du film n’est disponible qu’en VO (le film est bien sorti en salles en France mais il n’y a pas eu de version française en DVD)… Mais ce serait vraiment un sacrilège de passer à côté de ces deux véritables bijoux d’humour ! 😉